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En soutien aux familles des Marocains expulsés d’Algérie en 1975 : ​50 ans déjà et nous n’avons rien oublié


Rédigé par le Mercredi 29 Octobre 2025

Le 8 décembre 2025 marquera un demi-siècle jour pour jour depuis le déclenchement des rafles et expulsions de milliers de Marocains installés en Algérie. Cinquante ans après, la douleur est intacte, la mémoire est vivante, et la quête de justice demeure. Des voix s’élèvent, regroupées au sein d’un collectif international de soutien aux familles, pour pousser le régime algérien à reconnaître ce qu’elles qualifient de crime : l’arrestation, la spoliation et l’expulsion de familles entières, souvent établies depuis des générations.



8 décembre 1975 : l’aube d’un arrachement

En soutien aux familles des Marocains expulsés d’Algérie en 1975 : ​50 ans déjà et nous n’avons rien oublié
Selon les témoignages recueillis par les associations de victimes et leurs soutiens, tout commence « dès l’aube du 8 décembre 1975 ». Ironie tragique souvent rappelée par les familles : cette date coïncidait avec la veille de l’Aïd El-Kébir. Des bus réquisitionnés, des listes dressées à la hâte, des foyers séparés. Des hommes, des femmes, des enfants embarqués — parfois sans pouvoir emporter autre chose qu’un sac — vers la frontière marocaine.
L’opération s’étire sur près de deux mois. Le collectif évoque environ 45 000 personnes contraintes au départ, beaucoup vivant « pour certaines depuis des décennies » en Algérie. Dans les récits, une constante : des conditions d’acheminement indignes, des biens saisis, des vies mises entre parenthèses.

La mémoire contre l’oubli

Cinquante ans plus tard, l’exigence première est simple : dire la vérité, officiellement. Pour les familles, la reconnaissance par les autorités algériennes de la nature et de l’ampleur des faits est un préalable à tout processus de réparation — morale d’abord, matérielle ensuite.
La mémoire, ici, n’est pas une posture de repli. Elle agit comme un repère public : les noms, les dates, les lieux, les visages. Elle refuse que l’Histoire bascule dans l’angle mort des relations bilatérales. C’est le sens des commémorations prévues le 8 décembre 2025, à l’occasion du cinquantenaire, et des mobilisations annoncées en Europe.

De Genève à Strasbourg : une stratégie assumée

À l’automne 2025, le collectif a présenté un rapport détaillé devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève, afin d’archiver les faits et d’alerter les mécanismes onusiens. Prochaine étape annoncée : une manifestation commémorative à Strasbourg, à proximité du Parlement européen, le 8 décembre. Le message est clair : internationaliser la cause, documenter, convaincre, puis obtenir un geste officiel — reconnaissance, excuses, ouverture d’archives, mécanisme de règlement des litiges patrimoniaux.

Droit, dignité, réparations : les trois mots-clés

L’enjeu dépasse l’émotion légitime. Il s’articule autour de trois axes :

Le droit : établir un constat public des violations alléguées (arrestations arbitraires, expulsions collectives, spoliations), et identifier les voies juridiques disponibles (mécanismes onusiens, médiation internationale, instruments régionaux).
La dignité : replacer les victimes au centre. Elles ne réclament pas la vengeance ; elles demandent l’acknowledgment, ce moment fondateur où l’État concerné nomme les faits.
Les réparations : il ne s’agit pas seulement d’indemnités éventuelles, mais de mesures concrètes : accès aux archives, restitution ou compensation des biens saisis, facilitation des regroupements familiaux, et garanties de non-répétition.

Éthique de la mémoire, politique du possible

Écrire cette page n’exige ni triomphalisme ni anathèmes. Elle requiert une éthique de la mémoire : précision des faits, respect des personnes, refus des instrumentalisations. Elle suppose aussi une politique du possible : des interlocuteurs, des étapes, un calendrier.
Reconnaître n’est pas s’humilier. C’est assumer l’Histoire pour en sortir plus fort. Les familles ne réclament pas d’ouvrir une nouvelle blessure ; elles demandent de refermer proprement l’ancienne, avec des mots justes et des actes à la hauteur.

Ce que demandent les familles et leurs soutiens

Reconnaissance officielle des expulsions de 1975 et de leurs conséquences humaines.
Excuses publiques et condoléances d’État pour les vies brisées et les patrimoines perdus.
Ouverture et numérisation des archives pertinentes, accessibles aux familles et chercheurs.
Mécanisme indépendant d’examen des cas de spoliation et de restitution/indemnisation.
Facilités administratives pour les démarches transfrontalières (état civil, successions, pensions).
Garanties de non-répétition intégrées au droit positif et aux pratiques administratives.

Un cinquantenaire pour rassembler

Ce cinquantenaire est l’occasion d’un rassemblement apaisé mais déterminé : familles, associations, juristes, historiens, responsables religieux, élus locaux, médias. Il faut recueillir les derniers témoignages, archiver les preuves, transmettre aux jeunes générations. Il faut aussi déployer des passerelles : colloques, expositions, capsules audiovisuelles, plateformes d’archives orales.

Car la mémoire ne survit pas seule : elle se travaille. Elle demande de la rigueur, des dates, des documents. Elle requiert des récits qui fassent sens, loin des caricatures.

​Notre position : soutien, lucidité, ouverture

Nous réaffirmons notre soutien total aux familles des expulsés. Nous plaidons pour un chemin de vérité, sans débordements verbaux, sans raccourcis faciles. L’Histoire est têtue ; elle finit toujours par parler. Autant l’écouter avec courage.

À celles et ceux qui gouvernent aujourd’hui en Algérie, nous disons : reconnaître n’est pas céder. C’est donner à vos citoyens comme aux nôtres la preuve qu’un État peut regarder son passé en face et réparer. À celles et ceux qui, au Maroc, accompagnent cette cause, nous rappelons l’exigence de méthode : dossiers sourcés, expertise juridique, diplomatie tenace.

8 décembre 2025 : faire date, enfin

Cinquante ans après l’aube grise du 8 décembre 1975, nous voulons que le 8 décembre 2025 soit une aube claire : celle d’une mémoire reconnue, d’un droit réaffirmé, d’une dignité rendue.

Nous n’avons rien oublié. Nous ne cherchons pas la rancœur. Nous cherchons la justice. Et nous resterons, aux côtés des familles, jusqu’à ce que la vérité soit dite — et réparée.

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Mercredi 29 Octobre 2025