Un secteur en recomposition, entre redressement financier et intensification de la concurrence
Le marché marocain des carburants continue de naviguer dans une mer agitée, entre reprise timide, hausse des volumes et tensions persistantes sur les marges. Le dernier rapport du Conseil de la concurrence, publié en juillet 2025, offre une radiographie précise de la performance économique et financière des neuf principales sociétés de distribution en gros de gasoil et d’essence, à la lumière des engagements pris dans le cadre des accords transactionnels conclus avec l’institution.
Sur fond de prix volatils à l’international, de fiscalité structurante et d’un jeu concurrentiel plus ouvert, l’année 2024 et le 1er trimestre 2025 dessinent les contours d’un secteur en transition.
Valeur en baisse, volumes en hausse : une équation paradoxale
Le premier signal fort de cette période est une hausse notable des volumes importés, couplée à une baisse de leur valeur totale, reflet de l’évolution des cours mondiaux. Ainsi, les importations de gasoil et d’essence ont atteint 65.000 unités de 100 tonnes en 2024, soit une augmentation de +11,6% par rapport à 2023. Pourtant, leur valeur cumulée a reculé de -1,8%, passant de 52,76 à 51,82 milliards de dirhams.
Cette tendance s’est prolongée au 1er trimestre 2025, avec 1,62 million de tonnes importées (+10,4% sur un an), pour une valeur de seulement 12 milliards de dirhams, en repli de -6,9%. L’explication ? La chute des prix internationaux : le prix moyen d’importation du gasoil est tombé à 6,67 DH/litre (-12%), celui de l’essence à 6,50 DH/litre (-10%).
Une capacité de stockage qui progresse, mais un leadership érodé
Face à cette dynamique, les neuf sociétés concernées continuent d’investir : leur capacité totale de stockage a atteint 1,15 million de tonnes en 2024, en hausse de +7,4%. Mais leur domination s’effrite : leur part de marché en volume et valeur sur l’importation est passée de 89% en 2023 à 84% en 2024, et à 82% au 1er trimestre 2025. De nouveaux entrants — BGN Energy Maroc, Apollo Petroleum ou BB Energy — grignotent progressivement des parts.
Distribution : plus de stations, mais moins de rentabilité
Le réseau de stations-service s’est étoffé : 3.534 unités fin 2024, 3.573 en mars 2025, dont 72% contrôlées par les neuf sociétés historiques. En 2024, les ventes totales ont atteint 7,3 milliards de litres, soit +3% sur un an. Le chiffre d’affaires s’est établi à 77,3 MMDH, en baisse de -3%.
Au 1er trimestre 2025, les ventes ont reculé à 1,67 milliard de litres (-2%), pour un chiffre d’affaires de 16,55 MMDH (-13%). Le gasoil représente toujours 85% des volumes et 83% de la valeur.
Marges brutes : une volatilité préoccupante
Les marges brutes commerciales moyennes par litre vendu illustrent la fragilité du secteur. Au 1er trimestre 2025, elles se sont établies à 1,24 DH/L pour le gasoil et 1,95 DH/L pour l’essence, en baisse nette après un pic observé en février.
La marge brute essence a atteint un maximum de 2,11 DH/L avant de chuter à 1,66 DH/L fin mars. Côté gasoil, on est passé de 1,46 à 0,86 DH/L. Ce repli en deux mois traduit une tension croissante entre prix d’achat, cession, et concurrence accrue.
Résultat net : un redressement en trompe-l’œil
En 2024, le résultat net cumulé des neuf sociétés a atteint 2,3 milliards de dirhams, un net rebond après -370 MDH en 2023 (année de l’amende du Conseil). Le taux de marge nette du marché carburants est ainsi passé à 2,9% (contre 0,6% en 2022 et -0,5% en 2023). Toutefois, cela reste en deçà du niveau de 3,4% enregistré en 2021.
La marge nette par litre s’élève à 43 centimes pour le gasoil et 61 centimes pour l’essence. Sur la période 2022-2024, ces marges moyennes n’étaient que de 16 et 31 centimes respectivement.
