L’annonce est à la fois technique et tendue d’enjeux économiques et environnementaux. Dans un monde où la ressource en eau devient l’un des marqueurs les plus saillants du changement climatique, Rabat a obtenu de la Banque islamique de développement un financement de 188,82 millions d’euros destiné à atténuer le stress hydrique qui pèse sur une grande partie du territoire national. Ce soutien servira à construire de nouveaux barrages, des canaux de transfert et des ouvrages connexes afin de sécuriser l’approvisionnement en eau potable et agricole. L’objectif : acheminer l’excédent d’eau des bassins du Nord vers les régions du Sud, beaucoup plus vulnérables à la sécheresse.
Sur le papier, ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Mais pour des dizaines de milliers de familles marocaines installées dans des zones arides, c’est surtout la promesse d’un soulagement tangible face à des années de baisse des pluies et de tensions sur les nappes phréatiques. La question de l’eau n’est plus une abstraction pour beaucoup ; c’est une réalité quotidienne qui conditionne la survie des cultures, le bétail et même l’installation des populations rurales.
Dans cette logique, 18,23 millions d’euros supplémentaires ont été alloués à un projet jugé tout aussi crucial : le développement de la chaîne de valeur de l’aquaculture continentale. Ce segment de l’économie bleue vise à renforcer la pisciculture, à créer de nouvelles sources de revenus et à favoriser l’emploi dans des zones souvent laissées à l’écart des grandes dynamiques économiques.
Quand on interroge des jeunes agriculteurs ou pisciculteurs au bord du lac de Sidi Mohammed Ben Abdellah, ce type d’investissement est perçu comme un encouragement fort à explorer des filières à forte valeur ajoutée, loin des parcours traditionnels de l’agriculture pluviale. Ici, la finance internationale ne se contente pas de pomper de l’eau : elle irrigue des espoirs économiques.
Avec un total de 207,05 millions d’euros, soit environ 225 millions de dollars, le Maroc absorbe près de 16,5 % de l’enveloppe totale de 1,365 milliard de dollars approuvée en faveur de douze pays membres de la BID lors de cette session. L’institution internationale a ainsi consacré une part importante de ses fonds à des projets qui répondent à des priorités structurelles plutôt qu’à des investissements purement infrastructurels classiques, comme les routes ou les autoroutes.
Ce positionnement traduit une reconnaissance claire de la BID : la sécurité hydrique et l’essor de secteurs à forte intensité d’emplois ne sont pas de simples défis techniques, mais des enjeux de souveraineté économique et de résilience. Dans un Maroc qui a connu plusieurs années de sécheresse et dont la pluviométrie demeure erratique, ces financements sont une réponse institutionnelle à une crise multidimensionnelle.
Pour la Banque islamique de développement, l’objectif va au-delà du chiffrage immédiat des projets. Les engagements récents s’insèrent dans le cadre stratégique 2026-2035 de l’institution, qui prévoit une montée en puissance de sa capacité de financement à long terme pour ses pays membres, dont le Maroc fait partie aux côtés de 56 autres. Développé autour de trois leviers – des solutions adaptées à chaque pays, le recours aux principes islamiques de solidarité et d’équité, et l’orientation des ressources vers la productivité et la résilience –, ce cadre promet d’augmenter significativement les financements concessionnels au fil des années.
Pour Rabat, cette dynamique s’inscrit dans une stratégie cohérente avec ses propres priorités nationales. Le Maroc a, ces dernières années, multiplié les initiatives pour répondre à la crise de l’eau, y compris à travers des plans pour augmenter la capacité de dessalement à l’horizon 2030, avec l’objectif d’atteindre jusqu’à 60 % de l’eau potable à partir de l’eau de mer, selon les autorités.
Dans ce paysage, le soutien de la BID ne se substitue pas aux efforts domestiques, mais les complète. Il permet de catalyser des investissements, d’attirer des compétences et de nouer des partenariats publics-privés porteurs pour le long terme.
À l’heure où les défis climatiques se conjuguent avec les besoins d’une croissance inclusive et durable, le coup de pouce financier de la Banque islamique de développement offre au Maroc des moyens concrets pour avancer sur des fronts essentiels : l’eau comme pilier de la vie, et l’aquaculture comme levier d’un développement économique plus diversifié. Reste désormais à transformer ces outils en résultats mesurables sur le terrain, là où vivent et travaillent les Marocaines et les Marocains pour qui chaque goutte compte.