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De la créativité au service de l'Art

"L’Art conserve la mémoire d’une grande beauté " Michel-Ange


Dans l’univers de l’Art, la foule exulte de ferveur et s’incline devant la beauté et la perfection. Les regards profonds et inquisiteurs s’émerveillent par les mystères de la création, comme tourmentés au milieu d’une attraction puérile, révérencieuse et envoutante. Plus l’œuvre est grandiose, ambitieuse et généreuse, de par son thème, sa composition esthétique et son mouvement pictural, plus la tâche de l’artiste est bigrement ardue. Et plus cette tâche est ardue, plus exaltante est sa réalisation, son aboutissement, pourvu qu’elle soit en phase avec les aspirations et la sensibilité de son auteur.



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Par Jamal Benaddou Idrissi

De la créativité au service de l'Art
L’Art et l’amour, les deux exhalent les passions. Indissociables, ils sont une véritable machine à déclencher les émotions… "Comme l'amour, l'art n'est pas plaisir mais passion", disait Malraux.

Réussir une œuvre d’art n’est pas l’apanage d’un dilettante peu doué, le doute subsiste et la critique est à la hauteur du défi. Le monde de l’Art se veut tolérant et la créativité y est la bienvenue. Cependant, tout objet présenté comme œuvre artistique est sujet au scepticisme d’un public non averti. Seul le créateur en supporte les frais refusant obstinément toute forme de jugement hâtif ou caustique susceptible d’atteindre son âme au point de freiner ses ardeurs et son inspiration.

En assumant le risque d’être mal perçus ou incompris et donc potentiellement fourgués à l’oubli, certains artistes peintres ou sculpteurs n’hésitent pas à rompre avec  les courants artistiques traditionnels ou académiques, en insufflant une créativité incessante à l’Art et à son épanouissement dans le monde. Ralliant expertise et modernité, ils rendent possibles des promesses inspirantes jusque-là inexplorées à travers des créations qu’ils veulent intensément riches et déchirantes de vibrations émotives. Ils conjuguent à la fois sobriété harmonie et élégance, se jouant habilement des spectateurs en les entraînant dans une dimension esthétique nouvelle presque irrationnelle ou idyllique, tant la magie des couleurs, des lumières et des formes y opère son enchantement. Subtilement, ils transcendent tous les préjugés et parachèvent l'illusion des plus émérites, suffit-il pour cela de se laisser surprendre, séduire, rêver...

N’est-il pas long et périlleux le chemin de croix menant tout artiste créateur vers la consécration, le sacre final, voire à la postérité pour les plus talentueux ? Rares ceux qui sans leur sens de créativité réussiront à infuser leur talent en caressant du bout de leurs pinceaux, la quintessence de la splendeur et la sublimité d’une œuvre d’art vraie et authentique. La beauté fait chavirer les cœurs, briller les yeux et chanter le verbe, l’art de la peinture rejoignant la rhétorique poétique pourrait-on suggérer alors.
Afin de chasser son spleen mélancolique, le bohémien Charles Baudelaire composa en 1857 son recueil majeur Les Fleurs du Mal en puisant son inspiration de la beauté et la grâce, car de son point de vue, elles seules peuvent éveiller le substrat de l’être et aviver l’âme du poète.

Si l’Art a toujours été au carrefour de toutes les activités où s’exerce la création esthétique, sa grande histoire témoigne de toute l’ingéniosité humaine et novatrice qui a été à l’aune de l’immense héritage culturel et artistique qui a secoué la période de la Renaissance, principalement en Italie avant de s’étendre dans toute l’Europe dès les aurores du XVe siècle.  Un tournant décisif qui marqua la fin du Moyen Âge et le tout début des Temps modernes, une révolution considérable tournée vers le retour au premier plan de l’humanisme qui plaçait l’homme au cœur de toutes les connaissances, en particulier, celles de la littérature, des arts et des sciences.