Investissements constants, mais rentabilité fluctuante
Les investissements sont restés stables à 1,3 MMDH/an, sans suivre les oscillations du résultat net. Sur 2022-2024, ce dernier n’a atteint en moyenne que 821 MDH/an, contre 1,81 MMDH/an sur 2018-2021, soit une division par deux.
Rentabilité globale : 2024 rattrape les années creuses
Sur l’ensemble des activités (pas uniquement carburants), 2024 marque un rebond :
ROCE (Retour sur capital employé) : 30% en 2024, contre 15% en 2022
ROE (Rendement des capitaux propres) : 29% en 2024, contre 7% en 2023
Taux de rentabilité moyen : 3,5% en 2024, après 0,7% en 2023
Mais sur la période 2022-2024, le taux de rentabilité moyen reste à 1,8%, bien en dessous des 3,7% observés entre 2018 et 2021.
Dividendes en repli
Le taux de distribution de dividendes chute à 41% en 2024, contre 87% sur 2018-2021, et même 140% en 2022, conséquence des tensions sur les résultats nets, et du choix de plusieurs opérateurs majeurs de ne pas distribuer de dividendes.
Corrélations internationales : un ajustement lent mais réel
L’analyse des cotations CIF (hors taxes), des coûts d’achat et des prix de cession montre une tendance à l’ajustement. Pour le gasoil, les prix de cession ont baissé de 0,15 DH/L, alors que les coûts d’achat augmentaient de 0,12 DH/L. Pour l’essence, les prix de cession ont baissé de 0,13 DH/L, légèrement plus que la baisse des coûts d’achat (-0,04 DH/L).
Fiscalité : l’État encaisse, même quand le marché recule
Les recettes fiscales (TIC + TVA) ont progressé de +6,4% au T1 2025, atteignant 6,86 MMDH, dont 83% proviennent des neuf sociétés suivies. Cela confirme que malgré la baisse des prix, la hausse des volumes importés compense l’érosion des valeurs unitaires.
Sur fond de prix volatils à l’international, de fiscalité structurante et d’un jeu concurrentiel plus ouvert, l’année 2024 et le 1er trimestre 2025 dessinent les contours d’un secteur en transition.
Valeur en baisse, volumes en hausse : une équation paradoxale
Le premier signal fort de cette période est une hausse notable des volumes importés, couplée à une baisse de leur valeur totale, reflet de l’évolution des cours mondiaux. Ainsi, les importations de gasoil et d’essence ont atteint 65.000 unités de 100 tonnes en 2024, soit une augmentation de +11,6% par rapport à 2023. Pourtant, leur valeur cumulée a reculé de -1,8%, passant de 52,76 à 51,82 milliards de dirhams.
Cette tendance s’est prolongée au 1er trimestre 2025, avec 1,62 million de tonnes importées (+10,4% sur un an), pour une valeur de seulement 12 milliards de dirhams, en repli de -6,9%. L’explication ? La chute des prix internationaux : le prix moyen d’importation du gasoil est tombé à 6,67 DH/litre (-12%), celui de l’essence à 6,50 DH/litre (-10%).
Une capacité de stockage qui progresse, mais un leadership érodé
Face à cette dynamique, les neuf sociétés concernées continuent d’investir : leur capacité totale de stockage a atteint 1,15 million de tonnes en 2024, en hausse de +7,4%. Mais leur domination s’effrite : leur part de marché en volume et valeur sur l’importation est passée de 89% en 2023 à 84% en 2024, et à 82% au 1er trimestre 2025. De nouveaux entrants — BGN Energy Maroc, Apollo Petroleum ou BB Energy — grignotent progressivement des parts.
Distribution : plus de stations, mais moins de rentabilité
Le réseau de stations-service s’est étoffé : 3.534 unités fin 2024, 3.573 en mars 2025, dont 72% contrôlées par les neuf sociétés historiques. En 2024, les ventes totales ont atteint 7,3 milliards de litres, soit +3% sur un an. Le chiffre d’affaires s’est établi à 77,3 MMDH, en baisse de -3%.
Au 1er trimestre 2025, les ventes ont reculé à 1,67 milliard de litres (-2%), pour un chiffre d’affaires de 16,55 MMDH (-13%). Le gasoil représente toujours 85% des volumes et 83% de la valeur.
