L'ODJ Média

Dossier Tourisme : ​​Visites mystères et critères qualité : un défi ou une opportunité ?


Rédigé par La rédaction le Vendredi 20 Juin 2025

Dix ans après l’adoption de la loi 80-14, le Maroc amorce enfin une réforme en profondeur de son dispositif de classement hôtelier. Simplification, harmonisation, montée en qualité : les ambitions sont affichées, les premiers arrêtés publiés. Mais la mutation sera-t-elle au rendez-vous ? Jalil Benabbés-Taarji, opérateur de référence et past président des FNT et ANIT, analyse pour nous les enjeux, les avancées, et les zones grises d’une réforme attendue autant que redoutée. Un entretien sans concession sur les promesses et les angles morts de cette relance réglementaire, qui pourrait bien redessiner le visage du tourisme marocain.



Dossier Tourisme : ​​Visites mystères et critères qualité : un défi ou une opportunité ?
La qualité de service sera désormais évaluée sur plus de 800 critères via des “visites mystères”. Est-ce que ce niveau d’exigence vous paraît réaliste ? Le secteur est-il prêt, humainement et financièrement, à se soumettre à ces audits poussés ?

Réponse :

Nous entrons ici dans le véritable cœur du changement : passer d’une logique d’infrastructure à une logique de service. Pendant des décennies, l’évaluation des établissements d’hébergements touristiques s’est surtout focalisée sur les équipements, les mètres carrés, le mobilier, les parkings, les ascenseurs… Le capex, le hardware pour utiliser le jargon professionnel. Or, ce que retient un client aujourd’hui, ce n’est pas uniquement la taille de sa chambre ou l’épaisseur des lits, mais l’expérience vécue, le sourire à l’accueil, la fluidité du check-in, la propreté continue, la réactivité du service, le sentiment d’être pris en charge avec attention. En ce sens, introduire une grille de qualité aussi complète – jusqu’à 800 critères – et l’adosser à des audits en “visites mystères” est un virage absolument salutaire. Dis autrement, le software.

Maintenant, est-ce réaliste ? Cela dépend du niveau d’ambition que nous avons pour notre pays. Si nous voulons réellement faire du Maroc une destination de référence, qui inspire confiance et fidélise ses visiteurs, nous devons viser l’excellence. Mais cela implique de ne pas traiter tous les établissements de la même manière, ni de considérer tous les territoires comme également outillés pour répondre à ces normes. Un riad exploité par une famille dans la médina de Fès n’a pas les mêmes moyens qu’un resort international à Casablanca. L’évaluation devra donc intégrer une lecture contextuelle, sans jamais transiger sur les fondamentaux : l’hygiène, la sécurité, la relation client.

Sur le plan opérationnel, le recours à des visites mystères constitue un vrai progrès car elle devrait refléter ce que vit réellement le client. C’est une pratique courante dans l’hôtellerie internationale et elle a le mérite de responsabiliser tout le personnel. Mais cela suppose aussi une formation consistante de nos ressources humaines, une culture de la qualité partagée à tous les niveaux. Là est le véritable défi.

Beaucoup d’établissements devront revoir leurs procédures, instaurer des standards internes, mesurer la satisfaction client de manière proactive. Ce ne sera pas facile. Mais ce sera salutaire, car au fond, cette exigence n’est pas une punition, c’est un levier de compétitivité. Elle oblige à progresser, à se remettre en question, à se distinguer autrement que par le prix.

Enfin, je crois profondément qu’un Maroc du tourisme de demain doit être le Maroc de la qualité. C’est une opportunité formidable pour valoriser notre savoir-faire, renforcer la réputation de notre hospitalité, et inscrire notre offre dans une trajectoire d’excellence durable. Mais encore une fois, cela nécessitera un accompagnement sérieux, de la pédagogie, et surtout, de la constance dans la durée.

Pour découvrir l'interview en entier, feuilletez le numéro du 23/06 de l'ECO-BUSINESS ci-dessous.





Vendredi 20 Juin 2025