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De l’intimité des ateliers à la reconnaissance de l’UNESCO

Quand le caftan marocain porte la voix silencieuse de nos artisans


Par Dr Az-Eddine Bennani

Lorsque j’avais publié dans Quid mon texte intitulé « L’UNESCO et ce que le fils de Maâlam a appris dans les ateliers du caftan marocain », je ne pensais pas que ces lignes deviendraient, deux jours après, l’introduction naturelle d’un moment historique : l’inscription officielle du caftan marocain sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Ce matin, lorsque M. M’hamed Bhiri m’a rappelé cet article à l’antenne et m’a demandé ce que je ressentais, j’ai compris que ce que je croyais être une simple chronique était devenu un fragment d’un récit plus vaste : celui du Maroc qui célèbre enfin ses Maâlams, ses artisans, son héritage textile et son génie discret.



Dans l’atelier de mon père : la première école du caftan

De l’intimité des ateliers à la reconnaissance de l’UNESCO
Je suis le fils d’un Maâlam. Mon premier contact avec le monde n’a pas été un livre mais un tissu posé sur une table.

Ce tissu que mon père soulevait comme on soulève une histoire. Dans cet atelier, j’ai appris la rigueur silencieuse, la patience qui ne s’affiche pas, le respect du geste bien fait, la valeur du temps.

Chaque sfifa, chaque bouton, chaque pli était une phrase. Chaque caftan terminé était un chapitre de notre identité marocaine.

De l’intimité des ateliers à la reconnaissance de l’UNESCO

L’inscription du caftan marocain au patrimoine immatériel n’est pas un simple événement culturel. C’est une reconnaissance morale.

C’est la validation internationale d’un savoir-faire transmis pendant des siècles par des artisans qui n’ont jamais réclamé autre chose que le droit de travailler avec dignité.

Ce label est pour les tailleurs, les brodeuses, les apprentis, les familles, les femmes marocaines qui ont porté le caftan comme on porte un morceau d’Histoire.

Ce matin à la radio : une émotion intime et une fierté nationale

Quand M. Bhiri m’a demandé ce que je ressentais, j’ai pensé à mon père. À tous les artisans qui ne verront jamais leur nom dans les journaux, mais dont le savoir-faire vient d’entrer dans la mémoire du monde.

Ce que je ressens ? Une profonde gratitude, une immense fierté, un sentiment de responsabilité. L’UNESCO ouvre une porte. À nous de la franchir.

Après la reconnaissance : la responsabilité de transmission

Le patrimoine immatériel n’est pas un musée. C’est un geste vivant. Pour que ce classement vive, il faudra renforcer la formation des jeunes, protéger la valeur du travail artisanal, créer des écoles-ateliers, numériser la mémoire des savoir-faire, associer les artisans aux politiques culturelles et faire du caftan un levier d’émancipation économique.

Entre aiguille et digital : un même combat identitaire

L’aiguille de mon père et les technologies d’aujourd’hui posent la même question : comment un peuple se représente-t-il lui-même ? Nous devons tisser ensemble nos héritages et nos futurs. Le caftan est une manière de dire au monde : « Nous sommes un pays de création, de beauté et de transmission. »

Au nom de tous les Maâlams du Maroc

Aujourd’hui, je rends hommage à mon père, aux Maâlams du pays, à celles et ceux qui ont porté, brodé, taillé et transmis le caftan.

Deux jours après, je complète ma réponse et j’exprime mon souhait d’être invité à nouveau pour parler plus en profondeur de ce capital culturel immatériel qu’est le caftan marocain, ce trésor né dans les ateliers, porté par les femmes du Maroc, et désormais reconnu par l’humanité.

Par Dr Az-Eddine Bennani


Jeudi 11 Décembre 2025