Marges brutes : une volatilité préoccupante
Les marges brutes commerciales moyennes par litre vendu illustrent la fragilité du secteur. Au 1er trimestre 2025, elles se sont établies à 1,24 DH/L pour le gasoil et 1,95 DH/L pour l’essence, en baisse nette après un pic observé en février.
La marge brute essence a atteint un maximum de 2,11 DH/L avant de chuter à 1,66 DH/L fin mars. Côté gasoil, on est passé de 1,46 à 0,86 DH/L. Ce repli en deux mois traduit une tension croissante entre prix d’achat, cession, et concurrence accrue.
Résultat net : un redressement en trompe-l’œil
En 2024, le résultat net cumulé des neuf sociétés a atteint 2,3 milliards de dirhams, un net rebond après -370 MDH en 2023 (année de l’amende du Conseil). Le taux de marge nette du marché carburants est ainsi passé à 2,9% (contre 0,6% en 2022 et -0,5% en 2023). Toutefois, cela reste en deçà du niveau de 3,4% enregistré en 2021.
La marge nette par litre s’élève à 43 centimes pour le gasoil et 61 centimes pour l’essence. Sur la période 2022-2024, ces marges moyennes n’étaient que de 16 et 31 centimes respectivement.
Investissements constants, mais rentabilité fluctuante
Les investissements sont restés stables à 1,3 MMDH/an, sans suivre les oscillations du résultat net. Sur 2022-2024, ce dernier n’a atteint en moyenne que 821 MDH/an, contre 1,81 MMDH/an sur 2018-2021, soit une division par deux.
Rentabilité globale : 2024 rattrape les années creuses
Sur l’ensemble des activités (pas uniquement carburants), 2024 marque un rebond :
ROCE (Retour sur capital employé) : 30% en 2024, contre 15% en 2022
ROE (Rendement des capitaux propres) : 29% en 2024, contre 7% en 2023
Taux de rentabilité moyen : 3,5% en 2024, après 0,7% en 2023
Mais sur la période 2022-2024, le taux de rentabilité moyen reste à 1,8%, bien en dessous des 3,7% observés entre 2018 et 2021.
Dividendes en repli
Le taux de distribution de dividendes chute à 41% en 2024, contre 87% sur 2018-2021, et même 140% en 2022, conséquence des tensions sur les résultats nets, et du choix de plusieurs opérateurs majeurs de ne pas distribuer de dividendes.
Corrélations internationales : un ajustement lent mais réel
L’analyse des cotations CIF (hors taxes), des coûts d’achat et des prix de cession montre une tendance à l’ajustement. Pour le gasoil, les prix de cession ont baissé de 0,15 DH/L, alors que les coûts d’achat augmentaient de 0,12 DH/L. Pour l’essence, les prix de cession ont baissé de 0,13 DH/L, légèrement plus que la baisse des coûts d’achat (-0,04 DH/L).
Fiscalité : l’État encaisse, même quand le marché recule
Les recettes fiscales (TIC + TVA) ont progressé de +6,4% au T1 2025, atteignant 6,86 MMDH, dont 83% proviennent des neuf sociétés suivies. Cela confirme que malgré la baisse des prix, la hausse des volumes importés compense l’érosion des valeurs unitaires.
Une embellie relative, un secteur encore fragile
Le marché marocain des carburants semble sortir peu à peu de la zone de turbulences, mais la reprise reste inégale, fragile, et très dépendante des paramètres internationaux. Le recul structurel de la rentabilité sur la période 2022-2024, la montée de nouveaux concurrents et la baisse des dividendes traduisent une transformation profonde du secteur.
Pour les neuf sociétés sous suivi, la pression reste forte : elles doivent composer avec des marges compressées, une demande volatile, une réglementation plus stricte… et une surveillance continue du Conseil de la concurrence. La consolidation du secteur se jouera désormais autant sur la capacité d’adaptation que sur la seule performance commerciale.
Pour les neuf sociétés sous suivi, la pression reste forte : elles doivent composer avec des marges compressées, une demande volatile, une réglementation plus stricte… et une surveillance continue du Conseil de la concurrence. La consolidation du secteur se jouera désormais autant sur la capacité d’adaptation que sur la seule performance commerciale.