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Du séparatisme au terrorisme…


Lors de la dernière réunion de la coalition anti-Daech, tenue à Marrakech en ce mois de mai 2022, le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a rappelé que « le séparatisme et le terrorisme sont très souvent les deux faces d’une même médaille », autrement dit que les passerelles entre les deux sont minces et que le passage de l’un à l’autre est fréquent. L’Histoire le montre…



Par Aziz Boucetta

Du séparatisme au terrorisme…
Le terrorisme n’est pas une invention humaine récente, mais remonte à ses siècles, avec ces mouvements s’inscrivant en opposition à leurs Etats et menant des actions subversives de natures diverses : enlèvements, attentats, assassinats ciblés… Mais d’hier à aujourd’hui, on peut distinguer trois grandes familles de terroristes : l’idéologique révolutionnaire, l’identitaire et l’ethno-nationaliste. C’est à cette dernière catégorie que l’on peut rattacher le Polisario, qui réclame une indépendance du Sahara sur base ethnique ou communautaire.

En cela, il présente plusieurs similitudes avec d’autres mouvements de même nature qui, de revendications séparatistes au début, ont progressivement basculé vers des actions de terreur. Les raisons de cette inversion vers le terrorisme se trouvent le plus souvent dans une dislocation du mouvement ou dans son affaiblissement, ou les deux. Il en va ainsi de l’ETA basque ou de l’IRA irlandaise, et dans une moindre mesure du FNLC (Corse) ; les deux premiers groupes ont initié leur action par des revendications de scission de leurs Etats respectifs, Espagne et Royaume-Uni, avant de basculer peu à peu vers la radicalisation de la pensée, puis la violence du discours qui, avec le temps, avantage les tenants de la lutte armée. D’où le terrorisme.

Le cas du Polisario, tout en étant inscrit dans une logique indépendantiste sur base ethnique, demeure différent. Il s'agit en effet d'un mouvement né d'un antagonisme entre deux Etats, le Maroc et l’Algérie, le second affichant depuis un demi-siècle la volonté d’affaiblir le premier et d’étendre son hégémonie sur la région. Durant les décennies passées, et depuis 1991, quand le Maroc ployait sous les coups de boutoir de la diplomatie algérienne, l’action du Polisario est restée politique.

Mais depuis une dizaine d’année, le renforcement de la diplomatie marocaine et son déploiement planétaire a rétréci les champs de manœuvre du régime algérien, affaiblis par la maladie de son ancien président Abdelaziz Bouteflika et exposé à des luttes de clans de plus en plus marquées, ayant abouti au Hirak de 2019, dont on connaît la suite : avènement d’un président faible et d’un chef d’état-major contesté, ce qui permis une plus grande opacité dans la gestion de l’affaire du Sahara.

En parallèle, le durcissement des positions marocaines, sur les plans diplomatique et militaire, a favorisé une crispation de la direction du Polisario, visible à travers la recrudescence de ses contacts avec le Hezbollah libanais qui multiplie depuis quelques années les critiques envers le Maroc, et surtout depuis le rétablissement des relations avec Israël. La radicalisation du discours militaire algérien à l’égard du Maroc va également dans le même sens, bien qu’Alger se défende depuis toujours, et contre toute vraisemblance, d’être impliqué dans le conflit du Sahara.

En septembre 2021, la France a « neutralisé » un des chefs terroristes au Sahel, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, ancien membre du Polisario, qui a plus tard participé à la création du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), lequel groupe avait enlevé en 2011 deux Espagnols et une Italienne dans les camps de Tindouf. Adnan Abou Walid al-Sahraoui avait annoncé le versement d’une rançon de 15 millions d’euros pour leur libération en juillet 2012.

En novembre 2021, dans The Economist, le haut responsable du Polisario Mohamed Wali Akeik avait menacé de mener des actions au Sahara, contre des consulats ou des installations économiques, et à la même date (coïncidence ?), sur une télévision algérienne, un certain colonel Mediouni avait appelé à commettre des attentats en profondeur au Maroc, à Casablanca, à Marrakech, pour « semer la terreur dans le royaume ».

Il est vrai que pour Mohamed Wali Akeik et le colonel Mediouni, les propos tiennent plus de la fanfaronnade et de l’éthylisme, mais que dire du Hezbollah qui s’installe en Afrique du Nord et du terroriste tué par les forces spéciales françaises ? Que conclure de la logique séparatiste qui, dans l’Histoire et dans le monde, a progressivement basculé en action terroriste ?

Aujourd’hui, dans une Europe en guerre et avec une guerre indirecte entre Etats-Unis et Russie, il serait imprudent de négliger la menace exprimée au Sahel par le Polisario, divisé et affaibli, soutenu par une Algérie au pouvoir encore plus opaque et plus dangereux, désormais directement en contact avec le Mali livré à lui-même et à la très vaste nébuleuse terroriste dans son nord.

L’Espagne a compris, l’Allemagne aussi et les Etats-Unis s’impliquent de plus en plus dans la région. Aussi, et à défaut d’inscrire le Polisario sur la liste des mouvements terroristes, on peut déjà l’y faire figurer dans ses « annexes »

Rédigé par Aziz Boucetta sur PanoraPost


Mardi 24 Mai 2022