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Édition marocaine : entre vitalité statistique et vulnérabilité structurelle


Rédigé par La Rédaction le Dimanche 18 Mai 2025

À première vue, les chiffres impressionnent. Avec 3 482 titres publiés en 2022–2023, dont 66 % en littérature et 34 % en sciences humaines et sociales, le Maroc affiche une production éditoriale dense et variée. Pourtant, derrière ces données quantitatives, se cache une réalité plus contrastée où fragilité économique, dépendance institutionnelle et centralisation géographique fragilisent la structuration d’un écosystème durable du livre.
Une dynamique soutenue… en apparence



Édition marocaine : entre vitalité statistique et vulnérabilité structurelle

Portée par une dynamique de subvention publique, la production éditoriale au Maroc reste fortement centralisée : plus de 65 % des ouvrages sont produits entre Rabat, Casablanca et Fès. Les publications restent dominées par le format papier (92 %), même si le numérique commence timidement à émerger. Cette vitalité apparente repose en grande partie sur les aides du ministère de la Culture, qui a financé cette année près de 66 % des titres parus, confirmant une dépendance encore structurelle des maisons d’édition à la commande publique.

Mais cette dynamique cache une précarité réelle : les tirages sont faibles (la moitié des ouvrages n’excède pas 500 exemplaires), la rentabilité commerciale est marginale, et le lectorat, souvent concentré autour des milieux universitaires, peine à se renouveler.
Littérature ou sciences humaines : un clivage de diffusion

La littérature absorbe à elle seule deux tiers de la production, avec une prédominance du roman, suivi par la poésie et la nouvelle. Les ouvrages de sciences humaines, plus spécialisés, peinent à franchir les frontières de l’université et souffrent d’un manque de vulgarisation pour le grand public.

La langue reste un facteur de segmentation : l’arabe domine toujours largement, mais la part du français reste significative, tandis que l’amazighe et les autres langues restent très marginales. Ce déséquilibre linguistique interroge sur la capacité du livre marocain à incarner pleinement la diversité du pays.

L’impensé de la diffusion et de l’accès

Le système de distribution demeure l’un des maillons faibles du secteur. Peu de librairies en dehors des grandes villes, une faible présence des ouvrages marocains dans les circuits numériques internationaux, et l'absence d’une politique structurée de lecture publique rendent difficile l’accès réel aux œuvres éditées. Le lectorat reste élitiste et socialement restreint, tandis que les jeunes générations lisent autrement — via les écrans — sans que l’édition ne s’y soit véritablement adaptée.



 

 


L’avis de l’avocat du diable

Et si tout cela n’était qu’un château de cartes savamment entretenu par les chiffres ? Derrière les statistiques, on trouve un secteur fragile, trop dépendant des subventions et incapable de structurer une filière indépendante, innovante et économiquement viable. Tant que la lecture ne sera pas une cause nationale, intégrée dès l’école et pensée dans une logique d’écosystème, le Maroc pourra publier des milliers de titres… sans jamais vraiment faire lire.
 

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Dimanche 18 Mai 2025