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CoronaPass




CoronaPass

Les passeports Immunitaires pour COVID-19, du débat à la mise en œuvre

 

En Europe et partout dans le monde, gouvernements, organisations et institutions, ont vivement débattu sur l’élaboration des passeports d'immunité numériques relatifs au COVID-19.
Entre opposants et partisans, l’idée a mobilisé les experts partout dans le monde, qui ont tous appelé à la prudence.


Récemment en juin, l’Estonie a développé une application permettant aux personnes ayant développé des anticorps de témoigner de leur risque réduit de propager le coronavirus. En effet, les utilisateurs peuvent accéder à leurs résultats de test Covid-19 une heure après vérification de leur identité.
Ce pays n’est pas le seul à explorer le potentiel d’un tel passeport. Le 26 avril dernier, le Chilli avait déjà pris la décision de mettre en place des «Cartes Covid-19», permettant aux patients déclarés guéris du coronavirus de sortir plus rapidement du confinement.


Une décision prise en dépit des mises en garde de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

 


« CoronaPass », c’est quoi en juste ?

 

Les CoronaPass sont en fait des documents qui établiraient un lien entre l'identité d'une personne et le résultat d'un test de détection des anticorps du coronavirus, afin qu'elle puisse partager ce statut immunitaire avec des tiers. En d’autres termes, les autorités sanitaires effectueront un test sérologique, en vue d’attester de l'immunité de son détenteur et lui permettre ainsi de circuler librement.


Ces passeports ou certificats, permettraient de rétablir la confiance et de relancer les économies plus rapidement, selon disent les adeptes de cette idée.


Dans un tel contexte, la circulation des individus sur terre obéira à une grande restriction « biologique ». Une menace qui pèsera lourdement sur l'équité et la santé publique.
Imaginez un monde où votre capacité à décrocher un emploi, trouver un logement ou même obtenir un prêt, dépendra des résultats d’un test sérologique. Vous resterez confiné à votre domicile et exclu de la société si vous n’êtes pas immunisé !


Pire encore, certains pays qui demandaient déjà de voyager avec son carnet de vaccins, pourraient désormais imposer aux voyageurs de se munir d’un « passeport d’immunité » pour dépasser les frontières.

 

Une discrimination biologique


L’Histoire de l’humanité a connu des évènements pareils. En effet, pendant la majeure partie du XIXe siècle, l'immunité à la fièvre jaune a divisé les habitants de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, entre les "acclimatés" qui avaient survécu à la fièvre jaune et les "non acclimatés", qui n'avaient pas contracté la maladie. L'absence d'immunité constituait un facteur déterminant aussi bien au niveau social que professionnel. L'immunité présumée concentrait le pouvoir politique et économique dans les mains de l'élite riche, servant ainsi d’arme pour justifier la suprématie de la race blanche.


Notre avenir pourrait être similaire si les gouvernements introduisaient des "passeports d'immunité" pour tenter d'inverser la catastrophe économique causée par la pandémie COVID-19. L'idée est que de tels certificats seraient délivrés aux malades rétablis et testés positifs aux anticorps du COVID-19. Les autorités lèveraient les restrictions imposées aux présumés immunisés, leur permettant de retourner au travail, de reprendre leur vie sociale et de voyager. Cette idée présente tellement de défauts qu'il est difficile de savoir par où commencer.


Certains craignent que les passeports d'immunité stigmatisent des groupes de personnes, en créant certains privilèges pour les personnes qui ont contracté le COVID-19 et pourraient même encourager les gens à attraper la maladie, dans l'espoir de retourner au travail plus rapidement.

 

Fiabilité des tests


Diverses questions se posent sur la fiabilité des tests d'anticorps envisagés. Bien que l'on pense que toute personne infectée par COVID-19 développera au moins une immunité à court terme contre la réinfection, personne ne sait à quel point cette immunité serait durable. La plupart des tests ne sont pas assez sophistiqués pour révéler l'étendue de l'immunité d'une personne, ni sa durée. Et même les tests les plus performants donnent encore un certain nombre de faux positifs.


L'immunité au COVID-19 est plutôt un mystère. Les estimations actuelles, basées sur les réponses immunitaires suggèrent que les personnes rétablies pourraient être protégées contre une réinfection pendant un à deux ans. Cette période de protection pourrait être plus courte.


