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Autonomie stratégique, industrie de défense et budget militaire : comment le Maroc accélère face aux vulnérabilités européennes


Rédigé par Lycha Jaimssy MBELE le Vendredi 19 Décembre 2025

Alors que plusieurs pays européens découvrent, parfois brutalement, les failles de leurs systèmes de sécurité face à des menaces technologiques simples et peu coûteuses, le Maroc avance à contre-courant. Discrètement mais méthodiquement, le Royaume consolide son autonomie stratégique, structure une industrie de défense nationale et assume un effort budgétaire cohérent avec ses choix de souveraineté.



L’Europe face à ses fragilités technologiques

Autonomie stratégique, industrie de défense et budget militaire : comment le Maroc accélère face aux vulnérabilités européennes

Depuis plusieurs mois, l’Europe est confrontée à une série d’incidents révélateurs. Des drones non identifiés ont survolé des aéroports civils en Belgique, au Danemark, en Norvège et en Allemagne, perturbant le trafic aérien et exposant les limites des dispositifs de protection existants. Plus préoccupant encore, certaines bases militaires sensibles, y compris des installations stratégiques liées à l’OTAN, ont été approchées sans interception effective.
 

Ces intrusions ont mis en évidence une réalité difficile à ignorer : des infrastructures critiques, pourtant dotées de moyens technologiques avancés, restent vulnérables à des engins simples et peu coûteux. La situation a été telle que Washington a dû intervenir en urgence pour renforcer les capacités de détection et de neutralisation, soulignant la dépendance persistante de plusieurs États européens en matière de sécurité.
 

Ce contexte illustre une rupture plus large. Face à des menaces asymétriques capables de provoquer des perturbations majeures à un coût marginal, les logiques classiques de défense montrent leurs limites.


Le choix marocain de l’anticipation

C’est précisément sur ce point que la trajectoire marocaine se distingue. Le Royaume a intégré ces mutations technologiques dans sa réflexion stratégique, qu’il s’agisse de menaces de rupture – missiles hypersoniques, avions furtifs – ou de dispositifs plus accessibles comme les drones légers. Là où certains réagissent dans l’urgence, le Maroc anticipe.
 

Cette posture repose sur un choix politique assumé : développer des capacités souveraines afin de protéger ses intérêts vitaux et préserver sa liberté d’action dans un environnement sécuritaire de plus en plus instable. Cette anticipation ne se traduit pas par une logique de démonstration, mais par une construction progressive et cohérente des moyens.
 

L’augmentation du budget de la Défense inscrite dans le projet de loi de finances 2026 s’inscrit dans cette approche. Les 73 milliards de dirhams alloués, soit environ 4 % du PIB, auxquels s’ajoutent 157 milliards de dirhams d’autorisations d’engagement, répondent à des besoins opérationnels précis. Les équipements de nouvelle génération acquis ces dernières années – F-16 Block 72, hélicoptères Apache, drones Bayraktar et Akinci, systèmes Patriot ou HIMARS – nécessitent une maintenance lourde, des infrastructures adaptées et une formation continue des équipages.


De l’équipement à la souveraineté industrielle

Cette dynamique budgétaire traduit un changement de paradigme. Le Maroc ne se contente plus d’acheter des équipements ; il cherche à structurer durablement ses capacités. L’objectif est clair : réduire les dépendances extérieures et garantir la disponibilité réelle des moyens engagés.
 

La loi 10-20 relative à l’industrie de défense, promulguée en 2020, a posé le cadre juridique de cette ambition. En 2025, les premiers résultats deviennent visibles. Contrairement aux trajectoires classiques observées dans d’autres pays émergents, le Royaume n’a pas commencé par les segments les plus simples. La production de drones de dernière génération, le lancement de véhicules blindés 8×8 et la création d’un centre de maintenance et de modernisation des F-16 et C-130 traduisent une volonté claire d’entrer directement dans le haut du spectre technologique.
 

Cette orientation se concrétise à travers les dix projets industriels annoncés par Abdellatif Loudiyi, représentant un investissement d’environ 260 millions de dollars et la création de plus de 2 500 emplois directs. Au-delà des chiffres, l’enjeu est stratégique : doter les Forces armées royales de capacités locales, fiables et réactives, tout en structurant un tissu industriel national à forte valeur ajoutée.


Dans un monde marqué par l’instabilité et les ruptures technologiques, le Maroc fait le choix de la construction méthodique. En misant sur l’autonomie stratégique et une industrie de défense nationale, le Royaume inscrit sa sécurité dans une vision durable, où souveraineté, emploi et stabilité avancent de concert.





Vendredi 19 Décembre 2025