Podcast avec Adnane Benchakroun
Vous affirmez que les mesures tarifaires de Donald Trump manquent de cohérence stratégique et qu'elles relèvent davantage d'une posture politique que d’une véritable vision économique. À vos yeux, en quoi la volonté simultanée de réduire le déficit commercial tout en maintenant la suprématie du dollar constitue-t-elle une contradiction structurelle ? Et pourquoi la relocalisation des entreprises aux États-Unis vous semble-t-elle économiquement irréaliste ?" Pensez-vous que les décisions commerciales de Trump relèvent d’une vraie stratégie économique ?"
Adnane Benchakroun : Honnêtement, je ne vois rien de stratégique dans ses choix. C’est avant tout un businessman à l’ancienne, qui répète en boucle qu’il faut réduire le déficit commercial tout en voulant maintenir la domination mondiale du dollar – deux objectifs qui, structurellement, sont incompatibles. Il appelle à relocaliser les entreprises aux États-Unis, mais oublie une chose : si Apple ou Nike produisent en Asie, c’est parce que le ratio salaire/productivité y est bien meilleur. Aucun Américain n’acceptera de travailler à deux dollars de l’heure. Une entreprise ne recrute que si le salaire réel est inférieur à la productivité du travail – une règle de base de l’économie. Et lui, en tant que chef d’entreprise, devrait le savoir mieux que quiconque.
Contrairement à certains de vos confrères, vous insistez sur le fait que les décisions commerciales américaines s’inscrivent dans un cadre institutionnel rigoureux et interagissent avec une architecture complexe de pouvoir. Pourriez-vous nous expliquer comment cette 'machine de guerre économique' fonctionne concrètement ? Et en quoi les dispositifs comme la Section 232 ou 301 traduisent une stratégie réfléchie plutôt qu’un réflexe protectionniste ?
Adnane Benchakroun : Pas du tout. Les États-Unis, qui représentent un quart du PIB mondial, ne prennent jamais de décisions commerciales au hasard. Derrière chaque annonce, il y a un processus long, structuré, impliquant la Maison-Blanche, le USTR, la Fed, et d’autres organismes spécialisés. Ils disposent même d’outils juridiques puissants comme les Sections 232 et 301. Ce que beaucoup perçoivent comme des décisions brutales sont en réalité des leviers calculés, conçus pour rééquilibrer les échanges internationaux. Et les résultats sont là : plus de cinquante pays ont déjà accepté de rouvrir des discussions commerciales avec les États-Unis. Il s’agit d’un véritable choc diplomatique, assumé, et pensé à long terme.
Vous adoptez une lecture radicalement différente en évoquant un scénario de destruction délibérée pour provoquer une réaction systémique. Pensez-vous que Trump cherche volontairement à désorganiser l’économie mondiale pour court-circuiter les algorithmes boursiers ou forcer une mutation du capitalisme ? Et selon vous, cette logique de 'reset' est-elle pilotée ou désespérée ?
Adnane Benchakroun : Parce qu’on ne pilote pas un avion qui va s’écraser sans envisager de tout couper et recommencer. Trump, à mon sens, joue avec les mécanismes mêmes de l’économie pour tester la réaction des algorithmes et des marchés. Ce n’est plus de la logique, c’est une forme de chaos stratégique. Il pense que pour provoquer une transformation profonde, il faut peut-être d’abord tout faire sauter. C’est radical, mais il semble convaincu que l’effondrement est inévitable – alors autant l’anticiper.
Vous décrivez Donald Trump comme un 'justicier économique' qui ne s’encombre pas des règles classiques de la macroéconomie. Dans cette lecture presque héroïque – ou anti-héroïque – du personnage, pensez-vous que la stratégie du choc qu’il applique, quitte à faire vaciller les marchés, est un levier efficace pour redéfinir les équilibres commerciaux mondiaux ? Et surtout : cette méthode, brutale mais assumée, peut-elle produire des résultats durables sans mettre en péril l’économie mondiale ?
