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Comme un Palace à Tamuda…


Une mission à Mdiq m’oblige à y aller à la dernière minute. Mdiq c’est Tamuda Bay, le nouveau nom de la station balnéaire du nord, prisée par la JetSet marocaine. Anciennement on l’appelait, selon les projets balnéaires Kabila, Ristinga, Smir où CaboNegro. Mais le développement touristique de ces dernières années, a poussé les autorités à lui choisir un nom plus chic : Tamuda Bay, en référence au site romain de Tamuda, première présence humaine sur les bords du Rio Martin qui longe Tetouan.



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Par Rachid Boufous

Comme un Palace à Tamuda…
La côte de Mdiq en hiver c’est comme être à cuba à l’approche d’un cyclone. Vents ténébreux et pluies battantes. Et quand il pleut au Nord, c’est vraiment la douche, ininterrompue…

Je décide de prendre la route de nuit pour aller à Mdiq. Avec mon insomnie actuelle, je préfère rouler la nuit, plutôt que le jour où je suis en général impraticable avant midi, malgré mes multiples tentatives. Cela m’arrive occasionnellement, d’inverser totalement mon cycle de sommeil. Je ne veux pas prendre de melatonine ou d’autres comprimés pour réguler mon sommeil. Cela redevient normal au bout d’un moment. J’arrive à Tetouan vers minuit et demi. La ville blanche somnole déjà.

Je traverse ses grandes artères calmement. Il pleut finement. Je choisis d’aller passer la nuit dans un hôtel cinq étoiles de la côte nord, car le lendemain j’ai une réunion de travail importante.

L’hôtel en question est un de ces palaces, où on atterrit contraint quand l’offre touristique moyenne gamme est restreinte et de qualité inégale. J’appelle auparavant pour réserver. Plusieurs fois. Personne ne répond. Au bout de la huitième tentative et après un long moment d’attente, quelqu’un me répond. J’ai préalablement vu les prix sur internet.

Cela oscille entre 1350 à 2020 dirhams pour le même produit de base ; une chambre single avec petit déjeuner. Le réceptionniste, me dit que ce qu’il a de disponible est à 2020 dirhams, taxes de séjours touristiques comprises, arguant qu’à ce prix il me fait sa meilleure offre. Même si je lui côté les autres offre glanées sur internet, chez lui, rien n’y fait, il s’accroche à son prix qui est similaire à celui de Booking, qui par ailleurs affiche le prix le plus haut. 

Il me prend vraiment pour un gong. Nous sommes en hiver, à Mdiq, dans ce Maroc nord où il ne faut mettre le pied et le maillot qu’à partir de mi-juillet, car avant cela, il n’y a pas un chat dans les environs, et encore moins de touristes…

Je suis venu tellement de fois ici, en toutes saisons, que je sais de quoi je parle. Mais il est minuit passée et je n’ai pas envie de me prendre la tête, à aller ailleurs. Je me dis que de temps en temps, « ma fiha bass ». Après tout je viens pour le travail et autant que je sois logé dans de bonnes conditions. De plus j’ai déjà séjourné dans cet hôtel par le passé.

Je me suis dit qu’avec le temps, peut-être que l’accueil s’est amélioré et qu’une nouvelle expérience, moins décevante que la première pourrait me satisfaire cette fois-ci. Je sais par expérience qu’en hiver, cette saison morte est à appréhender avec prudence dans beaucoup d’hôtels situés principalement dans les stations balnéaires et les villes de la côte : très peu de fréquentations personnels réduits et service au minimum.

J’atterris à l’hôtel. Effectivement il n’y a pas âme qui vive. J’attends que quelqu’un vienne me prendre mes bagages. Walou, Nada…

Je me décide de mettre mon baluchon sur le dos, quand je vois une silhouette emmitouflée dans un immense cache-col et grelottant de froid, venir en courant vers moi, pour me proposer de prendre mes bagages. Je lève les yeux, le mec était bleu de froid. Il fait 14 degrés dehors, avec un ressenti de 0 degrés. Un vent puissant lacère son visage de rifain, et je ne vois que ses yeux globuleux souffrant la grêle. Il y’a comme ça des métiers de merde que je ne souhaite à personne de faire : gardien, pompiste, veilleur de nuit, vigile… 

