A voir et à écouter avant de lire cet entretien :
Monsieur Benchakroun, selon les derniers chiffres du HCP, l’indice de confiance des ménages marocains reste faible, à 46,6 points, malgré une légère amélioration. En tant qu’économiste, comment interprétez-vous ce chiffre ? Faut-il y voir un simple retard psychologique face à la reprise ou le symptôme d’un mal plus profond dans notre société ?
Adnane Benchakroun, vice-président de l’Alliance des Économistes Istiqlaliens : Ce chiffre de 46,6 points, en soi, est plus qu’un indicateur conjoncturel : il est le reflet d’un climat social et économique durablement fracturé. Ce que je retiens d’abord, c’est qu’il ne s’agit pas simplement d’un retard d’ajustement entre les données macroéconomiques et le ressenti populaire, comme on l’entend parfois. Non, nous sommes face à une désynchronisation plus grave : le discours économique officiel ne parvient plus à convaincre les citoyens dans leur quotidien.
L’indice de confiance est construit sur sept dimensions, et aucune n’est aujourd’hui orientée vers une amélioration significative. Les ménages nous disent qu’ils ressentent un recul de leur niveau de vie, qu’ils redoutent le chômage, qu’ils n’osent plus acheter, qu’ils ne peuvent plus épargner. Ce n’est pas un détail. C’est un verrou psychologique et économique qui bloque la consommation, retarde l’investissement domestique et alimente un repli sur soi.
Il est donc urgent de ne plus lire cet indicateur comme un simple thermomètre, mais comme un sismographe. Ce qu’il enregistre, c’est un séisme lent, silencieux, celui d’une perte de confiance dans les promesses d’ascension sociale. On a affaire à une population qui ne conteste pas forcément, mais qui doute profondément. Une société qui s’adapte, oui, mais qui ne croit plus que ses efforts seront récompensés. Et cela, c’est la plus grande menace pour toute politique économique.
Il ne suffit pas de stimuler la croissance ou d’annoncer des plans. Il faut restaurer une visibilité, une crédibilité, une forme d’équité perçue. Il faut que le citoyen marocain se dise : "je peux espérer, je peux construire, je peux transmettre." Aujourd’hui, il se dit : "je dois tenir bon."
La reprise ne peut être qu’une addition de chiffres. Elle doit devenir une reconstruction du lien entre gouvernance économique et confiance populaire. Sinon, nous aurons des bilans positifs et des ventres vides. Des taux stables et des esprits inquiets. Et ça, c’est une contradiction qu’aucune réforme ne peut longtemps contenir.
Adnane Benchakroun, vice-président de l’Alliance des Économistes Istiqlaliens : Ce chiffre de 46,6 points, en soi, est plus qu’un indicateur conjoncturel : il est le reflet d’un climat social et économique durablement fracturé. Ce que je retiens d’abord, c’est qu’il ne s’agit pas simplement d’un retard d’ajustement entre les données macroéconomiques et le ressenti populaire, comme on l’entend parfois. Non, nous sommes face à une désynchronisation plus grave : le discours économique officiel ne parvient plus à convaincre les citoyens dans leur quotidien.
L’indice de confiance est construit sur sept dimensions, et aucune n’est aujourd’hui orientée vers une amélioration significative. Les ménages nous disent qu’ils ressentent un recul de leur niveau de vie, qu’ils redoutent le chômage, qu’ils n’osent plus acheter, qu’ils ne peuvent plus épargner. Ce n’est pas un détail. C’est un verrou psychologique et économique qui bloque la consommation, retarde l’investissement domestique et alimente un repli sur soi.
Il est donc urgent de ne plus lire cet indicateur comme un simple thermomètre, mais comme un sismographe. Ce qu’il enregistre, c’est un séisme lent, silencieux, celui d’une perte de confiance dans les promesses d’ascension sociale. On a affaire à une population qui ne conteste pas forcément, mais qui doute profondément. Une société qui s’adapte, oui, mais qui ne croit plus que ses efforts seront récompensés. Et cela, c’est la plus grande menace pour toute politique économique.
Il ne suffit pas de stimuler la croissance ou d’annoncer des plans. Il faut restaurer une visibilité, une crédibilité, une forme d’équité perçue. Il faut que le citoyen marocain se dise : "je peux espérer, je peux construire, je peux transmettre." Aujourd’hui, il se dit : "je dois tenir bon."
