Jeunes, droits et État de droit: que vaut le pacte de 2011 à l’épreuve des faits?
Le dossier de revendications du mouvement Gen Z revendique d’emblée une filiation constitutionnelle: il s’ancre dans la Constitution de 2011 comme pacte et non simple catalogue de principes. Cette assise est décisive. L’article 1 établit une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale; l’article 2 consacre la souveraineté de la Nation exercée par les institutions; les articles 31 à 35 déclinent les droits sociaux et économiques; le Titre II érige un front de libertés fondamentales. En prenant ces dispositions pour boussole, le texte des jeunes pose une question d’effectivité, non de légitimité: comment rendre exécutoires des droits dont l’armature existe déjà?
Sur le plan juridique, trois angles d’analyse s’imposent. D’abord, la justiciabilité des droits. Les articles 31 et 34 garantissent l’accès à l’éducation, la santé, la protection sociale et l’inclusion des jeunes; mais leur mise en œuvre dépend de lois-cadres et de politiques publiques. La Cour constitutionnelle, depuis 2011, a rappelé à plusieurs reprises que la loi doit préciser les modalités d’exercice des droits et respecter le principe d’égalité (art. 6). Or, le mouvement Gen Z cible la “fissure” entre l’énoncé et la norme d’application. À ce titre, l’adoption de lois d’exécution et de mécanismes de recours effectifs (défenseur des droits, autorités de régulation renforcées) constitue un vecteur d’effectivité. L’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (APALD), prévue par l’art. 19, demeure un exemple où l’écart entre prévision constitutionnelle et déploiement intégral nourrit la frustration.
Ensuite, la séparation des pouvoirs et la responsabilité démocratique. La Constitution renforce le Parlement (Titres IV et V), institue le contrôle des politiques publiques (art. 70 et s.), et confère aux citoyens le droit de pétition et d’initiative législative (art. 14 et 15). Le dossier des jeunes vise explicitement la “méthode” plus que le “modèle”: accélérer l’usage des instruments de participation et d’évaluation. La pratique révèle encore un faible taux d’aboutissement des pétitions et une ingénierie administrative lourde. Juridiquement, une simplification par voie organique (lois organiques 64.14 et 44.14) et des délais impératifs de traitement renforceraient la portée de ces droits procéduraux, rendant la démocratie participative moins incantatoire.
Troisième angle, l’État de droit régulatoire. La Constitution érige des autorités indépendantes (Conseil de la concurrence, HACA, CNDH) et garantit le droit d’accès à l’information (art. 27; loi 31-13). Le plaidoyer des jeunes insiste sur la transparence et l’évaluation. Depuis la relance du Conseil de la concurrence et l’adoption de la loi-cadre 03-22 sur les établissements et entreprises publics, la trajectoire est réelle mais inégale. La mise en conformité des marchés, l’ouverture des données (open data) et la traçabilité budgétaire des politiques jeunesse (programmes “Forsa”, “Awrach”, généralisation de la protection sociale) demeurent des chantiers où l’indexation aux articles 154 à 158 sur les principes de bonne gouvernance peut servir de matrice d’audit et de reddition de comptes.
Politiquement, le document Gen Z adopte un ton de co-responsabilité. Il assume les constantes constitutionnels : Islam modéré, unité nationale, monarchie, choix démocratique, et demande un “contrat d’exécution”. Cette posture le place dans la continuité des réformes royales structurantes: régionalisation avancée, protection sociale universelle, réforme de l’éducation et de la formation professionnelle, déploiement de la charte de l’investissement. L’analyse comparée des dernières législatures montre toutefois un paradoxe: l’abondance de stratégies sectorielles et de lois-cadres face à une capacité d’exécution territoriale inégale. Le niveau régional, constitutionnellement doté (Titre IX), reste sous-capitalisé en compétences et en ressources humaines qualifiées, ce qui dilue l’impact sur les jeunes en périphérie urbaine et en zones rurales.
