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Aziz Akhannouch, un an après… des chiffres, mais une politique indéchiffrable


Avant, le monde politique, la société civile et la société tout court montraient une grande indifférence à ce que faisait le RNI. Et c’est toujours le cas, sauf qu’aujourd’hui, et par la grâce de cette mémorable élection du 8 septembre 2021, le RNI dirige le gouvernement, la majorité, la Chambre des représentants, quatre Régions, Rabat, Casablanca et Agadir (entre autres)…



Par Aziz Boucetta

Aziz Akhannouch, un an après… des chiffres, mais une politique indéchiffrable
On essaie donc de comprendre ce qu’est ce parti devenu et ce qu’il veut, voire ce qu’il pense, mais on essaie seulement… un an jour pour jour après la nomination de son chef à la tête du gouvernement !

Cela faisait longtemps que le RNI n’avait pas organisé d’université d’été de sa Jeunesse, car la pandémie est passée par là. On comprend. Ce septembre 2022 donc, le Covid ayant eu la délicatesse de se faire plus discret, le RNI a renoué avec sa grand-messe de la jeunesse, il faut le reconnaître, régulière car elle en est à sa 4ème édition. L’amphithéâtre d’Agadir a abrité l’évènement, avec des milliers de jeunes et moins jeunes, de cadres et surtout d’encadrants de jeunes gens ne semblant pas toujours au fait de ce pourquoi ils sont venus.

Alors il a parlé… Il, c’est le chef du RNI et du gouvernement Aziz Akhannouch qui n’est jamais tant à l’aise que quand il est en terrain connu, celui de son parti, sur ses terres gadiries, avec pas de questions inopportunes de journalistes importuns, un discours écrit et généralement bien décliné, avec moult effets de manche et, à chaque fois, un événement supposé lui attirer la sympathie des foules. Cette fois, c’est la scène du jeune adolescent qui monte sur la scène pour créer l’émotion dans les bras du leader, ému, les yeux fermés. Las… trop de com’ tue la com’, et c’est d’autant plus vrai quand il n’y a pas de communication.

Et qu’a-t-il dit ? Il a dressé le bilan de son gouvernement, énuméré les actions entreprises, détaillé les montants engagés dans de nombreux secteurs en difficulté, du fait de la crise, de la sécheresse, de la perturbation des chaînes d’approvisionnement, de l’inflation… Et il est exact de dire que ce gouvernement travaille, qu’il est dans l’action et non dans le discours, ce qui pourrait se défendre… que son chef a refusé de céder à la facilité en actionnant la Caisse de compensation pour soutenir les prix de l’énergie… qu’il s’est lancé et a lancé nombre de chantiers devant aboutir à la construction d’un Etat social…

Tout cela est vrai, même si de larges pans de la politique demeurent discutables, mais la politique est ainsi, toujours discutable, toujours sujette au débat. Le problème est que l’action du gouvernement Akhannouch se produit dans un cadre cadenassé, silencieusement, dans une sorte de collectif associatif fonctionnant en entre-soi et s'enfermant dans une logique "partisane" tout en mobilisant des éléments de discours valorisant l'ouverture.

Ce qui manque au gouvernement Akhannouch et à ce dernier, c’est l’approche politique, car la constitution 2011, en instaurant la fonction de chef du gouvernement, lui a conféré un rôle politique de coordonnateur de la majorité, d’ordonnateur des politiques publiques et de co-concepteur de la politique générale du pays. Le chef du gouvernement, en plus des fonctions classiques d’un Premier ministre, doit donc expliquer sa politique et s’expliquer devant l’opinion publique.

En ne faisant ni l’une ni l’autre, en s’absentant à plusieurs rendez-vous parlementaires, en disparaissant aux yeux de l’opinion publique, en laissant dangereusement monter une fronde face aux soupçons insistants de conflits d’intérêt, M. Akhannouch a commis l’erreur de déclasser l’éminente fonction de chef du gouvernement faiseur de politique en celle, plus modeste, de simple premier ministre, exécutant de politiques conçues ailleurs. Et cela est d’autant plus marqué que son gouvernement est composé en grande partie de ministres non politiques, les « régaliens » qui ne semblent pas trop relever de l’autorité du chef du gouvernement et les technocrates enrôlés et nouvellement peints en politiques, qui agissent en techniciens talentueux (sauf certaines exceptions) mais ternes.

La constitution 2011 est un texte avant-gardiste qui consacre LE politique, interdit la révocation du chef du gouvernement et qui, dans le cadre de la légitimité d’une monarchie aux larges pouvoirs, entérine quand même les principes généraux de séparation des pouvoirs. Et les résultats de l’élection de 2021 ont offert une large majorité à l’exécutif, relayée dans les collectivités territoriales.

Or, un an après, nous n’avons au parlement que de pâles chambres d’enregistrement abritant des élus applaudissant bruyamment et s’invectivant tout aussi bruyamment, et dans les territoires que des alliances sans ambitions ni grandes actions. Quant au chef du gouvernement et ainsi qu’il l’a encore montré à Agadir, il fonctionne toujours dans la logique de la campagne électorale, dans l’opulence et l’ostentation somptuaire en ces temps où la sobriété est requise.

Il est toujours temps que M. Akhannouch, qui a récemment opéré une cure salutaire dans ses équipes de communicateurs et de conseillers, comprenne qu’il n’est pas un vulgaire technicien aux allures vaguement technocrates, mais qu’il est le chef du gouvernement du Royaume du Maroc. Et qu’il doit se comporter comme tel, se faisant bouclier plus que fusible, redonnant son lustre à la politique.

Rédigé par Aziz Boucetta sur PanoraPost


Mardi 13 Septembre 2022