La reprise ne peut être qu’une addition de chiffres. Elle doit devenir une reconstruction du lien entre gouvernance économique et confiance populaire. Sinon, nous aurons des bilans positifs et des ventres vides. Des taux stables et des esprits inquiets. Et ça, c’est une contradiction qu’aucune réforme ne peut longtemps contenir.
Monsieur Benchakroun, d’après les derniers chiffres du HCP, 80 % des ménages marocains estiment que ce n’est pas le moment d’acheter des biens durables. Au-delà du simple repli conjoncturel, que révèle ce chiffre sur l’état réel du pouvoir d’achat des Marocains ? Sommes-nous face à une crise de consommation ou à une crise de confiance plus profonde ?
Adnane Benchakroun : Vous touchez ici à une réalité que trop peu d’analystes veulent affronter : la consommation est aujourd’hui perçue comme un risque, non comme un acte naturel de participation à l’économie. Ce chiffre — 80,1 % des ménages estimant que ce n’est pas le bon moment pour acheter un bien durable — est d’une portée immense. Il nous dit que la société marocaine entre dans un mode de gestion strictement défensif, où la dépense est perçue comme un danger potentiel, voire un luxe irresponsable.
Il est tentant d’expliquer cela uniquement par l’inflation, ou par l’attente d’une baisse des prix. Mais la vérité est plus profonde : les Marocains ne consomment plus parce qu’ils ne croient plus que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Ce n’est pas une stratégie économique, c’est un réflexe de protection psychologique. Quand on doute de ses revenus futurs, quand on sent que son emploi est fragile, quand on sait qu’un imprévu peut tout faire basculer — on renonce. Non pas par peur du gaspillage, mais par instinct de survie.
Or, cela a des conséquences en chaîne. Si la consommation se fige, c’est toute l’économie intérieure qui ralentit. Les commerçants vendent moins, les industriels réduisent leur production, les investissements se figent. Et cette inertie ne touche pas que les biens durables. Elle rejaillit sur l’alimentation, l’habillement, la mobilité, les loisirs, la santé… Bref, sur tout ce qui compose le tissu économique national.
Ce que je veux dire ici, c’est que nous ne pouvons pas relancer la consommation par des incitations superficielles, ou des campagnes marketing. La relance passera par une revalorisation réelle du pouvoir d’achat, mais aussi par une restauration de la confiance. Il faut rassurer les ménages. Il faut leur redonner des repères : un revenu stable, une épargne possible, des prix prévisibles, une protection sociale accessible.
Il ne suffit plus de parler croissance. Il faut parler sécurité économique ressentie. Sans cela, les Marocains continueront de vivre avec la main sur le frein, même quand le feu est vert. Et cette prudence, si elle devient chronique, deviendra une spirale de stagnation sociale, beaucoup plus difficile à briser que toute crise budgétaire.
Adnane Benchakroun : Vous touchez ici à une réalité que trop peu d’analystes veulent affronter : la consommation est aujourd’hui perçue comme un risque, non comme un acte naturel de participation à l’économie. Ce chiffre — 80,1 % des ménages estimant que ce n’est pas le bon moment pour acheter un bien durable — est d’une portée immense. Il nous dit que la société marocaine entre dans un mode de gestion strictement défensif, où la dépense est perçue comme un danger potentiel, voire un luxe irresponsable.
Il est tentant d’expliquer cela uniquement par l’inflation, ou par l’attente d’une baisse des prix. Mais la vérité est plus profonde : les Marocains ne consomment plus parce qu’ils ne croient plus que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Ce n’est pas une stratégie économique, c’est un réflexe de protection psychologique. Quand on doute de ses revenus futurs, quand on sent que son emploi est fragile, quand on sait qu’un imprévu peut tout faire basculer — on renonce. Non pas par peur du gaspillage, mais par instinct de survie.
Or, cela a des conséquences en chaîne. Si la consommation se fige, c’est toute l’économie intérieure qui ralentit. Les commerçants vendent moins, les industriels réduisent leur production, les investissements se figent. Et cette inertie ne touche pas que les biens durables. Elle rejaillit sur l’alimentation, l’habillement, la mobilité, les loisirs, la santé… Bref, sur tout ce qui compose le tissu économique national.
