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Afrique entre souveraineté rêvée et réalités imposées..


Rédigé par le Dimanche 21 Septembre 2025

Parler de l’Afrique aujourd’hui, c’est convoquer à la fois l’image d’un continent jeune, riche en ressources et en idées, mais aussi celle d’un espace constamment ballotté entre influences extérieures, aspirations intérieures et contraintes structurelles. À l’heure où les nations africaines affirment leur volonté de se libérer de tutelles anciennes, elles se heurtent à des défis complexes : comment conjuguer souveraineté et développement dans un monde interdépendant, sans tomber dans la dépendance à de nouveaux partenaires tout aussi exigeants ?



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Le dilemme africain : démocratie, développement et indépendance

Afrique entre souveraineté rêvée et réalités imposées..
La démographie africaine est une force et une fragilité. Plus de la moitié de la population du continent a moins de 25 ans. Ces millions de jeunes réclament éducation, emploi et participation démocratique. Or, nombre de régimes hésitent à ouvrir l’espace politique, préférant miser sur des promesses de croissance économique. Cette dualité – élites tournées vers la prospérité future, jeunesse exigeant des droits immédiats – illustre une fracture croissante. Elle nourrit des mobilisations sociales et des contestations qui secouent de Bamako à Kinshasa.

Les femmes, de plus en plus présentes dans les mouvements sociaux et dans l’entrepreneuriat, accentuent cette demande de changement. Le désir de souveraineté exprimé dans la rue n’est pas seulement une revendication contre les puissances étrangères, mais une quête de dignité et de gouvernance responsable.

Si la colonisation appartient officiellement au passé, ses traces demeurent vivaces. L’Europe, et en particulier la France, reste perçue comme une tutrice encombrante, souvent accusée de soutenir des régimes autoritaires au nom de la stabilité. Mais l’émergence de nouveaux acteurs – la Chine, la Russie, la Turquie, voire les pays du Golfe – rebat les cartes. Pékin finance ports, routes et barrages ; Moscou joue la carte sécuritaire ; Ankara investit dans le commerce et la diplomatie religieuse.

Cette diversification est une chance si elle permet aux pays africains de négocier d’égal à égal. Mais elle comporte aussi le risque d’un nouvel enfermement : dépendre des prêts chinois ou des mercenaires russes revient à troquer une tutelle contre une autre. L’Afrique revendique un non-alignement hérité de la conférence de Bandung, mais dans un monde polarisé, la marge de manœuvre reste étroite.

Un continent jeune face à ses contradictions

Le continent exporte pétrole, cobalt, uranium, cacao, or et gaz, mais importe encore la majorité de ses produits finis. Les matières premières partent brutes, la valeur ajoutée se crée ailleurs. Ce paradoxe bloque la création d’emplois, entretient la dépendance et nourrit la frustration des populations. La zone de libre-échange continentale africaine, entrée en vigueur en 2021, est une tentative de renverser la logique : favoriser le commerce intra-africain, bâtir des chaînes de valeur régionales et offrir aux producteurs locaux un marché de 1,3 milliard de consommateurs.

Des réussites existent. Le Maroc a su capitaliser sur ses atouts géographiques pour devenir un hub industriel et financier ; le Rwanda a imposé une stratégie de stabilité et d’innovation qui force l’admiration ; le Nigeria et l’Afrique du Sud, malgré leurs crises, demeurent des poids lourds économiques. Mais la République Démocratique du Congo ou le Soudan rappellent la fragilité d’un développement constamment menacé par l’instabilité politique et les conflits armés.

Un autre paradoxe s’impose : alors que les enquêtes montrent un fort attachement des Africains à la démocratie, les régimes autoritaires gagnent du terrain. Les coups d’État au Sahel, la répression en Érythrée ou les dérives au Zimbabwe posent une question brutale : la démocratie libérale, telle que conçue en Occident, est-elle transposable sans adaptation au contexte africain ?

Certains pays comme le Ghana, Maurice ou le Botswana prouvent que des institutions solides et inclusives peuvent s’installer durablement. Mais beaucoup d’autres oscillent entre ouverture démocratique et verrouillage autoritaire, justifié par la lutte contre le terrorisme ou la sauvegarde de l’unité nationale.

Le continent n’est pas seulement un champ de crises. La vitalité de ses sociétés civiles, l’innovation technologique (notamment dans le mobile banking ou les énergies renouvelables), et le dynamisme culturel offrent des leviers considérables. L’optimisme africain, souvent souligné, n’est pas naïf : il est porté par une génération qui veut transformer ses réalités locales et peser sur les grands choix mondiaux.

Mais pour que cette énergie se traduise en souveraineté réelle, il faudra briser le cercle vicieux de la dépendance économique et politique. Les crises humanitaires au Sahel ou en Somalie, les déplacements massifs de populations et les menaces climatiques exigent une gouvernance capable de penser le long terme.

L’Afrique avance, mais son chemin n’est ni linéaire ni simple. Entre influences extérieures, paradoxes internes et aspirations populaires, elle cherche à définir une souveraineté qui lui ressemble. Si elle réussit à conjuguer démocratie adaptée, industrialisation endogène et gestion équilibrée de ses partenariats, elle pourrait devenir l’un des pôles majeurs du XXIe siècle.

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Mohamed Ait Bellahcen
Un ingénieur passionné par la technique, mordu de mécanique et avide d'une liberté que seuls l'auto... En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 21 Septembre 2025