Adnane Benchakroun : Absolument. Il ne raisonne pas comme un technocrate ou un économiste traditionnel. Il se voit comme un justicier, prêt à déséquilibrer le système pour le réinitialiser. Oubliez les modèles, les tableaux Excel, les précautions de langage : il impose un choc, brutal, spectaculaire, quitte à faire perdre neuf trillions à Wall Street. Mais pour lui, si cela permet de redéfinir le rapport de force mondial et de faire plier cinquante pays pour renégocier leurs accords, alors c’est une victoire. C’est un pari risqué, mais c’est sa manière de restaurer la grandeur américaine.
Contrairement à l’opinion dominante, vous estimez que les deux objectifs – réduction du déficit commercial et maintien d’un dollar fort – ne sont pas nécessairement incompatibles. En quoi la stratégie actuelle vous semble-t-elle une tentative de rétablissement des grands équilibres, notamment face à la montée en puissance silencieuse de la Chine ? Et pensez-vous que la dette américaine, combinée à une surconsommation chronique, constitue aujourd’hui le vrai talon d’Achille de la souveraineté économique des États-Unis ?
Adnane Benchakroun : Pas nécessairement. Je pense que Trump a compris que le statu quo était dangereux. Si les États-Unis continuent comme ça, le déficit commercial pourrait finir par affaiblir la crédibilité du dollar. On voit bien que la Chine tisse patiemment une toile monétaire et technologique alternative. Elle gagne du terrain, investit dans la R&D, et propose des systèmes de paiement innovants. Les États-Unis sont endettés à un point critique. Pour préserver leur souveraineté, ils doivent provoquer un électrochoc maintenant, au lieu d’attendre une chute irréversible. Mieux vaut souffrir aujourd’hui que s’effondrer demain. C’est peut-être cela, au fond, la vraie logique de Trump.
Adnane Benchakroun : Honnêtement, je ne vois rien de stratégique dans ses choix. C’est avant tout un businessman à l’ancienne, qui répète en boucle qu’il faut réduire le déficit commercial tout en voulant maintenir la domination mondiale du dollar – deux objectifs qui, structurellement, sont incompatibles. Il appelle à relocaliser les entreprises aux États-Unis, mais oublie une chose : si Apple ou Nike produisent en Asie, c’est parce que le ratio salaire/productivité y est bien meilleur. Aucun Américain n’acceptera de travailler à deux dollars de l’heure. Une entreprise ne recrute que si le salaire réel est inférieur à la productivité du travail – une règle de base de l’économie. Et lui, en tant que chef d’entreprise, devrait le savoir mieux que quiconque.
Contrairement à certains de vos confrères, vous insistez sur le fait que les décisions commerciales américaines s’inscrivent dans un cadre institutionnel rigoureux et interagissent avec une architecture complexe de pouvoir. Pourriez-vous nous expliquer comment cette 'machine de guerre économique' fonctionne concrètement ? Et en quoi les dispositifs comme la Section 232 ou 301 traduisent une stratégie réfléchie plutôt qu’un réflexe protectionniste ?
Adnane Benchakroun : Pas du tout. Les États-Unis, qui représentent un quart du PIB mondial, ne prennent jamais de décisions commerciales au hasard. Derrière chaque annonce, il y a un processus long, structuré, impliquant la Maison-Blanche, le USTR, la Fed, et d’autres organismes spécialisés. Ils disposent même d’outils juridiques puissants comme les Sections 232 et 301. Ce que beaucoup perçoivent comme des décisions brutales sont en réalité des leviers calculés, conçus pour rééquilibrer les échanges internationaux. Et les résultats sont là : plus de cinquante pays ont déjà accepté de rouvrir des discussions commerciales avec les États-Unis. Il s’agit d’un véritable choc diplomatique, assumé, et pensé à long terme.
Vous adoptez une lecture radicalement différente en évoquant un scénario de destruction délibérée pour provoquer une réaction systémique. Pensez-vous que Trump cherche volontairement à désorganiser l’économie mondiale pour court-circuiter les algorithmes boursiers ou forcer une mutation du capitalisme ? Et selon vous, cette logique de 'reset' est-elle pilotée ou désespérée ?