Ce que je veux dire ici, c’est que nous ne pouvons pas relancer la consommation par des incitations superficielles, ou des campagnes marketing. La relance passera par une revalorisation réelle du pouvoir d’achat, mais aussi par une restauration de la confiance. Il faut rassurer les ménages. Il faut leur redonner des repères : un revenu stable, une épargne possible, des prix prévisibles, une protection sociale accessible.
Il ne suffit plus de parler croissance. Il faut parler sécurité économique ressentie. Sans cela, les Marocains continueront de vivre avec la main sur le frein, même quand le feu est vert. Et cette prudence, si elle devient chronique, deviendra une spirale de stagnation sociale, beaucoup plus difficile à briser que toute crise budgétaire.
Monsieur Benchakroun, selon le HCP, près de 98 % des Marocains affirment que les prix alimentaires ont augmenté, et plus de 80 % s’attendent à une poursuite de cette hausse. Est-ce que nous assistons à une crise psychologique de l’inflation, ou bien cette perception reflète-t-elle une transformation structurelle de notre modèle économique et social ?
Adnane Benchakroun : Nous ne sommes plus dans l’épisode ponctuel d’une flambée de prix. Nous sommes dans l’installation durable d’un sentiment d’appauvrissement alimentaire, et cela doit alerter tous les décideurs économiques. L’inflation, ce n’est pas seulement une statistique. C’est une réalité qui s’imprime dans les têtes, dans les ventres, dans les comportements. Et aujourd’hui, ce que dit l’enquête du HCP, c’est que cette réalité est devenue universelle : le Marocain, du plus modeste au plus instruit, ressent que manger correctement devient chaque jour plus difficile.
L’inflation alimentaire touche une catégorie de dépenses qui ne peut pas être évitée. On peut retarder l’achat d’un frigo ou d’un vêtement. Pas celui du pain, de l’huile, du lait. Et lorsque ce qui est vital devient instable, c’est tout l’équilibre mental et social qui se fissure. L’acte d’achat alimentaire devient un stress. Une épreuve. Un calcul à faire chaque jour.
Ce qui me préoccupe profondément, ce n’est pas seulement la hausse des prix, c’est la normalisation de cette hausse. Quand 81,6 % des Marocains pensent que cela va continuer, cela veut dire qu’ils n’espèrent même plus un répit. On entre alors dans une spirale très dangereuse : les ménages se préparent à subir, et non plus à agir.
Et ce sentiment est d’autant plus inquiétant qu’il se transmet. Les enfants entendent leurs parents parler de hausse, de sacrifices. Cela génère une mémoire collective de privation, un rapport traumatique à l’alimentation, qui peut laisser des traces sur plusieurs générations.
Il y a aussi un effet économique direct : la consommation baisse, les substitutions se multiplient, la qualité recule. Le marché s’ajuste à la baisse. Cela fragilise l’agriculture, déstabilise les circuits de distribution, et étouffe les petits producteurs.
Ma conviction est la suivante : nous devons cesser de traiter l’inflation alimentaire comme un phénomène ponctuel et commencer à la traiter comme un enjeu national de cohésion sociale. Cela passe par une meilleure régulation des circuits, une vraie réforme des interprofessions, une politique claire sur les marges, et surtout — une transparence sur la formation des prix. Les Marocains ne supportent plus l’opacité. Ils acceptent parfois les hausses, mais pas le flou qui les entoure.
Si nous ne reprenons pas le contrôle politique et symbolique de ce dossier, l’alimentation, au lieu d’être un facteur d’unité, deviendra un terrain de ressentiment, de tension, voire de rupture. Et à ce moment-là, l’économie ne sera plus qu’un épiphénomène.
Adnane Benchakroun : Nous ne sommes plus dans l’épisode ponctuel d’une flambée de prix. Nous sommes dans l’installation durable d’un sentiment d’appauvrissement alimentaire, et cela doit alerter tous les décideurs économiques. L’inflation, ce n’est pas seulement une statistique. C’est une réalité qui s’imprime dans les têtes, dans les ventres, dans les comportements. Et aujourd’hui, ce que dit l’enquête du HCP, c’est que cette réalité est devenue universelle : le Marocain, du plus modeste au plus instruit, ressent que manger correctement devient chaque jour plus difficile.
