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Aux portes du désert, un oasis SIJILMASSA


J’ai grand plaisir aujourd'hui à vous conter non pas un personnage historique, mais un lieu, un site, un mirage....une cité ensorcelante, puissante, névralgique, qui porta le nom de SIJILMASSA.



Par Fouad ZAIM-CHERKAOUI

Aux portes du désert, un oasis SIJILMASSA
J’ai grand plaisir aujourd'hui à vous conter non pas un personnage historique, mais un lieu, un site, un mirage....une cité ensorcelante, puissante, névralgique, qui porta le nom de SIJILMASSA.

SIJILMASSA
est située au cœur de la région du Tafilalt, au sud des gorges du Ziz et de Ksar Es-Souk, aujourd'hui Errachidia, aux portes de l'actuelle cité de Rissani, foyer d’éclosion de la dynastie Alaouite, à une quarantaine de kilomètres des dunes de Merzouga. La cité fut fondée en l’an 757, par la communauté des Meknassas, sous l'autorité de Semgou Ibn Wassoul al-Miknassi.

SIJILMASSA, de par sa position géostratégique, se mue rapidement en un hub à nul autre pareil, une porte d'entrée du Maghrib Al-Aqsa d'un côté, de l'Afrique du subsaharienne de l'autre, un carrefour, une immense cité marchande de la rive nord du Sahara, populeuse, bigarrée et cosmopolite, d’un dynamisme remarquable, vers laquelle convergent les grandes caravanes chamelières reliant l’est et l’ouest, le nord et le sud, notamment celles en provenance du "Bilad as-Soudan", en l’occurrence des empires Shongaî, du Ghana et du Mali. 

Du temps de sa splendeur, SIJILMASSA est composée de plus de 600 kasbahs qui forment autant de quartiers ; la kasbah principale abritant le palais de l'émir, la grande mosquée, un atelier de frappe monétaire, ainsi qu'un immense marché de négociants, où l’on parle les langues les plus variées, notamment le peul, le soninké, le bambara, l’arabe et le berbère. 

Le Cordouan Al-Bakri (1040-1094) qui y séjourne se plait à relever, à propos de la cité qu’il découvre, que « dans l’intérieur on voit de très belles maisons et des édifices magnifiques. Elle possède un grand nombre de jardins. La partie intérieure de la muraille qui l’entoure est en pierres et la partie supérieure en briques. Cette muraille est percée de douze portes ». De son côté, Ibn Battuta, qui y pénètre en 1352, écrit ceci : «j’ai atteint la ville de Sijilmassa, une très belle ville. Elle a des dattes abondantes de bonne qualité ».   

Les caravanes chamelières qui transitent par SIJILMASSA  prennent leur source dans le Golfe de Guinée, dans les cités de Djenné, de Gao et de Tombouctou, remontent vers Aoudaghost, Ouadane ou Taghaza, pour déboucher, à travers le Touat, à SIJILMASSA. Elles transportent généralement de la poudre d'or, de l'voire, des plumes d'autruche, mais aussi, souvent, des esclaves.
     
SIJILMASSA est donc d’abord et avant tout un espace de confluence et de transit, durant plus de sept siècles, au moins du IXème au XVIème siècle. Les productions de "Bilad As-Soudan", notamment la poudre d'or, remontent vers Marrakech, Fès pour franchir la Méditerranée à Tingis, Sebta ou Badis et aboutir dans Bilad Al-Andalus, à Kortoba, Madinat Ez-Zahra, Ronda, Gharnâta ou Shbîlya.

Le commerce avec Bilad as-Sudan est basé le plus souvent sur le troc. La principale monnaie d’échange est constituée de barres de sel qui sont échangées contre de la poudre l’or. Les importations du Maghrib al-Aqsa comprenaient l’or, mais aussi les plantes médicinales, les plumes d’autruche, la corne de gazelle, le bois d’ébène et l’ambre. Le sel valait alors son pesant que l’or. 

SIJILMASSA entame cependant son déclin au XVème siècle, lorsque les Portugais après avoir pris Sebta, débouché essentiel de la route de l’or, en août 1415, franchissent, dotés de  leurs caravelles le Cap de Boujdour, et débouchent sur le Golfe de Guinée, au cœur des zones aurifères. La voie maritime l'emporte dès lors sur les voies transsahariennes, les caravelles portugaises sur les caravanes africaines. SIJILMASSA perd à jamais sa raison d'être de hub transsaharien, au profit des voies maritimes 

Entre 1988 et 1998, un programme archéologique de grande ampleur, le Moroccan-American Project at Sijilmasa (MAPS) s’est déroulé sous la supervision de Ronald Messier, professeur d’histoire de l’islam à la Middle Tennessee State University (MTSU). 

 À l’issue de six campagnes de terrain, alliant fouilles, études environnementales et prospections archéologiques, une importante documentation scientifique a été produite, intégrant des écrits, des relevés et de très nombreuses photographies, soit un total de près de 10 000 pièces exploitables. Le potentiel scientifique de ce fonds d’archives n’avait à ce jour pas été exploité à la hauteur des résultats obtenus par cette mission. Son étude a été associée à une grande campagne de prospections extensives, menées sur l’emprise du site archéologique de Sijilmassa mais aussi dans ses environs immédiats

SIJILMASSA, aux portes de Rissani, est aujourd’hui un champ de ruines, ….lesquelles s’étendent sur près de huit kilomètres le long de l’Oued Ziz, dans le Tafilelt, aux portes de Rissani. 

Alors que d'autres sites historiques, tels que Lixus, Tamuda, Ksar Es-Sghir, ou Banasa ont été parfois merveilleusement restaurés, souvent mis en valeur, et généralement protégés, le site d'une cité qui fut à ce point stratégique et prospère que fut SIJILMASSA, demeure, pour des raisons mystérieuses, en tous cas incompréhensibles, quasiment laissé à l'abandon. 

Il est toutefois fort heureux qu’ait été fondé récemment un Musée Sijilmassa, Carrefour des civilisations dans la cité voisine de Errachidia.

           
Ah...pauvres d'eux...les responsables d'un tel état de fait..... si l’importance, la prospérité, la magie de SIJILMASSA durant près de sept siècles leur avait été contées.

Rédigé par Fouad ZAIM-CHERKAOUI


Vendredi 28 Janvier 2022