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Enfin, la filière marocaine des Figues de Barbarie renaît de ses cendres…


Rédigé par La rédaction le Lundi 27 Octobre 2025

Au cœur des zones arides du Maroc, un petit fruit au riche potentiel était laissé pour compte. En 2014, plus de 140 000 hectares de vergers de figue de Barbarie avaient été ravagés par l’invasion de la cochenille — un chiffre qui sonnait comme un glas pour une filière pourtant promise à un bel avenir. Aujourd’hui, avec l’arrivée de variétés plus résistantes, une demande internationale renouvelée et des cultures mieux conduites, la figue de Barbarie pourrait bien devenir l’un des piliers d’une relance agricole durable. Reste à vérifier si ce regain tient toutes ses promesses et pour qui.



Le cauchemar de la cochenille : quand le cactus vacille

Enfin, la filière marocaine des Figues de Barbarie renaît de ses cendres…
On se souvient encore des premières alertes dans ma région : des raquettes desséchées, des fruits qui ne mûrissaient plus, et des agriculteurs impuissants. La cause : la cochenille, ce ravageur discret mais implacable, qui s’est propagé dans les plantations de cactus à un rythme alarmant. Selon un article de Le Matin, cette crise avait détruit plus de 140 000 hectares au Maroc. 

On parle souvent de « plantation », mais oublions parfois que la figue de Barbarie était aussi un recours pour les petits exploitants des zones rurales en détresse, des hectares marginalisés que d’autres cultures abandonnaient. Quand tout s’est effondré, ce sont des pans entiers d’économie locale et d’identité agricole qui ont vacillé.

 

Le salut est-il arrivé ? Variétés résistantes et efforts conjoints

Le redémarrage de la filière ne s’est pas fait par miracle. Il a pris forme autour d’une alliance entre producteurs, autorités sanitaires, instituts de recherche et entreprises exportatrices. Une des clés : l’introduction de variétés de figue de Barbarie capables de résister à la cochenille, tout en consommant moins d’eau et en produisant des fruits de calibre supérieur. 

« Ces efforts ont été récompensés par une bonne adaptation et un comportement optimal du fruit », confiait un exportateur à Fresh Plaza. 

 À cela s’ajoute une meilleure maîtrise sur le terrain : lutte biologique, amélioration des techniques culturales. Un article de Médias24 évoquait l’usage d’agents naturels (coccinelles) contre la cochenille. 

Cependant car il y a des « mais » ces variétés sont relativement nouvelles, les investissements sont encore modestes et la transformation reste à développer. Le chemin vers une filière solide est tracé, mais n’est pas encore complètement pavé.

Hors de l’été : la saison qui s’étend

Autre bouffée d’optimisme : la saison de récolte ne se limite plus à la courte période estivale. Alors qu’auparavant le fruit sauvage se récoltait l’été, les nouvelles plantations permettent désormais de récolter d’avril à septembre voire plus. 

Pour l’agriculteur, c’est moins de risque de concentration des ventes, pour le marché local c’est plus de disponibilité. Pour l’exportation, ça ouvre des fenêtres plus larges. Mais attention : travailler hors saison n’est pas sans contraintes ! Besoin d’irrigation raisonnée, de logistique renforcée, d’un marché structuré. Sinon, on risque de retomber dans les impasses d’avant.

Le marché international en embuscade

Le monde regarde. Les marchés de fruits frais, de l’agro-industrie et de la cosmétique manifestent un appétit croissant pour ce fruit unique. Un article récent rappelle que « aujourd’hui, la figue de Barbarie est recherchée tant pour la consommation de fruits frais que pour l’industrie alimentaire et cosmétique ». 

Le Maroc n’était pas un acteur dominant jusqu’ici, mais il entend bien changer la donne. On mentionne déjà une percée en Espagne pour un exportateur marocain. 

On imagine aussi l’huile de pépins, la poudre de cactus, les cosmétiques de niche. L’estimation mondiale du marché est un indicateur stimulant : on parle de 1,2 milliard de dollars en 2024, avec une possible montée à 2,35 milliards d’ici 5 à 10 ans. 