L’inflation alimentaire touche une catégorie de dépenses qui ne peut pas être évitée. On peut retarder l’achat d’un frigo ou d’un vêtement. Pas celui du pain, de l’huile, du lait. Et lorsque ce qui est vital devient instable, c’est tout l’équilibre mental et social qui se fissure. L’acte d’achat alimentaire devient un stress. Une épreuve. Un calcul à faire chaque jour.
Ce qui me préoccupe profondément, ce n’est pas seulement la hausse des prix, c’est la normalisation de cette hausse. Quand 81,6 % des Marocains pensent que cela va continuer, cela veut dire qu’ils n’espèrent même plus un répit. On entre alors dans une spirale très dangereuse : les ménages se préparent à subir, et non plus à agir.
Et ce sentiment est d’autant plus inquiétant qu’il se transmet. Les enfants entendent leurs parents parler de hausse, de sacrifices. Cela génère une mémoire collective de privation, un rapport traumatique à l’alimentation, qui peut laisser des traces sur plusieurs générations.
Il y a aussi un effet économique direct : la consommation baisse, les substitutions se multiplient, la qualité recule. Le marché s’ajuste à la baisse. Cela fragilise l’agriculture, déstabilise les circuits de distribution, et étouffe les petits producteurs.
Ma conviction est la suivante : nous devons cesser de traiter l’inflation alimentaire comme un phénomène ponctuel et commencer à la traiter comme un enjeu national de cohésion sociale. Cela passe par une meilleure régulation des circuits, une vraie réforme des interprofessions, une politique claire sur les marges, et surtout — une transparence sur la formation des prix. Les Marocains ne supportent plus l’opacité. Ils acceptent parfois les hausses, mais pas le flou qui les entoure.
Si nous ne reprenons pas le contrôle politique et symbolique de ce dossier, l’alimentation, au lieu d’être un facteur d’unité, deviendra un terrain de ressentiment, de tension, voire de rupture. Et à ce moment-là, l’économie ne sera plus qu’un épiphénomène.
Monsieur Benchakroun, l’enquête du HCP révèle que seuls 2,2 % des Marocains arrivent à épargner, tandis que 42 % s’endettent ou puisent dans leurs réserves. Peut-on encore parler de classe moyenne dans un pays où l’épargne semble avoir disparu ? Sommes-nous à l’aube d’une crise de solvabilité des ménages ?
AB : l faut le dire avec clarté : la capacité d’épargne des ménages marocains s’effondre sous nos yeux, et avec elle, c’est toute une vision du progrès social qui vacille. Lorsque seuls 2,2 % des foyers parviennent à épargner — contre 88,8 % qui estiment ne pas pouvoir le faire dans les mois à venir — cela ne relève plus de la conjoncture, mais d’un décrochage structurel. Et ce phénomène n’est pas neutre. L’épargne n’est pas simplement une réserve financière. Elle est un indicateur de confiance, de projection, d’appartenance à une trajectoire sociale ascendante.
Sans épargne, il n’y a pas d’investissement familial, pas de prise de risque, pas de planification. Et surtout : pas de marge de manœuvre face à l’imprévu. Cela signifie que des millions de Marocains vivent désormais à découvert émotionnel, sans filet, sans protection. On ne vit pas dans la pauvreté extrême, mais on vit à la merci du moindre choc : une maladie, une réparation, une rentrée scolaire peuvent suffire à déséquilibrer un foyer.
L’autre chiffre majeur, c’est celui des 42 % de ménages qui s’endettent pour vivre. L’endettement de subsistance n’est pas une stratégie économique. C’est un cri d’alarme. Cela veut dire que la dépense quotidienne dépasse le revenu. Non pas pour consommer plus, mais pour maintenir un niveau de vie déjà contraint. Et cela crée une spirale : plus on s’endette, moins on épargne, plus on est vulnérable. Ce cercle vicieux détruit le tissu de résilience sociale.
La classe moyenne, dans cette configuration, n’est plus la force motrice de l’économie. Elle devient elle-même fragile, inquiète, exposée. Elle n’a plus la capacité d’absorber les chocs ni de soutenir la demande intérieure. Or, une classe moyenne affaiblie, c’est un pays en état de fragilité latente.