"D'après les études sur les anticorps du SRAS (également un coronavirus), il est possible que l'immunité ne durera qu'un an ou deux, bien que cela ne soit pas encore connu avec certitude. On ignore jusqu’à présent dans quelle mesure les niveaux d'anticorps sanguins permettraient de prédire l'immunité contre COVID-19", a déclaré Paul Hunter, professeur de médecine à l'université d'East Anglia, en Angleterre.

 

Les passeports sont "des inventions politiques construites autour de concepts scientifiques complexes", a déclaré James Naismith, professeur de biologie structurelle à l'Université d'Oxford". "Seul un vaccin sûr et efficace permettra d'assurer une immunité étendue contre l'infection".


Un récent rapport de l'Institut Ada Lovelace, groupe de recherche sur l'intelligence artificielle basé à Londres, a averti que les passeports d'immunité "présentent des risques extrêmement élevés en termes de cohésion sociale, de discrimination, d'exclusion et de vulnérabilité".


Les tests sérologiques ne sont pas fiables. Certes ils peuvent être un outil précieux pour évaluer la prévalence et la propagation du virus, mais leur qualité et leur efficacité sont très variables. Ils ne sont pas à même d’évaluer la santé ou l'état immunitaire d'un individu. Ce qui signifie des faux positifs, donc des faux immunisés.


Par ailleurs, Le volume de tests nécessaires est irréalisable. Des dizaines, voire des centaines de millions de tests sérologiques seraient nécessaires pour un programme national de certification de l'immunité.


Même si les passeports d'immunité étaient limités au personnel de la santé, le nombre de tests requis ne pourra être garanti.

 

En conclusion, toute documentation qui limite les libertés individuelles sur la base de la biologie, risque de devenir une plateforme pour restreindre les droits de l'homme, augmenter la discrimination et menacer - plutôt que protéger - la santé publique.


Le but des passeports d'immunité est de contrôler les mouvements. Ainsi, toute stratégie de certification d'immunité doit inclure un système d'identification et de contrôle.
Division et ségrégation sociale


L'étiquetage des personnes sur la base de leur statut COVID-19 créerait une nouvelle mesure permettant de diviser les "nantis" et les "démunis" - les immunodéprimés et les immunoprivilégiés. Un tel étiquetage est particulièrement inquiétant en l'absence d'un vaccin gratuit et universellement disponible.


Les inégalités sociales et financières seraient amplifiées. Par exemple, les employeurs qui veulent éviter les travailleurs qui risquent de tomber malades pourraient privilégier les employés qui ont une immunité "confirmée".


Les passeports d'immunité pourraient également alimenter les divisions entre les nations. Les personnes originaires de pays qui ne peuvent ou ne veulent pas mettre en œuvre des programmes de passeports d'immunité pourraient se 

voir interdire de voyager dans les pays qui les prévoient.


Les plateformes de certification immunitaire contre le COVID-19 pourraient facilement être étendues pour inclure d'autres formes de données personnelles sur la santé, comme les dossiers de santé mentale et les résultats de tests génétiques. Les passeports d'immunité d'aujourd'hui pourraient devenir les passeports biologiques globaux de demain. Ils introduiraient un nouveau risque de discrimination si les employeurs, les compagnies d'assurance, les forces de l'ordre et d'autres personnes pouvaient accéder à des informations privées sur la santé dans leur propre intérêt.
Dans cette perspective, les gouvernements et les entreprises devraient s’investir dans le processus de limitation des dommages causés par la pandémie à travers les tests, le traçage et l’isolation, qui a bien fonctionné dans plusieurs pays. L'état de santé, les données personnelles et la localisation doivent être rendus anonymes. Il faut donner la priorité aux applications qui permettent aux individus de faire des choix sûrs concernant leurs propres déplacements.


A cela s’ajoute la priorité de production et de distribution d'un vaccin contre le COVID-19, accessible à tout le monde.

 

Les menaces pour la liberté, l'équité et la santé publique sont inhérentes à toute plateforme conçue pour ségréger la société sur la base de données biologiques. Toutes les politiques et pratiques doivent être guidées par un engagement en faveur de la justice sociale.


Proposé par Kaoutar ACHAB Rédactrice-Traductrice Assermentée 



Mardi 28 Juillet 2020