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Aux portes de l’Europe, Rabat tisse un bouclier pour ses banques


Rédigé par le Mercredi 27 Août 2025

Face au resserrement réglementaire européen, le Maroc intensifie une diplomatie de précision pour préserver la fluidité des flux bancaires: compliance affinée, dialogue prudentiel, modernisation technologique. En jeu: commerce, diaspora, crédibilité financière.



Correspondance bancaire: préserver les artères invisibles

Aux portes de l’Europe, Rabat tisse un bouclier pour ses banques
Dans la discrétion feutrée des corridors réglementaires, une partie décisive se joue. Tandis que l’Union européenne empile directives, guidelines et stress-tests, Rabat s’emploie à maintenir ses banques dans le cercle des partenaires jugés “fiables”. Pas d’effet d’annonce tapageur, mais une stratégie millefieuille: diplomatie technique, montée en gamme des outils de surveillance financière, narration de confiance.

Pourquoi cette vigilance accrue maintenant ? Parce que la correspondance bancaire, ces artères invisibles qui irriguent transferts diaspora, financements d’importations d’équipements, règlements d’exportations automobiles ou phosphatières, se fragilise dès que l’ombre d’un doute plane sur la conformité. Une perte de relations correspondantes se traduit vite par coûts plus élevés, délais, voire réorientation des flux vers des circuits moins transparents.

Les autorités marocaines engagent donc un dialogue serré avec superviseurs étrangers, pour exposer renforcement des dispositifs AML (Anti-Money Laundering) et CFT (financement du terrorisme), et mettre en avant la modernisation des process know your customer (KYC). Derrière, un chantier silencieux: agrégation centralisée de données clients, scoring comportemental, intégration d’algorithmes pour détecter anomalies transactionnelles.

Cette translation technologique sert un double récit: rigueur et agilité. La banque marocaine veut se montrer assez robuste pour filtrer le risque, assez fluide pour accompagner une expansion africaine qui reste l’un de ses différenciateurs. Car l’ambition de Casablanca comme hub continental ne tolère ni incident de conformité majeur ni image de juridiction vulnérable.

Le défi est un funambule: pousser la granularité des contrôles sans étouffer le tissu entrepreneurial ou rallonger indéfiniment les délais d’ouverture de comptes. Illustration: chaque demande additionnelle de justificatif adressée à une PME exportatrice peut devenir friction ou preuve de sérieux, selon la pédagogie qui l’accompagne.

En filigrane plane une autre tension: hypertrophie réglementaire européenne (multiplication de textes sectoriels, sanctions internationales plus extraterritoriales) versus nécessité d'inclusion financière. Trop de filtres, et les flux informels regagnent du terrain; trop peu, et la réputation vacille.

Dans cette équation, l’innovation RegTech apparaît comme catalyseur: mutualisation de listes de risques, automatisation des revues périodiques, cryptage avancé des registres, partage sécurisé d’alertes. Elle pourrait aussi libérer des ressources humaines pour l’analyse qualitative – cette intuition humaine que l’algorithme n’égale pas encore.

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Mamoune ACHARKI
Journaliste junior passionné par l'écriture, la communication, les relations internationales et la... En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 27 Août 2025