Que faire ? Il ne s’agit pas simplement d’augmenter les revenus. Il faut aussi repenser notre rapport à la dépense contrainte, au coût de la vie, à la fiscalité sur la consommation, à la protection contre les aléas de l’existence. Il faut restaurer des mécanismes qui permettent aux ménages de respirer : couverture santé, éducation publique gratuite et performante, régulation des loyers, plafonnement des taux d’intérêt sur le crédit à la consommation.
Enfin, il faut restaurer la confiance dans le fait que l’effort mène quelque part. L’épargne ne renaîtra que si les Marocains se disent : "ce que je mets de côté me permettra de construire, pas seulement de survivre". Nous sommes à un moment charnière où il ne s’agit plus seulement de chiffres, mais de dignité économique.
AB : l faut le dire avec clarté : la capacité d’épargne des ménages marocains s’effondre sous nos yeux, et avec elle, c’est toute une vision du progrès social qui vacille. Lorsque seuls 2,2 % des foyers parviennent à épargner — contre 88,8 % qui estiment ne pas pouvoir le faire dans les mois à venir — cela ne relève plus de la conjoncture, mais d’un décrochage structurel. Et ce phénomène n’est pas neutre. L’épargne n’est pas simplement une réserve financière. Elle est un indicateur de confiance, de projection, d’appartenance à une trajectoire sociale ascendante.
Sans épargne, il n’y a pas d’investissement familial, pas de prise de risque, pas de planification. Et surtout : pas de marge de manœuvre face à l’imprévu. Cela signifie que des millions de Marocains vivent désormais à découvert émotionnel, sans filet, sans protection. On ne vit pas dans la pauvreté extrême, mais on vit à la merci du moindre choc : une maladie, une réparation, une rentrée scolaire peuvent suffire à déséquilibrer un foyer.
L’autre chiffre majeur, c’est celui des 42 % de ménages qui s’endettent pour vivre. L’endettement de subsistance n’est pas une stratégie économique. C’est un cri d’alarme. Cela veut dire que la dépense quotidienne dépasse le revenu. Non pas pour consommer plus, mais pour maintenir un niveau de vie déjà contraint. Et cela crée une spirale : plus on s’endette, moins on épargne, plus on est vulnérable. Ce cercle vicieux détruit le tissu de résilience sociale.
La classe moyenne, dans cette configuration, n’est plus la force motrice de l’économie. Elle devient elle-même fragile, inquiète, exposée. Elle n’a plus la capacité d’absorber les chocs ni de soutenir la demande intérieure. Or, une classe moyenne affaiblie, c’est un pays en état de fragilité latente.
Que faire ? Il ne s’agit pas simplement d’augmenter les revenus. Il faut aussi repenser notre rapport à la dépense contrainte, au coût de la vie, à la fiscalité sur la consommation, à la protection contre les aléas de l’existence. Il faut restaurer des mécanismes qui permettent aux ménages de respirer : couverture santé, éducation publique gratuite et performante, régulation des loyers, plafonnement des taux d’intérêt sur le crédit à la consommation.
Enfin, il faut restaurer la confiance dans le fait que l’effort mène quelque part. L’épargne ne renaîtra que si les Marocains se disent : "ce que je mets de côté me permettra de construire, pas seulement de survivre". Nous sommes à un moment charnière où il ne s’agit plus seulement de chiffres, mais de dignité économique.
Monsieur , d’après les derniers chiffres du HCP, plus de 80 % des ménages marocains s’attendent à une hausse du chômage dans les prochains mois. Ce pessimisme semble persister malgré les politiques de soutien à l’emploi. Est-ce le signe d’un échec structurel dans la lutte contre le chômage ou d’une déconnexion entre les politiques publiques et les attentes de la population ?
Adnane Benchakroun : Je crois que cette question touche au cœur du problème. Car ce chiffre — 80,6 % des ménages anticipant une hausse du chômage — ne traduit pas simplement une situation de marché du travail tendue, il exprime une perte de confiance dans la capacité du système à créer de l’emploi stable, digne et accessible.
