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En Afrique du Nord, l’Histoire s’accélère… (2)




Par Aziz Boucetta

En Afrique du Nord, l’Histoire s’accélère… (2)

Alors que dans la partie nord-ouest de l’Afrique, les événements se précipitent et les anciens équilibres périclitent au profit d’autres, nouveaux avec des acteurs nouveaux, la région nord de l’Afrique, le Maghreb, frémit et frétille. Les cinq pays composant cet ensemble régional cherchent de nouveaux arrimages, et les deux principaux que sont le Maroc et l’Algérie jouent encore plus que jamais des coudes et sont à un cheveu d’en découdre…
 

Les années 2020 et 2021 marquent une singulière accélération des événements. Les changements à la tête de l’Algérie et de la Tunisie sont porteurs d’incertitudes en cela que ni le président Tebboune ni son homologue tunisien Saïed ne semblent avoir véritablement pris l’ascendant requis sur leurs appareils respectifs.
 

Or, à la crise sécuritaire au Sahel et à l’instabilité socio-politique qui marque cette région s’ajoutent des ingérences de plus en plus marquées de grands Etats jusque-là plutôt indifférents, créant une sorte de chaos annonciateur d’une nouvelle donne, inédite et durable. Le constat est très simple : toutes les puissances, grandes et moyennes, se trouvent peu ou prou engagées au Sahel !
 

Dans ce jeu d’équilibre, d’influence et de puissance teinté d’ingérence, la France détient un rôle majeur qui, pour être préservé et maintenu, implique la nécessité d’opérer des choix difficiles, parmi lesquels le renoncement au désormais impossible équilibre stratégique entre Rabat et Alger. Paris voit bien que le Maroc bascule lentement mais sensiblement, à bas bruit, avec armes, bagages et grands projets, vers une anglosphère où il a tout à gagner du fait du mode de fonctionnement différent, plus résolu et plus lisible de cette dernière… et Paris voit également que ses nombreuses ouvertures envers le régime algérien ne sont pas payées en retour, autrement que par « la haine de la France ».
 

Et de crises en déclarations surprise, cette année 2021 aura réuni tous les ingrédients de mutations géopolitiques sur le temps long : Présence militaire des uns, investissements des autres, ressources naturelles rares convoitées par tous, sur fond de luttes d’influence et de changements d’alliances… Le dernier avatar de ces évolutions est l’actuelle crispation entre Alger et Paris suite aux propos attribués (mais non démentis, comme disent les Algériens) à Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat français est réputé pour sa franchise, parfois aussi pour quelques impairs, mais les mots qu’il a employés sur l’Algérie et l’identité de l’auteur de l’article sur le Monde ne laissent aucun doute sur la « préméditation » de cette saillie.
 

M. Macron a, cette fois, tenu des propos à la hache, bousculant autant le pouvoir algérien que sa population, remettant en cause le récit national de ce pays et son histoire, épinglant sévèrement le régime « politico-militaire » et dénonçant « la haine de la France ». L’Etat français a-t-il finalement décidé de donner des gages aux Marocains, une semaine après la maladresse de l’affaire des visas et vingt jours avant le vote de la résolution sur le Sahara, où les Etats-Unis ont plus que jamais la main ? La France comprend-elle, enfin, qu’entre deux alliés exclusifs, et quand l’heure du choix sonne, la sagesse commande d’opter pour le plus sûr, le plus prometteur et le moins versatile ?
 

Et alors, donc, que l’annonce d’un gouvernement inédit dans l’histoire récente du Maroc est imminente (on parle de compétences entrepreneuriales anglophones), Madrid et Paris rivalisent d’ingéniosité politique et d’ingénierie diplomatique pour s’attirer les faveurs de chacune des deux capitales maghrébines. Si, avec Alger, le refroidissement des relations semble appelé à durer, avec Rabat, tout dépend des deux Etats voisins, comme l’indiquait le roi Mohammed VI dans son dernier discours du 20 août : « (Le Maroc) a changé parce qu’il n’accepte pas que ses intérêts supérieurs soient malmenés. Corrélativement, il s’attache à fonder des relations solides, constructives et équilibrées, notamment avec les pays voisins ». Et quand le roi précise « fonder des relations », cela signifie qu’à ses yeux ces relations n’existent pas encore, ce qui est vrai.
 

Paris et Madrid devraient donc réfléchir à cette hypothèse : Si l’axe horizontal Tel Aviv-Rabat-Londres-Washington peut exister et prospérer, l’alliance verticale Rabat-Madrid-Paris reste en souffrance, les deux capitales européennes, pour la question marocaine, affichant autant de connivence historique que de concurrence économique. Il leur appartient, à elles et à elles seules, de changer la donne, étant entendu que face à cette accélération de l’Histoire à laquelle nous assistons, le temps joue contre elles.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Mercredi 6 Octobre 2021