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Adnane Benchakroun, vice-président de l’AEI VS Adnan Debbarh


Rédigé par le Vendredi 12 Septembre 2025



Cher ami Adnan Debbarh

Adnane Benchakroun, vice-président de l’AEI VS Adnan Debbarh
Vous avez eu la courtoisie de lire attentivement notre mémorandum et d’en saluer l’esprit, ce qui mérite d’être souligné. Nous partageons en effet la conviction qu’un parti comme l’Istiqlal doit mettre sur la table des propositions structurantes pour éclairer le débat budgétaire. Nous vous remercions donc pour cet échange, car la confrontation des idées est toujours salutaire pour enrichir la réflexion nationale.

Là où nos chemins se croisent, c’est dans le constat que le Maroc ne souffre pas d’un déficit de stratégies mais d’un défi d’exécution. Nous ne le nions pas. Mais permettez-moi de nuancer votre jugement : si nous avons volontairement mis l’accent sur les mesures économiques et sociales, ce n’est pas par naïveté sur la question de la gouvernance, mais par souci de répondre au mandat précis de ce document : nourrir le projet de Loi de Finances.

Or, un PLF n’est pas une réforme constitutionnelle ni une refonte de l’administration publique. Il est un instrument budgétaire et fiscal, à horizon d’une année, qui doit articuler des priorités, calibrer des dépenses et orienter l’investissement. C’est dans ce cadre que nous avons formulé nos propositions. Accélérer, renforcer, poursuivre : oui, car l’État social ne se construit pas sur une table rase, mais par consolidation et approfondissement des réformes déjà engagées.

Sur l’absence de chiffrage que vous mentionnez, il faut rappeler que notre rôle n’est pas de substituer à l’État ses arbitrages financiers détaillés. Nous proposons des pistes et des priorités, libre au gouvernement et au Parlement de les calibrer. Vouloir réduire la valeur de la contribution à un exercice comptable serait, selon nous, une erreur de perspective. L’essentiel était de rappeler des urgences sociales et économiques, en suggérant des leviers concrets.

Quant à la gouvernance, vous avez raison : sans administration performante, pas de résultats tangibles. Mais dire que nos propositions « reposent dans le vide » parce qu’elles ne détaillent pas la réforme de l’État me semble injuste. Car beaucoup de nos mesures comportent implicitement une exigence de gouvernance. L’élargissement du RSU implique un meilleur ciblage et donc une fiabilisation administrative. La réforme de l’IR suppose une gestion fiscale plus transparente. Le soutien aux PME et aux territoires requiert des mécanismes de suivi et d’évaluation. En d’autres termes, nous lions bien l’action économique et sociale à l’amélioration des pratiques administratives.

Vous évoquez les modèles asiatiques. Nous les connaissons et les admirons. Mais leur succès ne réside pas seulement dans la discipline bureaucratique : il s’est construit aussi sur une vision économique cohérente, articulée avec des choix budgétaires courageux. C’est précisément ce que nous voulons nourrir : un débat sur les choix budgétaires qui préparent le Maroc à franchir un palier décisif en matière de souveraineté, de justice sociale et de compétitivité.

Nous convenons avec vous que la confiance est le ciment du contrat social. Mais cette confiance ne naît pas seulement de l’administration : elle se nourrit aussi de la visibilité et de la clarté des priorités politiques. C’est ce rôle que nous assumons, en mettant en débat des orientations qui ne sont pas des « vœux pieux », mais des leviers concrets que le gouvernement peut activer.

Enfin, permettez-moi une remarque d’ordre pratique : exiger d’un mémorandum de propositions budgétaires qu’il contienne une refonte totale de la gouvernance, c’est lui demander d’être à la fois un programme économique, une réforme administrative et une révolution institutionnelle. Cela relève d’un autre registre, auquel notre Alliance contribue aussi, mais par d’autres canaux et dans d’autres temporalités.

En résumé : nous vous rejoignons sur l’importance de la gouvernance. Mais nous pensons que votre critique sous-estime la valeur d’un travail d’orientation économique et sociale, dont la mission n’est pas de se substituer au législateur ni à l’exécutif sur le terrain de l’organisation administrative. Notre responsabilité est de dire ce qu’il faut faire. Celle du gouvernement est de montrer comment le faire.

Et si nos deux voix se rencontrent aujourd’hui, c’est peut-être le signe que le Maroc a besoin de l’une comme de l’autre : de la clarté des mesures, mais aussi de l’exigence de gouvernance.

Avec toute ma considération amicale et respectueuse,

Adnane Benchakroun
Vice-président de l’Alliance des économistes istiqlaliens





Vendredi 12 Septembre 2025