Depuis plusieurs années, les politiques de l’emploi se sont multipliées : programmes d’auto-entrepreneuriat, aides à l’embauche, formation professionnelle, encouragement de l’investissement. Mais la perception dominante reste négative. Pourquoi ? Parce que ce que vit le citoyen dans sa chair ne correspond pas à ce que racontent les indicateurs nationaux. Il voit des jeunes diplômés désœuvrés, des recrutements saisonniers, des stages sous-payés, du travail informel déguisé en entrepreneuriat.
Il faut dire les choses clairement : nous avons créé une économie à deux vitesses. Une première, institutionnelle, qui affiche des chiffres d’embauche, de création d’entreprise, de formation… Et une seconde, réelle, où l’emploi est incertain, précaire, mal payé, ou réservé à une minorité connectée aux bons réseaux.
Ce pessimisme massif des ménages ne vient pas de nulle part. Il est alimenté par des expériences concrètes : des candidatures sans réponse, des concours publics reportés, des entreprises qui recrutent sans déclarer, ou qui ferment du jour au lendemain. Le chômage n’est plus un accident. Il est perçu comme une condition permanente, un risque omniprésent que chacun doit intégrer dans sa stratégie de vie.
La réponse ne peut donc plus être simplement technocratique. Il faut repolitiser la question de l’emploi, en faire un enjeu de dignité nationale. Cela commence par : garantir un minimum de protection sociale, même pour les non-salariés ; revoir nos priorités sectorielles pour miser sur des activités à fort potentiel d’emploi ; et surtout, mettre fin au divorce entre qualification et insertion professionnelle. Un diplôme ne doit plus être une promesse vide.
L’emploi, ce n’est pas seulement une question de chiffres. C’est une condition de stabilité sociale, de cohésion générationnelle, de confiance dans l’avenir. Si nous laissons le sentiment de désespoir s’installer, nous risquons de créer une génération qui ne croit plus à l’effort. Et dans un pays jeune comme le Maroc, ce serait une perte immense — sociale, économique et humaine.
Adnane Benchakroun : Je crois que cette question touche au cœur du problème. Car ce chiffre — 80,6 % des ménages anticipant une hausse du chômage — ne traduit pas simplement une situation de marché du travail tendue, il exprime une perte de confiance dans la capacité du système à créer de l’emploi stable, digne et accessible.
Depuis plusieurs années, les politiques de l’emploi se sont multipliées : programmes d’auto-entrepreneuriat, aides à l’embauche, formation professionnelle, encouragement de l’investissement. Mais la perception dominante reste négative. Pourquoi ? Parce que ce que vit le citoyen dans sa chair ne correspond pas à ce que racontent les indicateurs nationaux. Il voit des jeunes diplômés désœuvrés, des recrutements saisonniers, des stages sous-payés, du travail informel déguisé en entrepreneuriat.
Il faut dire les choses clairement : nous avons créé une économie à deux vitesses. Une première, institutionnelle, qui affiche des chiffres d’embauche, de création d’entreprise, de formation… Et une seconde, réelle, où l’emploi est incertain, précaire, mal payé, ou réservé à une minorité connectée aux bons réseaux.
Ce pessimisme massif des ménages ne vient pas de nulle part. Il est alimenté par des expériences concrètes : des candidatures sans réponse, des concours publics reportés, des entreprises qui recrutent sans déclarer, ou qui ferment du jour au lendemain. Le chômage n’est plus un accident. Il est perçu comme une condition permanente, un risque omniprésent que chacun doit intégrer dans sa stratégie de vie.
La réponse ne peut donc plus être simplement technocratique. Il faut repolitiser la question de l’emploi, en faire un enjeu de dignité nationale. Cela commence par : garantir un minimum de protection sociale, même pour les non-salariés ; revoir nos priorités sectorielles pour miser sur des activités à fort potentiel d’emploi ; et surtout, mettre fin au divorce entre qualification et insertion professionnelle. Un diplôme ne doit plus être une promesse vide.
L’emploi, ce n’est pas seulement une question de chiffres. C’est une condition de stabilité sociale, de cohésion générationnelle, de confiance dans l’avenir. Si nous laissons le sentiment de désespoir s’installer, nous risquons de créer une génération qui ne croit plus à l’effort. Et dans un pays jeune comme le Maroc, ce serait une perte immense — sociale, économique et humaine.
