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Après l’Allemagne, l’Espagne… sans commentaire, ni explication


Par Aziz Boucetta



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Après l’Allemagne, l’Espagne… sans commentaire, ni explication

Il est permis de croire qu’en rappelant ses ambassadeurs en Allemagne et en Espagne, même en consultation, la diplomatie marocaine sait ce qu’elle fait. Ces deux pays se sont certes montrés peu amicaux, intervenant directement dans les affaires internes du Maroc et s’invitant dans la relation bilatérale new generation qu’il entretient avec les Etats-Unis. Mais pour autant, cela relève-t-il d’une politique bien pensée, que l’on applaudirait, ou d’un coup de colère passager, dont les conséquences seraient négatives ?
 

Avec l’Allemagne, le contentieux est significatif, tel que détaillé par le communiqué d’explication du ministère des Affaires étrangères. En appeler à une réunion spéciale du Conseil de sécurité de l’ONU après la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara était, de la part de Berlin, hâtif, inutile, maladroit et hostile.
 

Il en va différemment avec l’Espagne qui, en plus de requérir de Joe Biden qu’il revienne sur la décision de son fougueux prédécesseur, cultive depuis toujours une forme de duplicité dans l’affaire du Sahara. En gros, l’Espagne souhaite entretenir les meilleures relations avec son voisin méridional, mais à sens unique… et l’accueil de Brahim Ghali aurait dû être refusé (comme l’Allemagne l’a fait), ou se faire de manière différente, plus avenante à l’égard du Maroc.
 

Fort bien. Ces deux pays interviennent dans l’affaire du Sahara d’une manière qui ne sied pas au Maroc. Mais alors, pourquoi maintenir notre ambassadeur en Algérie qui, elle, abrite sur son territoire non seulement Brahim Ghali (auquel elle a remis un passeport) mais des milices qui disent être en guerre contre le royaume ? Ou l’Afrique du Sud, ouvertement hostile et dont un ministre a récemment demandé au Polisario de prendre les armes contre le Maroc ?
 

Les médias nationaux soutiennent globalement les actions et décisions de la diplomatie de leur pays, surtout quand leur armée est ou peut être engagée, à Guergarate ou ailleurs... Mais ladite diplomatie doit expliquer ses prises de position aux acteurs non étatiques (dont les médias), de quelque manière que cela soit, et ne pas réduire sa communication à la politique du communiqué froid au langage encore plus glacial. Surtout quand nous entrons en crise ouverte avec un voisin aussi important que l’Espagne et avec un partenaire aussi puissant que l’Allemagne…
 

Notons les coïncidences calendaires des échanges téléphoniques entre Nasser Bourita et Antony Blinken et les décisions de rappels des ambassadrices marocaines à Berlin, puis à Madrid. Le Maroc est-il en train de faire basculer ses alliances stratégiques ? Le tweet du secrétaire d’Etat américain est on ne peut plus explicite : « le Maroc est un partenaire stratégique », précise-t-il, et en diplomatie les mots revêtent une importance particulière.
 

Pourquoi rien n’est dit, ni expliqué, par la diplomatie marocaine, sachant que les médias espagnols, allemands, français, montent au créneau pour soutenir et appuyer les décisions de leurs chancelleries respectives, et qu’ils multiplient les briefs et autres debriefs, en on ou en off, avec leurs gouvernements respectifs ?
 

Et pourquoi notre gouvernement, si préoccupé par le nécessaire respect qui lui est dû, ainsi qu’aux Marocains, ne se soucie-t-il pas des conditions déplorables des délivrances de visas dans des procédures qui, le moins que l’on puisse en dire, ne sont que très peu respectueuses des demandeurs ? Un gouvernement ne peut exiger du respect et de la considération pour lui-même ou pour le pays tout en détournant le regard face aux dépassements et à l’outrecuidance de certains consulats ou entreprises privées mandatées pour recueillir les dossiers de visa ?
 

Enfin, notre voisin de l’est nous qualifie explicitement d’ « ennemi », et notre voisin espagnol affirme par la voix de son premier ministre que toutes les options sont ouvertes pour défendre les deux villes occupées de Sebta et Melilla. Il est difficile de trouver dans le monde un pays entretenant des liens aussi mauvais avec ses voisins.
 

On n’en comprend que moins le mutisme de notre diplomatie. Même si on la soutient.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Mercredi 19 Mai 2021