Le “moment jeunesse” est aussi un fait socio-économique. Les droits sociaux de l’art. 31 se recomposent autour de trois leviers: employabilité, équité territoriale, et inclusion numérique. Les programmes publics récents ont accru l’offre d’accompagnement, mais la soutenabilité suppose une évaluation indépendante des résultats (coût par emploi créé, taux de survie des entreprises soutenues, mobilité sociale mesurée). La Constitution offre l’outil: le Conseil économique, social et environnemental (CESE) peut produire des avis évaluatifs opposables politiquement, tandis que le Parlement, via les missions d’information, peut exiger des indicateurs de performance contractuels. Le dossier des jeunes gagnerait à formuler des indicateurs constitutionnellement adossés: délais moyens d’accès aux droits (santé, justice), taux d’exécution budgétaire régional, part des marchés publics attribués aux TPE/JEI, pour rendre objectivable l’exigence d’effectivité.
Sur les libertés, le Titre II et la jurisprudence constitutionnelle fixent un équilibre entre ordre public et droits fondamentaux. Les attentes de la Gen Z en matière de liberté d’expression, de manifestation pacifique et de sécurité juridique numérique peuvent s’adosser à l’art. 25 (liberté d’opinion et d’expression) et à l’art. 24 (protection de la vie privée). La consolidation passe par une mise à jour fine du droit pénal et de la procédure pénale—déjà engagée—pour mieux calibrer les incriminations à l’ère numérique, renforcer les garanties procédurales et éviter la sur-criminalisation qui alimente le sentiment d’imprévisibilité chez les jeunes créateurs et entrepreneurs digitaux.
Enfin, la gouvernance par la donnée—droit d’accès, qualité statistique, traçabilité—devient le test de crédibilité. L’art. 27 consacre l’accès à l’information; sa pleine effectivité exige des registres proactifs, des formats ouverts, et des autorités administratives tenues à des délais. En articulant participation (art. 12, 13, 14, 15) et information (art. 27), le Maroc peut faire de la “preuve” le cœur du contrat social, réduisant le “fossé” que le document décrit entre le Maroc des textes et celui du quotidien.
En somme, l’analyse à la lumière de la Constitution de 2011 confirme la robustesse du cadre normatif et met en exergue un enjeu d’exécution, de justiciabilité et de mesure. Le dossier Gen Z, loin de contester les fondements, propose d’affûter les instruments. La réponse politique la plus conforme à l’esprit de 2011 n’est pas d’inventer de nouveaux slogans, mais de constitutionnaliser l’action: lois d’exécution claires, institutions évaluatives outillées, participation simplifiée, et gouvernance par l’évidence. C’est dans cette alchimie, juridiquement balisée, que la promesse de 2011 peut devenir, pour une génération entière, une réalité vécue.
Sur le plan juridique, trois angles d’analyse s’imposent. D’abord, la justiciabilité des droits. Les articles 31 et 34 garantissent l’accès à l’éducation, la santé, la protection sociale et l’inclusion des jeunes; mais leur mise en œuvre dépend de lois-cadres et de politiques publiques. La Cour constitutionnelle, depuis 2011, a rappelé à plusieurs reprises que la loi doit préciser les modalités d’exercice des droits et respecter le principe d’égalité (art. 6). Or, le mouvement Gen Z cible la “fissure” entre l’énoncé et la norme d’application. À ce titre, l’adoption de lois d’exécution et de mécanismes de recours effectifs (défenseur des droits, autorités de régulation renforcées) constitue un vecteur d’effectivité. L’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (APALD), prévue par l’art. 19, demeure un exemple où l’écart entre prévision constitutionnelle et déploiement intégral nourrit la frustration.
Ensuite, la séparation des pouvoirs et la responsabilité démocratique. La Constitution renforce le Parlement (Titres IV et V), institue le contrôle des politiques publiques (art. 70 et s.), et confère aux citoyens le droit de pétition et d’initiative législative (art. 14 et 15). Le dossier des jeunes vise explicitement la “méthode” plus que le “modèle”: accélérer l’usage des instruments de participation et d’évaluation. La pratique révèle encore un faible taux d’aboutissement des pétitions et une ingénierie administrative lourde. Juridiquement, une simplification par voie organique (lois organiques 64.14 et 44.14) et des délais impératifs de traitement renforceraient la portée de ces droits procéduraux, rendant la démocratie participative moins incantatoire.
