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Ce que recommande le Conseil de la Concurrence pour s’assurer du bon fonctionnement concurrentiel du libre marché des soins (2)


Rédigé par le Mercredi 14 Décembre 2022

Le Conseil de la Concurrence, après avoir procédé à l’identification des multiples facettes du dysfonctionnement du marché des soins médicaux dispensés par les cliniques privées et les établissements assimilés au Maroc, a procédé, dans le cadre de son tout dernier avis rendu public, à la formulation d’une série de recommandations.
Le but é étant de s’assurer du bon rôle que les cliniques privées sont appelées à jouer dans la réussite du grand chantier qu’est la généralisation de l’AMO.



Ce que recommande le Conseil de la Concurrence pour s’assurer du bon fonctionnement concurrentiel du libre marché des soins (2)
Dans le cadre de son avis, le Conseil de la Concurrence écrit, noir sur blanc, que ces recommandations visent essentiellement à « améliorer et à massifier l’offre de soins médicaux au niveau national, en ouvrant davantage ce marché à une concurrence saine et loyale, seule à même de garantir l’accessibilité des soins aux citoyens, à des coûts raisonnables ».


Aussi, reste-t-il convaincu que « la massification de l’offre hospitalière privée et l’amélioration de la qualité des prestations rendues ne sauraient à elles seules combler le déficit global de l’offre de santé nationale ».


Aussi, faut-il travailler sur « la consolidation de la dimension référentielle de l’hôpital public, avec des actions de fond en faveur d’une mise à niveau et d’une densification du réseau d’hôpitaux publics de qualité. »

Ce qui est recommandé

Pour cela, le Conseil de la Concurrence appelle à un réajustement de la formation des ressources humaines médicales et paramédicales. Laquelle accélération passe par un certain nombre de prérequis.

Révision du numerus clausus

Partant du constat d’une densité médicale de 7,5 médecins pour 10 000 habitants bien deçà du standard de plus de 15 médecins pour 10 000 habitants recommandé par l’OMS, conjugué au phénomène de fuite des compétences à l’extérieur, cet avis recommande plus d’effort en matière de numerus clausus à même d’élargir l’accès aux études de médecine.
 En plus d’une révision en profondeur des cursus, programmes et des méthodes de formation du corps médical et paramédical et une révision du mode de rémunération des médecins, en tenant compte de la durée de formation, de leur spécialité et de la nature des actes accomplis.

Parallèlement, et compte tenu des exigences induites par l’envolée de la demande de soins médicaux dans le contexte de généralisation de l’AMO, cet avis recommande l’adoption de mesures d’urgence incitant les médecins étrangers à exercer au Maroc. Et suggère aussi de créer à côté du statut contractuel actuel, un statut alternatif de médecin salarié des cliniques privées, au même titre que la pratique observée au sein des cliniques privées à but non-lucratif, ainsi que dans certains pays telle la France et l’Espagne.

Il appelle aussi à ce que l’exercice de la médecine privée, soit autorisé sur l’ensemble du territoire national, indépendamment de l’ordre régional où le médecin est inscrit et, en même temps, créer le cadre et les conditions nécessaires pour l’essor de la pratique de médecine à distance ou Télémédecine en l’insérant dans la nomenclature des actes remboursables par les organismes de prévoyance sociale.

 

Révision de la nomenclature des actes et de la tarification de référence

En matière de tarification et partant du constat que la nomenclature générale des actes professionnels et la tarification nationale de référence sont toutes deux remises en cause, tant par les prestataires de soins que par les organismes gestionnaires de l’AMO et du fait aussi que la révision de la nomenclature des actes et de la tarification de référence doit tenir compte de la structure exacte des prix des actes médicaux, dans l’objectif de parvenir à une tarification juste et de lutter contre la surfacturation, tout en tentant de préserver aux mieux les équilibres financiers des organismes gestionnaires de l’AMO, le Conseil de la Concurrence recommande de :


- « Prendre les mesures nécessaires pour la révision et la mise à jour immédiates de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels et des Conventions Nationales instituant la Tarification Nationale de Référence » ;

- « Normaliser la pratique médicale en mettant en place des protocoles thérapeutiques standards, afin de mieux maîtriser les coûts, les dépenses de santé et les contrôles médicaux ».