Mais encore faut-il que le Maroc structure son offre, maîtrise les normes d’exportation, et assure une traçabilité irréprochable — sinon, il risquera de rester simple fournisseur de matière première plutôt que marque à part entière.

Les atouts de la culture repensée

Si on prends la casquette d’agronome, plusieurs éléments me confortent dans l’idée que ce modèle peut réussir au Maroc :

La figue de Barbarie est adaptée aux sols pauvres, aux zones arides, à faible pluviosité. 
Elle consomme peu d’eau, ce qui lui donne un atout majeur dans un pays où la ressource hydraulique devient critique. 
Elle offre des débouchés multiples : fruit frais, transformation, huile, cosmétique, valorisation rurale.
Elle peut apporter des revenus additionnels aux petits agriculteurs, notamment dans les zones reculées, dans un esprit de solidarité et diversité active.

En somme, l’angle durable est bien là et dans une logique inclusive. Mais cette culture n’est pas encore la panacée. Les défis demeurent.

Les zones d’ombre et les défis à relever

À charge maintenant : tout n’est pas réglé. Voici les principaux points d’alerte :

La relance est encore fragile. La production n’a pas encore retrouvé les volumes d’avant la crise de 2014. 
Lebrief

La variance qualitative : introduire des variétés résistantes, c’est bien… encore faut-il que chaque agriculteur ait accès à la bonne semence, la bonne formation, le bon matériel.

La transformation industrielle est peu développée. Exporter en brut, c’est bien, mais le vrai gain de valeur viendra de la chaîne locale de transformation.

Le marché international est prometteur, mais aussi concurrentiel. Le Maroc devra se positionner non seulement comme producteur de masse, mais comme producteur de qualité reconnue.

Le soutien public, la structuration des coopératives, l’accès au financement restent encore inégaux selon les régions.

​Un espoir pour les zones rurales… et pour la nouvelle génération

Ce qui motive, c’est ce potentiel pour les jeunes des zones rurales. Imaginez qu’un fils ou une fille d’agriculteur puisse voir dans la figue de Barbarie une culture valorisée, exportable, innovante, génératrice d’emplois… On est là dans la logique d’ouverture, d’esprit d’initiative, de ce que la nouvelle génération attend.

La filière s’inscrit dans les valeurs que nous portons : équité, seconde chance, diversification économique, tolérance. Elle peut offrir une alternative à l’exode rural, à la monoculture peu rémunératrice. À condition que l’on crée les conditions de réussite collectives : formation, encadrement, financement, infrastructures.

Le Maroc uni dans cette relance : vers la durabilité

La relance de la filière de la figue de Barbarie au Maroc peut aussi être l’illustration d’un Maroc uni dans l’agriculture, dans la solidarité entre territoires, entre générations, entre sexes. Les coopératives féminines de certaines régions produisent de l’huile de figue de Barbarie, valorisant à la fois le terroir et l’émancipation économique des femmes. 

Pour que cette relance soit durable, elle devra respecter l’environnement — sols, eau, biodiversité et être intégrée dans une vision inclusive de développement. C’est l’enjeu : aller au-delà du simple redémarrage, vers un modèle agricole résilient, équitable, tourné vers l’innovation et la transformation.

​La filière de la figue de Barbarie au Maroc sort d’une crise profonde et se réinvente avec ambition.

Les variétés résistantes, l’extension de la saison de récolte, la demande mondiale en hausse, tout converge vers une opportunité concrète. Mais cette renaissance ne sera durable que si elle est accompagnée de mesures solides : structuration des acteurs, consolidation des marchés, transformation locale accrue, et intégration des petits producteurs. Le fruit est là, l’idée est là… il reste à capitaliser. Et pour le Maroc, ce cactus résistant pourrait devenir symbole d’une agriculture qui se relève, qui innove et qui unit.




Lundi 27 Octobre 2025