Troisième angle, l’État de droit régulatoire. La Constitution érige des autorités indépendantes (Conseil de la concurrence, HACA, CNDH) et garantit le droit d’accès à l’information (art. 27; loi 31-13). Le plaidoyer des jeunes insiste sur la transparence et l’évaluation. Depuis la relance du Conseil de la concurrence et l’adoption de la loi-cadre 03-22 sur les établissements et entreprises publics, la trajectoire est réelle mais inégale. La mise en conformité des marchés, l’ouverture des données (open data) et la traçabilité budgétaire des politiques jeunesse (programmes “Forsa”, “Awrach”, généralisation de la protection sociale) demeurent des chantiers où l’indexation aux articles 154 à 158 sur les principes de bonne gouvernance peut servir de matrice d’audit et de reddition de comptes.
Politiquement, le document Gen Z adopte un ton de co-responsabilité. Il assume les constantes constitutionnels : Islam modéré, unité nationale, monarchie, choix démocratique, et demande un “contrat d’exécution”. Cette posture le place dans la continuité des réformes royales structurantes: régionalisation avancée, protection sociale universelle, réforme de l’éducation et de la formation professionnelle, déploiement de la charte de l’investissement. L’analyse comparée des dernières législatures montre toutefois un paradoxe: l’abondance de stratégies sectorielles et de lois-cadres face à une capacité d’exécution territoriale inégale. Le niveau régional, constitutionnellement doté (Titre IX), reste sous-capitalisé en compétences et en ressources humaines qualifiées, ce qui dilue l’impact sur les jeunes en périphérie urbaine et en zones rurales.
Le “moment jeunesse” est aussi un fait socio-économique. Les droits sociaux de l’art. 31 se recomposent autour de trois leviers: employabilité, équité territoriale, et inclusion numérique. Les programmes publics récents ont accru l’offre d’accompagnement, mais la soutenabilité suppose une évaluation indépendante des résultats (coût par emploi créé, taux de survie des entreprises soutenues, mobilité sociale mesurée). La Constitution offre l’outil: le Conseil économique, social et environnemental (CESE) peut produire des avis évaluatifs opposables politiquement, tandis que le Parlement, via les missions d’information, peut exiger des indicateurs de performance contractuels. Le dossier des jeunes gagnerait à formuler des indicateurs constitutionnellement adossés: délais moyens d’accès aux droits (santé, justice), taux d’exécution budgétaire régional, part des marchés publics attribués aux TPE/JEI, pour rendre objectivable l’exigence d’effectivité.
Sur les libertés, le Titre II et la jurisprudence constitutionnelle fixent un équilibre entre ordre public et droits fondamentaux. Les attentes de la Gen Z en matière de liberté d’expression, de manifestation pacifique et de sécurité juridique numérique peuvent s’adosser à l’art. 25 (liberté d’opinion et d’expression) et à l’art. 24 (protection de la vie privée). La consolidation passe par une mise à jour fine du droit pénal et de la procédure pénale—déjà engagée—pour mieux calibrer les incriminations à l’ère numérique, renforcer les garanties procédurales et éviter la sur-criminalisation qui alimente le sentiment d’imprévisibilité chez les jeunes créateurs et entrepreneurs digitaux.
Enfin, la gouvernance par la donnée—droit d’accès, qualité statistique, traçabilité—devient le test de crédibilité. L’art. 27 consacre l’accès à l’information; sa pleine effectivité exige des registres proactifs, des formats ouverts, et des autorités administratives tenues à des délais. En articulant participation (art. 12, 13, 14, 15) et information (art. 27), le Maroc peut faire de la “preuve” le cœur du contrat social, réduisant le “fossé” que le document décrit entre le Maroc des textes et celui du quotidien.
En somme, l’analyse à la lumière de la Constitution de 2011 confirme la robustesse du cadre normatif et met en exergue un enjeu d’exécution, de justiciabilité et de mesure. Le dossier Gen Z, loin de contester les fondements, propose d’affûter les instruments. La réponse politique la plus conforme à l’esprit de 2011 n’est pas d’inventer de nouveaux slogans, mais de constitutionnaliser l’action: lois d’exécution claires, institutions évaluatives outillées, participation simplifiée, et gouvernance par l’évidence. C’est dans cette alchimie, juridiquement balisée, que la promesse de 2011 peut devenir, pour une génération entière, une réalité vécue.