Adnane Benchakroun : Parce qu’on ne pilote pas un avion qui va s’écraser sans envisager de tout couper et recommencer. Trump, à mon sens, joue avec les mécanismes mêmes de l’économie pour tester la réaction des algorithmes et des marchés. Ce n’est plus de la logique, c’est une forme de chaos stratégique. Il pense que pour provoquer une transformation profonde, il faut peut-être d’abord tout faire sauter. C’est radical, mais il semble convaincu que l’effondrement est inévitable – alors autant l’anticiper.
Vous décrivez Donald Trump comme un 'justicier économique' qui ne s’encombre pas des règles classiques de la macroéconomie. Dans cette lecture presque héroïque – ou anti-héroïque – du personnage, pensez-vous que la stratégie du choc qu’il applique, quitte à faire vaciller les marchés, est un levier efficace pour redéfinir les équilibres commerciaux mondiaux ? Et surtout : cette méthode, brutale mais assumée, peut-elle produire des résultats durables sans mettre en péril l’économie mondiale ?
Adnane Benchakroun : Absolument. Il ne raisonne pas comme un technocrate ou un économiste traditionnel. Il se voit comme un justicier, prêt à déséquilibrer le système pour le réinitialiser. Oubliez les modèles, les tableaux Excel, les précautions de langage : il impose un choc, brutal, spectaculaire, quitte à faire perdre neuf trillions à Wall Street. Mais pour lui, si cela permet de redéfinir le rapport de force mondial et de faire plier cinquante pays pour renégocier leurs accords, alors c’est une victoire. C’est un pari risqué, mais c’est sa manière de restaurer la grandeur américaine.
Contrairement à l’opinion dominante, vous estimez que les deux objectifs – réduction du déficit commercial et maintien d’un dollar fort – ne sont pas nécessairement incompatibles. En quoi la stratégie actuelle vous semble-t-elle une tentative de rétablissement des grands équilibres, notamment face à la montée en puissance silencieuse de la Chine ? Et pensez-vous que la dette américaine, combinée à une surconsommation chronique, constitue aujourd’hui le vrai talon d’Achille de la souveraineté économique des États-Unis ?
Adnane Benchakroun : Pas nécessairement. Je pense que Trump a compris que le statu quo était dangereux. Si les États-Unis continuent comme ça, le déficit commercial pourrait finir par affaiblir la crédibilité du dollar. On voit bien que la Chine tisse patiemment une toile monétaire et technologique alternative. Elle gagne du terrain, investit dans la R&D, et propose des systèmes de paiement innovants. Les États-Unis sont endettés à un point critique. Pour préserver leur souveraineté, ils doivent provoquer un électrochoc maintenant, au lieu d’attendre une chute irréversible. Mieux vaut souffrir aujourd’hui que s’effondrer demain. C’est peut-être cela, au fond, la vraie logique de Trump.
Merci infiniment, Adnane Benchakroun, pour vos éclairages clairs, nuancés et profondément ancrés dans les réalités économiques et géopolitiques du moment.
Ce que nous retenons de notre échange, c’est qu’au-delà des tweets présidentiels et des soubresauts boursiers, une véritable bataille d’équilibres est en cours : entre souveraineté et interdépendance, entre choc stratégique et chaos incontrôlé, entre ambitions nationales et mécanismes globaux.
Le monde ne vit pas seulement une crise financière, mais peut-être une reconfiguration du système commercial international, aux conséquences durables.
Il nous appartient désormais, en tant que citoyens, économistes, décideurs et observateurs, de ne pas céder à la panique, mais d’analyser, de comprendre, et surtout, de préparer les alternatives.
Merci encore pour votre présence et votre lucidité.
À très bientôt dans Économie en Débat pour de nouveaux regards sur l’actualité économique mondiale. Et surtout, restons vigilants. »
Le monde ne vit pas seulement une crise financière, mais peut-être une reconfiguration du système commercial international, aux conséquences durables.
Il nous appartient désormais, en tant que citoyens, économistes, décideurs et observateurs, de ne pas céder à la panique, mais d’analyser, de comprendre, et surtout, de préparer les alternatives.
Merci encore pour votre présence et votre lucidité.
À très bientôt dans Économie en Débat pour de nouveaux regards sur l’actualité économique mondiale. Et surtout, restons vigilants. »