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Election américaine : Le pari d'une défaite




Election américaine : Le pari d'une défaite

Après une élection houleuse qui a tenu en haleine l’opinion publique internationale, Donald Trump a fini par capituler via Twitter, en reconnaissant à demi-mot et à contrecœur sa défaite face au démocrate Joe Biden, un concurrent placide et serein, plus que jamais déterminé à conquérir la maison blanche.


Trois semaines durant, passées sur le green à proférer des critiques acerbes contre les gâcheurs d’une réélection ratée, et pressé par une classe d’élites constituée de quelques 164 patrons du milieu d’affaires américain, le 45ème président des États-Unis s’est enfin rallié à la raison et décide de lancer les protocoles de la transition en plaçant au dessus de tout calcul politique l’intérêt suprême de la nation. Une fin de règne pour le moins chaotique d’un président qui aujourd’hui encore, se garde bien de reconnaître explicitement le résultat d’un scrutin à la loyale, et qui promet en filigrane de poursuivre un combat qu’il sait pertinemment perdu d’avance, tentant vaille que vaille de faire la preuve de supposées fraudes massives qui auraient entaché le bon déroulement du processus électorale. Mais en vain, la débâcle en cascade des multiples  recours en justice a vite montré la désillusion d’une manœuvre dénuée de tout fondement.


Attendu que cette élection présidentielle allait se jouer dans un mouchoir de poche, le décompte des urnes a tranché en faisant tomber dans l'escarcelle de Joe Biden une majorité écrasante des grands électeurs suivant la règle du "winner-take-all", qui ont fait de ce dernier le 46ème président des États-Unis. Une large victoire démocrate due à un pari gagnant sur la défaite du camp adverse, en raison d'un bilan plus que mitigé, résultant d'une gestion très controversée (y compris par ses pairs républicains) des crises économique, diplomatique, sanitaire et raciale, qui de l’avis de bon nombre d’observateurs, ont sérieusement écorné le rêve américain au cours des quatre dernières années.


Au slogan de compagne "America First" de Donald Trump donnant la primauté absolue à la souveraineté économique américaine, Joe Biden prend le contre-pied en brandissant "L’Amérique est de retour" pour annoncer le come-back du multilatéralisme et de la diplomatie au sein de la communauté internationale. Fort de ses 80 millions de voix d’américains qui l’ont porté aux plus hautes responsabilités du pays, il a déjà mis le pied à l’étrier en lançant sa première salve de nominations de plusieurs personnalités chevronnées ayant œuvré sous les auspices de Barack Obama, pour reprendre dès le 20 janvier prochain les dossiers les plus sensibles là où ce dernier les avait laissés. Et l’on s’attend concrètement dès la prise en main du pouvoir par la nouvelle administration qui sera chapotée par le tandem Biden-Harris, à la remise sur les rails du programme "Obamacare" pour la protection sociale, ainsi que la reprise prochaine des négociations sur l’accord de Paris sur le climat, sachant que les États-Unis d’Amérique occupent une place importante parmi les plus gros émetteurs de CO2 de la planète. Pour cette épopée, le nouveau président vient d’envoyer un signal fort en nommant John Kerry au poste d’émissaire spécial pour le climat, un diplomate aguerri et ancien secrétaire d’Etat de Barack Obama connu pour ses engagements en faveur de la transition écologique. Sa mission : réintégrer les États-Unis dans les accords de Paris qu’il avait lui-même ratifiés.


And last but not the least, contrairement à Donald Trump qui a longtemps minimisé la crise sanitaire liée au COVID-19, Joe Biden fera de la gestion pandémique sa grande priorité et la mère de toutes les réformes à conduire depuis la Maison-Blanche. Son administration disposera de tous les moyens matériels et humains nécessaires (25 mds $ promis) pour l’introduction d’un vaccin de grande fiabilité en tant qu’outil décisif pour la mise sous contrôle du virus, toute en s’attelant en parallèle à réparer au plutôt les secteurs les plus endommagés de l’économie. D’autres défis seront au rendez-vous de la nouvelle équipe dirigeante, à savoir l’immense chantier de la relance économique dont l’ambition affichée sera de contrecarrer les effets néfastes et dévastateurs causés par la récession, et l’élaboration d’un plan d’urgence à même de rétablir les conditions d’équilibre et de croissance qui prévalaient avant la pandémie.


Par ailleurs, le retour à la normalité proposé par le nouveau président s’inscrit dans une totale rupture avec le style de gouvernance Trump dont le mandat aura été particulièrement jalonné d’une succession de coups médiatiques mettant à mal l’image de l’Amérique et son leadership dans le monde. Des postures personnelles extrêmes qui ont conduit à la détérioration des relations avec les pays alliés, des coups bas à l’égard de la Chine, une complaisance présumée pour la Russie, une impasse diplomatique avec l’Iran, et plus récemment une politique potentiellement dangereuse au Proche-Orient (l’accord entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn en septembre 2020).


Ce que les Américains désirent par-dessus tout, c’est que les choses reviennent à la normale et ils ont été majoritaires à choisir un porte-étendard démocrate aux convictions inspirantes comme Roosevelt, Kennedy, Clinton et Obama. Joe Biden est un président attachant et charismatique aux origines modestes, fort d’un long et prestigieux parcours politique, un homme d’expérience qui contraste totalement avec son rival républicain Donald Trump, l’excentrique milliardaire qui a façonné son image par ses shows télévisés (d’avant et pendant sa présidence), ainsi que par ses fracassantes et intempestives sorties sur Tweeter,  ne suscitant rien moins que de l’exaspération qui le diabolise plus qu’elle ne le serve.
 

La question qui reste posée : parviendra-t-il à juguler sa fierté démesurée pour assister à la cérémonie d’investiture du nouveau président (Inauguration Day) qui aura lieu sur les marches du Capitole, ou se contentera-t-il simplement de charger son colistier Mike Pence d’assurer la relève une dernière fois ? Réponse le 20 janvier 2021 à midi précise, heure de Washington.


Par Jamal Benaddou Idrissi



Samedi 28 Novembre 2020