Concernant les arts, le temps des renouvellements des thèmes et techniques était venu et dans ce domaine, les peintres flamands, français et italiens ont donné aux arts leur lettre de noblesse, apportant dans leur vieux sac bandoulière, des innovations capitales très vite jugées avant-gardistes en comparaison des procédés archaïques (à la tempera ou à la fresque), basés jusqu’à lors sur des matériaux peu nobles et trop fragiles pour résister aux aléas et vicissitudes du temps.

A titre d’illustration pour les férus de l’histoire des techniques de l’Art et son évolution, c’est au flamand Jan Van Eyck (L’Agneau mystique-1432) que l’on doit pour l’éternité la mixture magique (amalgame fait à base de peinture à l’huile, essence de térébenthine et huile de lin) qui permit aux œuvres de grandes signatures de traverser des siècles sans encombre à l’abri de toute déliquescence. Aujourd’hui encore, des grands musées comme le Louvre de Paris, l’Ermitage de Saint-Pétersbourg ou celui du Vatican à Rome, pour ne citer que ces derniers, recèlent des plus grandes et prestigieuses collections d’art au monde datant de la Renaissance, un véritable trésor de guerre qui perdure grâce aux conditions drastiques d’exposition et de conservation des œuvres (contrôle des niveaux d’éclairage, d’humidité et de température).

Parallèlement à cette première avancée majeure, la période de la Renaissance a aussi connu l’introduction d’une technique révolutionnaire consistant à superposer de fines couches transparentes de couleurs offrant à l’œuvre une meilleure texture et un rendu d’éclat et de brillance jamais égalé (glacis). A partir de cette prouesse, Léonard de Vinci maître incontesté de Florence, superposa des glacis à certaines vélatures pour élaborer son célèbre voile enfumé (sfumato) aux effets vaporeux de lumières et d’ombres plus contrastées. Il parvint ainsi à donner à ses œuvres l’illusion spectaculaire de perspective et de profondeur recherchées, en estompant les contours au moyen de subtiles touches de dégradés de couleurs dont il avait pieusement gardé le secret jusqu’à sa mort en 1519.

C’est dans cet esprit de recherche effrénée de virtuosité créative pour le rayonnement de l’Art dans le monde en tant que discipline essentielle, que depuis la Renaissance, un large panel de mouvements picturaux phares, a pu se développer à travers  les époques et les frontières par toute une pléiade d’artistes au génie universellement reconnu. Du sfumato de Leonard de Vinci (La Cène-1498/ Joconde-1506), ou le baroque de Michel-Ange (Le jugement dernier-1541) au cubisme de Picasso (Les Demoiselles d’Avignon-1907) en passant par les autres écoles de styles plus hétéroclites, à savoir, le néo-classicisme, le fauvisme, le surréalisme, le romantisme, l’impressionnisme, tous majestueusement interprétés par les Delacroix, Renoir, Monet, Cézanne, Gauguin, Van Gogh et bien d’autres brillantissimes peintres venants de tous horizons, et mettant chacun son expérience et son talent au service du grand Art pour l’enrichissement et la perpétuation du patrimoine artistique et culturel mondial.

Pour sa part, l'Art dans sa conception contemporaine apparut dès la fin de la deuxième guerre mondiale marquant l’épilogue glorieux de l’Art moderne, en s’identifiant dans la totalité des œuvres conçues et produites depuis cette date, indifféremment du style et de la pratique esthétique adoptés.

Quant à l’expérience marocaine au cours de ces dernières décennies,  elle peut s’enorgueillir de compter parmi ses rangs d’illustres  figures aux aptitudes et tendances éclectiques, dont la notoriété et le savoir-faire ont marqué d’une pierre blanche toute l’histoire de la création artistique marocaine. Des chefs-d’œuvre d’expression orientaliste arabe ou mauresque, ont été encensés aux quatre coins du monde avec des signatures de renom comme celles de Saladi (L’Offrande), Cherkaoui (Talisman rouge), Gharbaoui (L’éclosion), Kacimi (Shéhérazade ou la mémoire de nour), Chaabia (La cérémonie du mariage), El Glaoui (La sortie du sultan), Belkahia (Composition)…
 
Par Jamal Benaddou Idrissi
Artiste peintre
 


Mercredi 24 Février 2021