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Avortement, libertés individuelles… le gouvernement osera-t-il ?




Par Aziz Boucetta

Avortement, libertés individuelles… le gouvernement osera-t-il ?

Certains estiment leur effectif entre 600 et 800 mais il est difficile de quantifier ce qui est clandestin, alors disons qu’elles sont toujours des centaines de jeunes femmes à se soumettre chaque jour à un avortement clandestin, médicalisé ou non mais dans tous les cas dangereux, humiliant… destructeur. Aussi destructeur qu’une classe politique qui ne veut absolument et définitivement pas comprendre qu’on ne-met-pas-l’amour-en-prison !
 

Quatre petits articles du gros code pénal, et des milliers de vie sont en difficulté ; on verrouille en amont et en aval. Les articles 489/490/491 interdisent les amours charnelles hors liens sacrés du mariage et embastillent leurs acteurs, dans toute forme de procès, généralement expéditifs. Et puis, en aval, une fois l’acte commis et l’irréparable survenu, une grossesse par exemple, on cadenasse aussi par l’interdiction de l’avortement en brandissant les articles 449 à 457 (le 453 autorisant l’avortement, quoique strictement encadré).
 

Les puristes de la morale, les rigoristes de la religion et les fumistes de la pudeur vous diront que si on laisse faire, le Maroc risque de tomber dans les excès de Sodome et même dans les turpitudes de Sade. Mais le gouvernement et nos parlementaires devront un jour se poser cette question, et devront même essayer d’y répondre, en se rasant le matin ou en se démaquillant le soir : Comment promouvoir l’élément humain comme le préconise le NMD et interdire à ce même élément humain l’activité la plus naturelle qui soit, après la sustentation ? Comment développer les esprits des populations en s’appropriant leurs corps ? Comment attendre des femmes de contribuer au développement du pays alors que leurs corps ne leur appartiennent pas ?
 

En mars 2015, le roi Mohammed VI s’était emparé de la question de l’avortement et avait demandé un rapport à d’éminents spécialistes et responsables du gouvernement et d’institutions constitutionnelles. Un rapport plus tard et le souverain, se fondant sur les textes religieux, avait instruit de légiférer en assouplissant l’article 453 pour les cas de viol et d’inceste, de malformations fœtales ou de mise en danger de la santé de la mère, avec cette précision dans le communiqué de « faire prévaloir les vertus de l’Ijtihad ».
 

Qu’est-ce que la santé (de la mère) ? L’OMS répond : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».  Il n’y a même plus besoin de questionner un médecin spécialiste pour savoir qu’une grossesse non désirée, en plus de mettre en danger la santé physique de la mère, menace sa santé mentale et son bien-être social. Cette mère est reniée, clouée au pilori, honnie, bannie, par des personnes qui ont certainement fait la même chose, sans « se faire prendre ».
 

De 2015 à 2021, le projet de loi est enterré dans les tiroirs-mouroirs du parlement… Avec la nouvelle majorité, nous serions en droit d’attendre quelque audace législative, sachant que sur les avortements opérés, les cas d’inceste, de viol, de mise en danger de la santé (physique) de la mère et de malformation fœtale ne représentent que 10% du total… sachant aussi que selon une étude de l’Association Marocaine de Lutte contre l'Avortement Clandestin (AMLAC), plus de 50% de ces grossesses non désirées sont vues chez des couples mariés… sachant de plus que RNI et PAM se sont prononcés, très prudemment il est vrai, pour un amendement de l’article 453… et sachant enfin que Nizar Baraka a déclaré publiquement que « notre référentiel islamique nous empêche certes d’autoriser un interdit religieux, mais il faut remplacer la prison par des peines alternatives ».
 

Il est important aujourd’hui, crucial, vital même pour notre société, que le gouvernement ose… Le roi a évoqué l’ijtihad, et l’ijtihad, c’est oser. Le modèle de développement se fonde sur l’élément humain, et l’élément humain, pour donner, pour s’épanouir, doit pouvoir jouir de ses libertés, qu’il en use ou pas… « Un Etat fort et une société forte » ne peuvent être avec des personnes frustrées et inhibées, avec des femmes qui meurent d’avortements clandestins.
 

Si la loi persiste à s’intéresser à nos culottes, il faut que les faiseurs de loi aient le culot d’y mettre un terme, et cela passe aussi par l’éducation sexuelle dans les écoles, car l’Etat qui a imposé l’obligation de la vaccination peut aussi, peut donc proposer l’assouplissement des règles de l’avortement pour préserver la santé physique, mentale et sociale de nos femmes. L’OMS le dit, le Roi le suggère, et la bonne tenue de la société le requiert.
 

MM. Akhannouch, Ouahbi, Baraka, Talbi Alami, en sauvant nos femmes de leur douleur et du déshonneur, vous feriez honneur à vos fonctions et vous nous obligeriez.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Dimanche 21 Novembre 2021