L'ODJ Média

Cybersécurité et intelligence artificielle : penser la souveraineté dans le paradigme numérique


Par Dr Az-Eddine Bennani

J’ai appris avec grand intérêt la tenue, le jeudi 23 octobre 2025, de l’atelier organisé par la commission permanente du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) consacré aux « Enjeux et défis de la cybersécurité au Maroc ».
Deux axes y ont été abordés : le cadre juridique et institutionnel d’une part, et les bonnes pratiques de cybersécurité civile d’autre part — deux dimensions essentielles pour bâtir la confiance et la résilience numériques de notre pays.

Je n’ai pas eu l’honneur d’y être invité, et je le regrette sincèrement. Non par protocole, mais parce que ce thème s’inscrit pleinement dans le paradigme numérique sur lequel je travaille depuis plus de trente ans, à la croisée de la recherche académique, de la stratégie numérique et de l’expérience industrielle.

Ma formation à la Sorbonne, où j’ai soutenu une thèse de doctorat en économie en 1998, puis à l’Université Toulouse Capitole, où j’ai obtenu mon Habilitation à Diriger des Recherches (HDR), a constitué le socle d’une réflexion approfondie sur les relations entre technologie, gouvernance et performance organisationnelle.

Ces travaux, prolongés par mon expérience au sein de Hewlett-Packard et par mes recherches sur la gouvernance des systèmes d’information et de l’intelligence artificielle, m’ont conduit à développer le concept de paradigme numérique, qui éclaire les transformations systémiques et les interdépendances entre innovation, souveraineté et sécurité.



Ce paradigme repose sur une conviction : la technologie n’est jamais neutre.

Cybersécurité et intelligence artificielle : penser la souveraineté dans le paradigme numérique
Elle façonne nos manières de penser, d’organiser, de produire et de gouverner. La cybersécurité n’est donc pas un champ technique isolé, mais un levier stratégique de souveraineté et de confiance, au cœur de l’économie du savoir et de la gouvernance des données.

L’intelligence artificielle amplifie ces enjeux. Elle renforce nos capacités d’analyse et de défense, mais elle génère aussi de nouvelles vulnérabilités : désinformation automatisée, sabotage invisible, manipulation algorithmique. Nous vivons désormais dans une ère où la menace est invisible, mais constante, et où la résilience devient une responsabilité partagée.

C’est dans cette optique que j’aurais souhaité présenter, lors de cet atelier du CESE, l’état d’avancement d’un groupe de travail que je coordonne au sein de l’Association Ribat Al Fath pour le Développement Durable.

Ce groupe réunit plusieurs personnalités marocaines de haut niveau, toutes expertes dans leurs domaines respectifs, issues du monde académique, institutionnel, économique et technique, et partageant une même ambition : contribuer à la refonte du cadre juridique et à la définition d’une cybersécurité souveraine, éthique et inclusive pour le Maroc.

Les travaux de ce groupe visent à proposer une lecture intégrée de la cybersécurité

Non pas comme un simple dispositif de défense, mais comme une composante structurelle du paradigme numérique marocain, à l’interface de la loi, de la stratégie, de la formation et de la culture numérique.

Car la cybersécurité n’est pas seulement un bouclier : elle est une boussole. Elle traduit notre capacité collective à anticiper les risques, à gouverner les données et à inspirer la confiance dans un monde régi par l’intelligence artificielle.

Le Maroc dispose aujourd’hui de toutes les ressources humaines, scientifiques et institutionnelles pour bâtir un modèle exemplaire, fondé sur la souveraineté cognitive, la coopération intersectorielle et la vigilance numérique citoyenne. Encore faut-il que toutes les expertises soient mobilisées, écoutées et mises en synergie.

Car au fond, la cybersécurité tout comme l’intelligence artificielle n’est pas qu’un enjeu technologique : c’est une question de gouvernance, de confiance et de civilisation numérique.

Et au-delà des institutions, ce thème concerne tous les citoyens marocains. Il doit être discuté, partagé et traité collectivement, sans jamais oublier la dimension d’inclusion numérique et d’intelligence artificielle, qui conditionne notre capacité à bâtir une société réellement souveraine, équitable et résiliente à l’ère du digital.

Par Dr Az-Eddine Bennani


Vendredi 31 Octobre 2025