Monsieur Benchakroun, les chiffres du HCP révèlent une stagnation du moral des ménages, avec un indice de confiance bloqué à 46,6 points. Beaucoup de Marocains semblent aujourd’hui en mode « survie », sans réelle projection dans l’avenir. Est-ce selon vous une crise passagère ou le signe d’un affaissement plus profond de la capacité à se projeter collectivement dans l’avenir ?
A.B : Nous vivons un moment très particulier. Ce que disent les chiffres du HCP n’est pas seulement que les ménages consomment moins, ou qu’ils n’épargnent plus. Ils nous disent quelque chose de bien plus inquiétant : le Marocain moyen ne parvient plus à se projeter. Le seuil symbolique des 50 points n’est toujours pas atteint, et cela, trimestre après trimestre, signifie que la confiance populaire ne revient pas. C’est donc un signal politique autant qu’économique.
Il ne s’agit pas d’un effondrement visible, mais d’un affaissement progressif. On ne parle pas ici de colère sociale, mais de résignation silencieuse. Le Marocain ne se rebelle pas, il se replie. Il diffère ses projets, renonce à ses ambitions, s’adapte avec dignité — mais sans enthousiasme. C’est cela qui est préoccupant.
Nous avons basculé dans ce que j’appelle une « économie de l’attente ». Les gens attendent : une baisse des prix, une hausse de salaires, un emploi stable, une opportunité… mais ils n’y croient plus vraiment. Ce décalage entre les politiques publiques et la perception sociale crée une atmosphère pesante. Ce n’est pas une crise aiguë. C’est une fatigue collective, une lassitude sociale.
Les ménages ne vivent pas tous dans la misère, mais ils vivent sous tension permanente. Le moindre imprévu devient une crise. Cette précarité diffuse ronge l’énergie du pays. Et quand cette énergie manque, tout ralentit : l’investissement, la consommation, la mobilité sociale, la créativité.
Nous devons impérativement sortir de cette stagnation morale. Cela ne passera pas seulement par des plans économiques ou des chantiers. Il faut redonner un cap collectif, faire émerger un récit d’espoir crédible, réenchanter l’idée de progrès. Les Marocains ne demandent pas des miracles, ils demandent une visibilité, un horizon, une preuve que l’effort d’aujourd’hui pourra se transformer en amélioration demain.
Nous avons besoin d’une politique de la confiance, au même titre que nous avons une politique budgétaire ou monétaire. Il faut réconcilier les chiffres et les émotions. Parce que sans foi en l’avenir, même les meilleures réformes resteront sans écho dans les foyers. Et cela, aucun modèle ne peut le compenser.
A.B : Nous vivons un moment très particulier. Ce que disent les chiffres du HCP n’est pas seulement que les ménages consomment moins, ou qu’ils n’épargnent plus. Ils nous disent quelque chose de bien plus inquiétant : le Marocain moyen ne parvient plus à se projeter. Le seuil symbolique des 50 points n’est toujours pas atteint, et cela, trimestre après trimestre, signifie que la confiance populaire ne revient pas. C’est donc un signal politique autant qu’économique.
Il ne s’agit pas d’un effondrement visible, mais d’un affaissement progressif. On ne parle pas ici de colère sociale, mais de résignation silencieuse. Le Marocain ne se rebelle pas, il se replie. Il diffère ses projets, renonce à ses ambitions, s’adapte avec dignité — mais sans enthousiasme. C’est cela qui est préoccupant.
Nous avons basculé dans ce que j’appelle une « économie de l’attente ». Les gens attendent : une baisse des prix, une hausse de salaires, un emploi stable, une opportunité… mais ils n’y croient plus vraiment. Ce décalage entre les politiques publiques et la perception sociale crée une atmosphère pesante. Ce n’est pas une crise aiguë. C’est une fatigue collective, une lassitude sociale.
Les ménages ne vivent pas tous dans la misère, mais ils vivent sous tension permanente. Le moindre imprévu devient une crise. Cette précarité diffuse ronge l’énergie du pays. Et quand cette énergie manque, tout ralentit : l’investissement, la consommation, la mobilité sociale, la créativité.