Le mec de la réception, mal fagoté pour un palace qui se respecte me donne une chambre au rez-de-chaussée tout en me demandant de régler de suite la note de la nuitée. Comme si j’allais me tirer sans payer le lendemain. On n’est jamais assez prudent avec les clients des hôtels mêmes s’ils choisissent un palace au Maroc…

Je demande une chambre à l’étage, et le mec me dit qu’il y’aura un surcoût de 300 dirhams, vu que celle-ci a une vue sur la mer. La mer, justement, est tellement déchaînée ce soir, que son bruit arrive jusqu’à la route nationale. Il n’y a pas de petits profits et les surclassements ne doivent pas figurer au programme d’accueil de cet hôtel. 

Je me dis que ça ne sert à rien de payer plus pour voir une mer déchaînée durant 15 minutes le matin, au réveil. Je préfère rester au rez-de-chaussée. 

Je retrouve ma chambre, au milieu d’un très long couloir, avec vue sur rien. Devant moi, une large baie vitrée donnant sur une espèce de jardinet glauque. Les matériaux de la chambres sont onéreux, mais sans style. Les couleurs au mur sont d’une « aroubisation avancée » et assez radioactifs. Le Décorateur devait détester trop Matisse pour n’en retenir que la laideur de formes et de tons non assortis.

Trop de couleurs moches, des claustras métalliques qui claquent au balcon et puis une immense baie vitrée qui laisse passer le vent de l’extérieur malgré le double vitrage. Pas de joints aux encablures ni de rupture de pont thermique. Je glisse ma main entre les profilés qui s’entrecroisent et je sent le vent froid caresser mes doigts, l’horreur absolue dans une chambre…

Au plafond trône une « ferfara » comme on dit chez nous qui sert à ventiler la chambre, pour faire genre, chambre à la Hemingway, à Habana-Mdiq. Manque que les marlins et autres, les gros cigares et la bouteille de whisky…

Sur la terrasse trône une espèce de grand hamac-fauteuil, comme celui d’Emmanuelle 6, sans Sylvia Kristelle et en moins sexy…

 

J’essaye de m’y installer à une heure passée, mais le vent de face, et les coussins humides, non changés à mon arrivée, m’en dissuadent. La pause onirique ça sera pour une autre fois.

Je grelotte de froid dans la chambre. Le vent frais de dehors continue de rentrer dans la chambre à travers la jointure de la baie vitrée. Pour couronner le tout le sol est carrelé et recouvert d’une mince couche d’humidité. Ça va être ma fête ce soir. Heureusement que l’hôtel dispose d’une literie exceptionnelle, qui fait sa réputation.

Les couettes et les oreillers aussi sont excellents. En fait, c’est pour cela que je suis revenu à ce palace. Je connaissais les erreurs de conception de l’architecte, entre autres avec ces grandes baies vitrées du hall central, inutiles et que le personnel a du mal à nettoyer, surtout en hiver, ainsi que les mauvaises finitions avec du carrelage scheap mal coupé, mal cimenté, ainsi que les couleurs caca dans les chambres et un peu partout ailleurs. Mais dormir c’est plus sacré que tout.

Donc je choisis cet hôtel, où malgré tout ce que je décris, on y dort très bien. Et rien que pour cela j’y reviendrais. Pour le reste, je critique en tant que professionnel et grand voyageur à l’intérieur du pays, ce niveau de prix qui ne se justifie pas, vu la qualité du produit  hôtelier final, hors literie, couettes et oreillers…


Je veux bien aider le tourisme et aller dans des hôtels plutôt que de louer des AirBnB chez l’habitant, mais il faut que les professionnels du tourisme ne deconnent pas non plus, surtout en hiver, quand il n’y a pas un pigeon dans les parages  à plumer et qu’ils maintiennent de tels prix élevés, histoire de se refaire sur notre dos. Faut pas pousser non plus. Nous ne sommes pas dupes.

 
À Mdiq c’est plus interessant de passer la nuit à Ceuta, dans une très bonne ambiance, que de se morfondre dans des quarts-hôtels chez nous. C’est une réalité amère, que les décideurs dans le domaine du tourisme dans ce pays continuent d’ignorer. Ça ne leur parle tout bonnement pas. 

Je décide de dormir. Je verrais bien le matin à quoi ressemble le petit-déjeuner.

