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Chronique philosophique : Quand les mots ne vibrent plus avec l’âme




Quand l’écriture devient mécanique, l’âme se retire. Une chronique introspective sur la quête de sincérité dans l’acte d’écrire.

Chronique philosophique : Quand les mots ne vibrent plus avec l’âme
Il m’arrive souvent d’écrire. Des articles, des tribunes, des poèmes, des livrets. J’en remplis des pages, des fichiers, des pensées. J’aligne les mots avec rigueur, parfois avec rage, souvent avec raison. Et pourtant. Une intuition me ronge, une inquiétude sourde : et si mes mots ne vibraient plus avec mon âme ?

Car il existe un écart que le style ne comble pas. Un vide entre ce que l’on dit et ce que l’on ressent. Ce gouffre, je l’ai vu grandir entre mes phrases bien construites et ce que mon être profond aurait voulu murmurer dans le silence. Ai-je écrit pour convaincre, ou pour me convaincre ? Ai-je pris la plume pour éclairer, ou pour fuir l’ombre que je portais en moi ?

Il y a des jours où je me relis et je me demande : « Qui a parlé à ma place ? » Mes idées sont là, mes références aussi, mes tournures élégantes. Mais l’émotion ? L’élan ? Le vertige de la sincérité nue ? Parfois absents. Comme si j’avais confié à mon cerveau le soin de traduire ce que mon cœur n’osait plus dire. Comme si, à force de parler au monde, j’avais cessé de parler à moi-même.

Cela me rappelle ce paradoxe ancien : peut-on dire la vérité sans y mettre son être ? Peut-on écrire juste, sans être juste avec soi-même ? Peut-être que non. Peut-être que les textes les plus puissants ne sont pas ceux que l’on maîtrise, mais ceux qui nous échappent. Ceux où l’on tremble. Ceux que l’on écrit en saignant un peu.

Alors j’interroge mes mots. Je les regarde. Je les pèse. Je ne veux plus qu’ils soient seulement utiles, intelligents, bien tournés. Je veux qu’ils soient habités. Qu’ils portent la trace de mes doutes, de mes douleurs, de mes joies secrètes. Qu’ils me précèdent, mais aussi me prolongent. Je ne veux pas seulement écrire pour dire quelque chose, je veux écrire pour être quelque part.

Car l’écriture, au fond, n’est pas un miroir. C’est une porte. Et si cette porte ne mène plus à mon âme, alors il est temps d’en chercher une autre. Peut-être plus rugueuse, plus étroite, moins brillante — mais plus vraie.

Écrire sans résonner avec soi-même, c’est risquer de devenir son propre fantôme littéraire. Alors je reprends le silence. J’écoute. J’attends que les mots ne viennent plus de moi, mais à moi. Et quand ils le feront, je saurai : cette fois, ce n’est pas seulement moi qui écris — c’est mon âme qui respire.

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Jeudi 5 Juin 2025