Ils rôdent près des écoles, attendent autour des souks, se rassemblent dans les zones périphériques, dorment sous les voitures ou sur les trottoirs. Les chiens errants sont devenus les habitants invisibles ou trop visibles des villes marocaines. Leur présence pose non seulement un problème sanitaire et sécuritaire, mais révèle un dysfonctionnement plus profond dans la gestion de l’espace public.
L’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025, en donne un aperçu alarmant : 72,3 % des Marocains interrogés estiment que la présence des chiens errants est fréquente voire massive dans leur environnement quotidien, tandis que seuls 5,5 % affirment ne jamais en croiser. Un phénomène devenu si banal qu’il ne choque plus – jusqu’au jour où il blesse.
L’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025, en donne un aperçu alarmant : 72,3 % des Marocains interrogés estiment que la présence des chiens errants est fréquente voire massive dans leur environnement quotidien, tandis que seuls 5,5 % affirment ne jamais en croiser. Un phénomène devenu si banal qu’il ne choque plus – jusqu’au jour où il blesse.
Une menace silencieuse... jusqu’à l’attaque
Chaque année, des centaines de cas de morsures de chiens sont enregistrés, notamment dans les quartiers défavorisés ou les zones rurales. Des enfants attaqués sur le chemin de l’école, des passants pris en chasse, des joggeurs mordu(e)s. À cela s’ajoute le risque réel de transmission de la rage, une maladie mortelle encore présente au Maroc.
Le rapport du CMC souligne la peur croissante de la population face à cette insécurité diffuse, surtout chez les femmes, les personnes âgées, les parents d’élèves. Pourtant, les campagnes de capture sont souvent limitées à des périodes électorales ou des drames médiatisés.
Le rapport du CMC souligne la peur croissante de la population face à cette insécurité diffuse, surtout chez les femmes, les personnes âgées, les parents d’élèves. Pourtant, les campagnes de capture sont souvent limitées à des périodes électorales ou des drames médiatisés.
L’animal comme miroir du désordre urbain
Les chiens errants ne tombent pas du ciel. Leur prolifération est le symptôme d’un écosystème défaillant, marqué par l’absence d’une politique de stérilisation efficace, la prolifération des décharges sauvages qui leur servent de garde-manger, le défaut de coordination entre les communes, les services vétérinaires et les associations de protection animale, ainsi qu’une tolérance sociale persistante envers l’abandon des animaux de compagnie. C’est toute une chaîne de négligence collective qui fait de ces chiens les enfants perdus du désordre urbain.
Entre compassion et exaspération
Le rapport révèle une ambivalence citoyenne : si beaucoup dénoncent la présence de ces chiens, nombreux sont aussi ceux qui les nourrissent. Des riverains leur apportent du pain, des restes, de l’eau. Certains leur donnent même un nom.
Mais cette compassion spontanée, bien qu’humaine, ne règle rien. Au contraire, elle contribue parfois à l’implantation durable des meutes dans certains quartiers. On assiste alors à un paradoxe : une coexistence précaire entre la tendresse et la peur.
Mais cette compassion spontanée, bien qu’humaine, ne règle rien. Au contraire, elle contribue parfois à l’implantation durable des meutes dans certains quartiers. On assiste alors à un paradoxe : une coexistence précaire entre la tendresse et la peur.
Un vide de gouvernance municipale
Le rôle des communes est central. La gestion des chiens errants relève de leurs prérogatives. Pourtant, très peu de municipalités disposent de services structurés, de fourrières réglementées, de vétérinaires municipaux. La plupart agissent par réaction et non par prévention.
Résultat : les campagnes de capture sont rares, mal préparées, souvent brutales et peu suivies. Elles provoquent parfois l’indignation, parfois le soulagement… mais jamais la résolution du problème.
Résultat : les campagnes de capture sont rares, mal préparées, souvent brutales et peu suivies. Elles provoquent parfois l’indignation, parfois le soulagement… mais jamais la résolution du problème.
Existe-t-il des solutions durables ?
Oui. Et le rapport du CMC insiste sur plusieurs mesures prioritaires : la généralisation du programme national de stérilisation et de vaccination des chiens errants (programme “TNVR” : Trap, Neuter, Vaccinate, Release), en collaboration avec les associations de protection animale ; la création de refuges municipaux répondant à des standards sanitaires, et non de simples “prisons à chiens” ; des campagnes de sensibilisation contre l’abandon des animaux domestiques ; le nettoyage régulier des zones de dépôts d’ordures afin de limiter les sources d’alimentation sauvage ; et l’encouragement à l’adoption contrôlée, avec identification électronique obligatoire. Mais sans une volonté politique forte, ces mesures risquent de rester lettre morte.
Et le citoyen dans tout ça ?
La responsabilité citoyenne est aussi engagée. Trop de familles achètent un chiot “à la mode” pour l’abandonner une fois adulte. D’autres nourrissent les chiens errants sans mesurer les conséquences sur la sécurité du voisinage. Le rapport recommande une éducation à la responsabilité animale dès l’école, l’instauration de sanctions effectives contre l’abandon d’animaux, ainsi que la mise en place d’un registre local des animaux domestiques. Car la rue ne saurait être une alternative à la maison : un chien abandonné n’est pas “libéré”, il est livré à la souffrance et à la violence.
Le chien errant comme baromètre du civisme
La manière dont une société traite ses animaux les plus vulnérables en dit long sur sa culture civique. Le chien errant n’est pas seulement un problème de salubrité ou de sécurité : il est le symptôme visible d’une désorganisation sociale plus large.
Gérer ce fléau n’est pas une question secondaire. C’est une preuve de maturité urbaine, de respect de la vie, de capacité collective à organiser l’espace commun.
Car une ville qui laisse ses chiens errer est souvent une ville qui abandonne aussi ses citoyens.
Gérer ce fléau n’est pas une question secondaire. C’est une preuve de maturité urbaine, de respect de la vie, de capacité collective à organiser l’espace commun.
Car une ville qui laisse ses chiens errer est souvent une ville qui abandonne aussi ses citoyens.
Dossier complet dans IMAG de LODJ
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