Standard & Poor’s (S&P), Moody’s et Fich Ratings !
Cela dit, qu’en est-il des erreurs d’évaluation? D’abord, souvent, des notations excessivement favorables à des produits ou à des émetteurs à haut risque. Des exemples ? La crise des subprimes (2007-2008) avec des produits financiers adossés à des prêts immobiliers risqués qui ont été notés la note la plus sûre: AAA-. Or, ces produits se sont ensuite révélés hautement spéculatifs conduisant à un effondrement global du système financier.
Autre exemple: l’Affaire Enron (2001), un des plus grands scandales financiers aux États-Unis frappant un géant mondial de l’énergie et du trading pour fraude, manipulations comptable et d’ingénierie financière. Le cabinet Arthur b Andersen, l’un des «Big Five» de l’audit mondial, validait les bilans truqués. Les agences de notation Moody’s, S&P maintenaient une note Investment grade jusqu’à quelques jours avant la faillite... Inversement, il faut noter des révisions tardives et des sur-réactions de marché.
De quoi aggraver les crises plutôt que de les anticiper : crise de la dette souveraine européenne (2010-2012) avec les dégradations successives de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne accentuant ainsi la défiance des marchés et une spirale haussière des taux d’intérêt. La crise asiatique (1997) aussi avec de bonnes notes malgré des signes de surendettement puis une dégradation brutale des pays concernés, accélérant les fuites de capitaux.
Pour ce qui est des biais structurels et des conflits d’intérêts, il faut faire référence au modèle de financement des agences qui sont rémunérées par les émetteurs notés.
Ainsi, les économies émergentes sont souvent notées de manière plus prudente, voire pénalisante, notamment en raison de critères macroéconomiques standardisés et inadaptés à leurs réalités. À quoi tiennent les erreurs de dévaluation? À des limites méthodologiques: les notations reposent sur des modèles statistiques et économétriques qui supposent la stabilité des corrélations économiques. Or, ils n’intègrent pas les ruptures systémiques, les facteurs politiques ou les risques non quantifiables (gouvernance, risque social...).
De plus, il faut évoquer le manque de transparence et de supervision. Jusqu’à la crise de 2008, les méthodologies de notation étaient passablement opaques, échappant à toute régulation internationale. Les agences fonctionnaient en effet comme des oligopoles auto-régulés, sans contrainte de justification de leurs changements de note.
Enfin, comment ne pas relever la concentration du marché, trois agences (S&P), Moody’s et Fitch contrôlant plus de 90% du marché mondial? Une situation qui entraîne un effet mimétique. Les agences s’alignent sur les notations de leurs concurrentes, ce qui limite la diversité analytique.
Des réformes ont été engagées pour réarticuler ce «système».
Celle-ci permet une supervision directe des activités de notation et la mise en place d’un calendrier prévisible pour les notations souveraines. Des pays du Sud cherchent à réduire leur dépendance aux grandes agences. En Asie et du côté des BRICS, se développent des modèles alternatifs: la Chine (Dagong Global), l’Inde (CAR Ratings), la Russie (ACRA), fondés sur des critères de stabilité interne et de résilience structurelle.
Reste cependant, en dernière analyse, que la domination de trois grandes agences américaines et leur influence sur les flux de capitaux internationaux sont géopolitiques. La situation du Maroc est significative à cet égard.
Elle illustre la dépendance structurelle des économies émergentes. Une dégradation, même modérée, peut renchérir le coût de la dette souveraine, décourager l’investissement étranger direct et peser sur la perception de stabilité macroéconomique. Le Maroc soutient l’émergence d’une agence de notation africaine crédible adossée à la Banque africaine de développement (BAD) ou à des institutions régionales. Ce qui est en jeu? Le rééquilibrage structurel du pouvoir financier mondial.