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Dostoïevski et les vrais « idiots »

Coupable d'être russe


Rédigé par Rédaction le Dimanche 6 Mars 2022



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« Avec cent lapins on ne fabriquera jamais un cheval, avec cent soupçons on ne fabriquera jamais une preuve »
                                                                                                                      Dostoïevski


« Être un Russe aujourd’hui en Italie est une faute, même être un Russe mort. Je n’arrive pas à comprendre. Ce qui se passe en Ukraine est horrible, et j'ai envie de pleurer rien qu'en y pensant mais certaines choses qui se passent ici en Italie sont ridicules, une université italienne qui interdit un cours sur Dostoïevski je n’y crois pas ! Il faudrait parler davantage de Dostoïevski ou de Tolstoï, le premier qui a inspiré des mouvements non-violents, qui était très admiré par Gandhi. Une université qui interdit ce cours, c’est juste incroyable » 
                                                                                                                        Paolo Nori 


Par Dr Samir Belahsen

Dr Samir Belahsen
Dr Samir Belahsen
Infiniment bon, un peu idiot, quand le prince Muichkine arrive à Saint-Pétersbourg, il est incapable d'agir dans un monde cupide, arriviste et passionnel, son regard bon et idiot suffit à illuminer le monde qui l’entoure.
 
Par sa générosité, Léon Nicolaïevitch révélera le meilleur de chacun La trop belle Anastasia, achetée cent mille roubles, retrouve la pureté, Gania Yvolguine le sens de l'honneur, et le sanglant Rogojine retrouve, un instant, la fraternité ; un fragment d’humanisme.
 
L’immersion du prince dans une société cupide, calculatrice et corrompue va entraîner cette âme pure vouée au  bien dans une série d’intrigues qui le placeront en position d'idiot. Un idiot qui reste lucide dans son analyse des choses et des gens qui l'entourent.
Dostoïevski  présente dans  « l’idiot » l'homme positivement bon face aux vices de la société, face à la cupidité ambiante, face à la passion ?
 
Selon moi, c’est le roman à lire et à relire de Doistoievsky.

C’est le livre qui révèle l’homme qu’il était et peut être ce que nous sommes presque tous : des êtres  tendus vers le bien et harcelés par le mal.
L'Idiot est à l'image de la Sainte Russie de l’époque mais aussi à la Russie de toujours : grandiose, vibrant et démesuré.

Après les sportifs paralympiques, les musiciens, les hommes d'affaires et les oligarques, l’hystérie de punitions collectives, s’étend aux scientifiques et aux grands écrivains.

Suspendre un cours sur Dostoïevski n’ajouterais rien à cette guerre aussi stupide que toutes les autres.

Le CNRS français "suspend toutes nouvelles formes de collaborations scientifiques avec la Russie et annule toutes les manifestations scientifiques à venir dans lesquelles la Russie est impliquée".

Les hommes de lettres Italiens et les scientifiques Français se mettent eux aussi à marcher sur la tête...
 
Si on commence à boycotter en meute les penseurs, les écrivains et les musiciens des siècles après leurs disparitions pour les faits politiques postérieurs on devrait abandonner une grande partie de la civilisation humaine.
 
Sans trop revenir en arrière je voudrais citer quelques exemples du siècle dernier, on devrait oublier :
 
Pour les grands massacres Anglais de la période coloniale :
 
On devra oublier les philosophes Thomas More, Francis Bacon et Frank Ramsey qui a aussi été économiste et Mathématicien …
Pour les économistes on doit citer John Maynard Keynes (ce qui est difficile en ce temps de crises), David Ricardo et Adam Smith …
Pour la littérature on devra interdire Shakespeare et ses chefs d’œuvre, Agatha Christie et  le magnifique Geoffrey Chaucer.
 
Pour la deuxième guerre des Allemands, des Italiens et des Japonais :
 
On devra boycotter : pour les Allemands ne citons que les philosophes Kant,  Adorno et sa critique de la modernité; Freud et la psychanalyse; Hannah Arendt; Martin Heidegger le phénoménologue…
Pour les Italiens citons Gramsci, Galilée et le peintre Jacopo Comin surnommé Tintoret.
Pour les Japonais on devrait boycotter Hisashi Inoue, Durian Sukegawa, Mineko Iwasaki … 
 
Pour la barbarie Américaine au Vietnam et en Irak :
 
On boycotterait les économistes : Paul Krugman, Blanchard et Stiglitz ; les écrivains : Roth, Hemingway et Faulkner…
 
Pour les crimes Français  en Algérie et ailleurs :
 
On devrait blacklister Rousseau, Proust, Voltaire et Molière.
 
Ce monde de la haine, de la stupidité et d’un certain négationnisme, je ne voudrais pas le vivre.

Je veux continuer à admirer les uns et à critiquer les autres quitte à être l’idiot des temps modernes.
 
 
Dr Samir Belahsen


 




Dimanche 6 Mars 2022