Préservation des droits du patient

En attendant, le Conseil de la Concurrence affirme être favorable à un « assouplissement du système de tarification.
L’idée sous-jacente est de permettre aux cliniques et aux médecins d’opter pour une application de la tarification conventionnelle, sans possibilité de dépassements ou une application de tarifs libres en toute transparence et justifiée par une qualité différenciée de soins et de traitement ».
A condition que le droit des patients soit être préservé par une communication claire sur les parties remboursable et non-remboursable, sans que cela n’occasionne le déconventionnement des praticiens et des cliniques optant pour ce système de tarification.


Classement des cliniques pour étayer une différenciation tarifaire

Et pour étayer une différenciation tarifaire des cliniques, le Conseil de la concurrence suggère d’envisager un classement des cliniques privées, en fonction de la qualité de leurs installations et du standing des conditions de séjour, afin de permettre aux opérateurs ne souhaitant pas appliquer la tarification nationale de référence de le faire en toute transparence, avec la possibilité d’attirer à elle une patientèle consciente de ses choix et de la tarification corrélative.

Une régulation coordonnée et convergente

En plus de l’adoption, en termes de contrôle, d’un cadre de régulation coordonné et convergent moyennant le recours aux services de prestataires externes spécialisés et agréés (type bureaux de contrôle technique) dont le périmètre et les modalités d’intervention doivent être définis par un cahier de charges dûment établi et ouvrant ce type de prestation à la concurrence.
 
En termes de lutte contre la pratique de chèque de garantie, le Conseil de la Concurrence suggère l’idée de mise en place d’un fonds de garantie collective, dont les modalités de financement restent à être déterminées et qui permettra aux cliniques privées la prise en charge du restant à payer en cas de défaut de paiement du patient.

La digitalisation au service du patient et du fisc

Et ce, parallèlement au respect des dispositions légales afférentes aux règles d’affichage des tarifs des prestations, et à leur facturation tout en invitant les cliniques, qui, normalement, devraient disposer de leur propre pharmacie hospitalière, à appliquer aux patients des prix de médicaments inférieurs à ceux des officines.


En matière du renforcement du contrôle fiscal et de lutte contre le phénomène généralisée de sous-déclaration, cet avis incite les cliniques à auditer régulièrement leurs comptes.


Dans le même ordre d’idées, il est suggéré, dans le cadre de la généralisation de la couverture médicale de base, l’accélération de la digitalisation du dossier patient. Ce qui aura pour mérite d’améliorer la traçabilité des actes effectués, leur comptabilisation et leur contrôle tant par les organismes gestionnaires de l’AMO que par le fisc, de renforcer la transparence des actes chirurgicaux pour une meilleure protection des patients et des praticiens et mettre en place une carte de santé et digitaliser le dossier patient et les remboursements.

Mesures de protection des patients/consommateurs

Tout en optant pour une amélioration de l’offre hospitalière publique pour augmenter la concurrence sur le marché des soins médicaux, le Conseil de la Concurrence soutient qu’il est « impératif qu’en situation d’urgence, la prise en charge par les cliniques privées soit obligatoire et immédiate, avec une transparence sur les actes à effectuer et leur tarification. Toute contravention à cette pratique consisterait en une non-assistance à personne en danger et à un abus de faiblesse, proscrit par la loi n° 31.08 édictant des mesures de protection des consommateurs, notamment son article 59. »

Le tout sur fond d’une révision du cadre législatif et réglementaire régissant l’activité des cliniques privées et une actualisation unification des normes techniques des établissements de santé.




Noureddine Batije
Noureddine BATIJE est un journaliste spécialiste en investigation journalistique et traitement de... En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 14 Décembre 2022