Au matin, j’atterris au petit-déjeuner dans la grande salle de l’hôtel. Nous nommes 5 clients dont 3 étrangers. Ça se voit que l’immense hôtel est vide. Le personnel est très gentil et prévenant. On me sert à table. C’est pratique. Pas de buffet. Je trouve cela plus rassurant. Le café est excellent. Les œufs au plat aussi. Je ne dirais pas autant du M’semmen et des viennoiseries, car quel que soit le type d’hôtel ou son rang au Maroc, c’est pareil, du réchauffé datant de la veille. Ça ne rate jamais…

Quand l’occasion m’est offerte, je vais toujours prendre le petit-déjeuner chez un boulanger restaurateur connu. Je suis sûr que le pain, les viennoiseries et le reste est du jour. Mais ce n’est pas toujours possible…

Je finis mon séjour, je fais mon check-out et le réceptionniste oublie de me donner ma facture… Cela m’est arrivé deux fois ce mois, à 1200km d’intervalle.  Je dois appeler au téléphone et quand on m’envoie la facture par mail, elle ne comporte ni le prix du séjour, ni le cachet de rigueur. 

Bref, si j’ai décidé de parler de cet hôtel 5 étoiles, c’est pour narrer la façon avec laquelle le tourisme haut de gamme au Maroc perd des clients, hiver comme été. Je ne nommerai pas cet établissement, par courtoisie et parce que les 5 étoiles au Maroc ont la fâcheuse coutume de se ressembler tous, en matière d’accueil, de propreté et de séjour. En définitive j’estime que ce sont d’excellents 3 étoiles plus ou à la rigueur des 4 étoiles moins, pas plus…

Afficher de tels niveaux de prix pour de telles prestations est tout bonnement anormal, quel que soit le prix qu’on a mis dans la construction de ces hôtels. Avoir du marbre ou une grande baignoire dans les salles de bains, ce n’est pas cela le confort. Avoir du mobilier cher, non plus.

Le confort dans un hôtel haut de gamme, c’est de sentir qu’on est un client privilégié et unique. C’est avoir droit à des prix de séjour raisonnables, c’est manger des choses comestibles, c’est de ne pas greloter de froid dans sa chambre, c’est enfin un service irréprochable, c’est de vivre enfin une expérience client mémorable et qui plaide pour qu’on retourne toujours aux mêmes hôtels ou chaines d’hôtels…

Sur quels critères distribue-t-on les étoiles aux hôtels au Maroc ? Et y’a-t-il un contrôle sérieux et rigoureux des hôtels haut de gamme ? J’en doute fortement, vu l’état de détérioration avancé des hôtels, moins de dix ans après leur ouverture…

Les gens ne vont plus dans les hôtels au Maroc, que contraints par leurs obligations professionnelles. Pour leur vacances, quand ils le peuvent, ils préfèrent aller ailleurs, dans d’autres pays, où ils se sentent mieux accueillis, mieux servis et surtout non jugés. Durant Covid, les hôteliers marocains criaient famine. Maintenant que Covid est parti, on a l’impression qu’ils cherchent à se refaire sur le dos des pauvres clients locaux. Apparement, la crise pandémique ne leur à rien appris. Mais à continuer comme ils le font actuellement, je ne leur donne pas 10 ans d’existence, avant qu’ils ne ferment tous leurs portes, les uns après les autres, la démocratisation du voyage étant passée par là et la mise à niveau managériale non réalisée…

Malgré cela je continue à être nationaliste, à vouloir défendre notre tourisme, malgré ses carences afin qu’il puisse s’améliorer et être à la hauteur des plus grandes destinations. Nous avons toutes les potentialités pour y arriver et le personnel qui y travaille est très motivé et veut juste satisfaire le client, mais la philosophie générale qui règne chez les hôteliers et propriétaires d’hôtels au Maroc, ne cadre pas avec toutes ces potentialités et ses bonnes volontés des clients et du personnel. Dommage, car le tourisme est une industrie à part entière et non une rente de situation. Et cette industrie ne ménage pas les mauvais et les incapables, le darwinisme économique y est plus prononcé qu’ailleurs. À bon entendeur… réveille toi ! 

Rédigé par Rachid Boufous


Jeudi 16 Février 2023