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Alibaba propulse le Maroc dans l’arène mondiale de la logistique

Une filiale logistique chinoise s’ancre à Casablanca : Du BtoB aujourd’hui, du BtoC demain


Rédigé par La Rédaction le Lundi 12 Mai 2025

Alibaba installe une filiale logistique au Maroc avec Cainiao : vers une transformation radicale du commerce et du transport entre Rabat, Shanghai et le reste du monde :
Le géant chinois renforce sa présence au Maroc en créant une filiale logistique dédiée.
Un modèle ultra-performant mais centralisé, qui soulève des questions de souveraineté.
Une opportunité économique certaine, mais à encadrer politiquement et juridiquement.



Quand le rêve du e-commerce marocain se heurte à la réalité du transport

Alibaba propulse le Maroc dans l’arène mondiale de la logistique
On croyait avoir tout vu dans le paysage du commerce en ligne au Maroc. Et pourtant, la surprise est de taille : le géant chinois Alibaba ne se contente plus d’être une vitrine pour nos exportateurs, il pose désormais ses cartons au cœur même de Casablanca. Une simple implantation ? Non. Une véritable prise de position logistique, stratégique et, disons-le, un brin inquiétante.

En toute discrétion, Alibaba a lancé une nouvelle structure baptisée Cainiao Smart Logistics Network Morocco, dont le nom fleure bon la rationalisation algorithmique. Une société au statut de SASU, pilotée par la filiale néerlandaise Cainiao B.V., qui est, rappelons-le, le bras logistique d’Alibaba depuis 2013. Installée dans le quartier Gauthier, cette entité ne fait pas dans la dentelle : stockage, tri, douane, data, IT, distribution… Cainiao veut tout gérer, tout maîtriser, tout tracer.

Derrière cet acronyme encore peu connu du grand public, Cainiao est déjà un géant de la logistique internationale. Sa toile d’araignée couvre plus de 200 pays, aligne 1 100 entrepôts sur plus de 16,5 millions de m², 380 centres de tri, 170 vols affrétés chaque semaine, et 170 000 points de dépôt. À titre de comparaison, c’est comme si tout le Maroc devenait un relais de livraison.

Et maintenant ? Le Maroc. Avec une ambition simple : livrer partout en cinq jours. Cela vous semble irréaliste ? Pas pour Cainiao, qui prépare déjà des hubs régionaux, des plateformes douanières intégrées, et une chaîne entièrement numérisée. Il ne s’agit pas seulement d’aider les entreprises marocaines à exporter. Il s’agit d’intégrer notre pays dans la grande matrice du commerce planétaire version chinoise.

Alibaba a amorcé sa percée marocaine en décembre 2024 à Casablanca, en partenariat avec l’ASMEX et l’AMDIE. L’objectif ? Référencer nos entreprises locales sur Alibaba.com, et leur donner une vitrine vers les marchés étrangers. Une aubaine en apparence, une dépendance à terme ? Pour l’instant, seules les entreprises (BtoB) sont concernées. Mais l’étape BtoC – le commerce vers le grand public – n’est qu’une question de temps.

Et qui dit commerce mondial dit logistique robuste. Ce n’est pas une coquetterie, c’est le nerf de la guerre. Sans plateformes de stockage fiables, sans acheminement maîtrisé, sans délais tenus, impossible de tenir la cadence des attentes internationales.

Cainiao ne se contente pas d’ouvrir un bureau : elle entend structurer tout un écosystème. Des emplois ? Oui, à coup sûr. Dans la logistique, la tech, les transports, le traitement de données. Mais avec quelle gouvernance locale ? Qui contrôlera les données ? Qui assurera la souveraineté des flux ? Le modèle proposé est efficace, certes. Mais aussi verticalisé, centralisé et piloté à distance.

Le Maroc est idéalement placé entre Europe, Afrique et Moyen-Orient. Il pourrait devenir un nœud logistique de première importance. Encore faut-il que cette ambition ne devienne pas un simple corridor chinois de plus, où nos infrastructures, nos talents et nos produits servent un moteur qui nous dépasse.

Ce qui se joue ici dépasse de loin un simple projet d’e-commerce. C’est la redéfinition de la logistique marocaine, avec ses risques et ses promesses. Si Alibaba impose son modèle sans réelle co-construction locale, on risque de voir émerger un système ultra-efficace, mais désincarné. Le Maroc peut, et doit, prendre cette vague à son compte. Pas en spectateur, mais en partenaire exigeant.

Le silence des autorités Marocaines face à l’implantation de Cainiao au Maroc est pour le moins déconcertant. Alors que l’arrivée d’un mastodonte chinois dans notre écosystème logistique aurait mérité une prise de parole claire — ne serait-ce que pour rassurer, encadrer ou expliciter les conditions de cette entrée — l’absence totale de réaction officielle interpelle.

Comment expliquer cette discrétion ? Est-ce un choix politique, une omission, ou le signe d’un désalignement institutionnel ? Dans un secteur aussi stratégique pour la souveraineté économique du pays, ce silence pourrait finir par faire plus de bruit que mille déclarations.




Lundi 12 Mai 2025