Nous devons impérativement sortir de cette stagnation morale. Cela ne passera pas seulement par des plans économiques ou des chantiers. Il faut redonner un cap collectif, faire émerger un récit d’espoir crédible, réenchanter l’idée de progrès. Les Marocains ne demandent pas des miracles, ils demandent une visibilité, un horizon, une preuve que l’effort d’aujourd’hui pourra se transformer en amélioration demain.
Nous avons besoin d’une politique de la confiance, au même titre que nous avons une politique budgétaire ou monétaire. Il faut réconcilier les chiffres et les émotions. Parce que sans foi en l’avenir, même les meilleures réformes resteront sans écho dans les foyers. Et cela, aucun modèle ne peut le compenser.
Monsieur , on observe aujourd’hui un phénomène inquiétant : les jeunes Marocains semblent se désengager de l’économie réelle. Ils consomment peu, n’épargnent pas, doutent de l’emploi, et s’éloignent même de toute projection sociale. Faut-il voir dans cette génération une simple prudence face à la crise ou un véritable décrochage générationnel ?
Adnane Benchakroun : Ce que vous décrivez n’est pas une simple prudence, c’est un signal fort d’alerte. Nous sommes en train d’assister à un décrochage silencieux de la jeunesse marocaine, qui n’est ni résignée, ni apathique, mais profondément désillusionnée. Cette jeunesse ne rejette pas l’économie — elle constate simplement qu’elle n’y trouve plus sa place.
Quand on voit que les jeunes consomment peu, épargnent moins encore, et redoutent l’avenir professionnel, ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas participer au système. C’est parce qu’ils ont perdu foi en sa promesse. Un diplôme ne garantit plus un emploi. Un emploi ne garantit plus un logement. Un logement ne garantit plus une stabilité familiale. Tout est devenu conditionnel. Et dans ce climat, les jeunes s’adaptent à leur manière : en se protégeant.
Nous parlons ici d’une génération hautement éduquée, connectée, informée, mais émotionnellement décrochée. Elle vit dans un temps court. Elle doute des trajectoires linéaires. Elle adopte des comportements prudents, presque frugaux, non par choix idéologique, mais par instinct de survie.
Le plus grave n’est pas leur faible consommation. Le plus grave, c’est l’effritement de leur confiance sociale. Ils ne croient plus à la méritocratie. Ils ne croient plus que leur voix pèse. Certains partent, d’autres se replient, beaucoup observent. Et ce repli est un danger immense, car une société sans jeunesse engagée est une société sans avenir.
La responsabilité est collective. L’école, l’université, les politiques publiques, les entreprises… tous doivent participer à la reconstruction du lien de confiance entre la jeunesse et la société. Il ne suffit pas de leur parler d’ambition ou de croissance. Il faut leur offrir des preuves concrètes que leur place est reconnue, leur avenir pris en compte, leur voix entendue.
L’économie n’est pas qu’une affaire de courbes. C’est une affaire d’adhésion. Et si nous voulons éviter que cette génération ne devienne une génération suspendue, voire perdue, nous devons lui donner de vraies raisons d’y croire. Pas dans dix ans. Maintenant.
Adnane Benchakroun : Ce que vous décrivez n’est pas une simple prudence, c’est un signal fort d’alerte. Nous sommes en train d’assister à un décrochage silencieux de la jeunesse marocaine, qui n’est ni résignée, ni apathique, mais profondément désillusionnée. Cette jeunesse ne rejette pas l’économie — elle constate simplement qu’elle n’y trouve plus sa place.
Quand on voit que les jeunes consomment peu, épargnent moins encore, et redoutent l’avenir professionnel, ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas participer au système. C’est parce qu’ils ont perdu foi en sa promesse. Un diplôme ne garantit plus un emploi. Un emploi ne garantit plus un logement. Un logement ne garantit plus une stabilité familiale. Tout est devenu conditionnel. Et dans ce climat, les jeunes s’adaptent à leur manière : en se protégeant.
Nous parlons ici d’une génération hautement éduquée, connectée, informée, mais émotionnellement décrochée. Elle vit dans un temps court. Elle doute des trajectoires linéaires. Elle adopte des comportements prudents, presque frugaux, non par choix idéologique, mais par instinct de survie.
Le plus grave n’est pas leur faible consommation. Le plus grave, c’est l’effritement de leur confiance sociale. Ils ne croient plus à la méritocratie. Ils ne croient plus que leur voix pèse. Certains partent, d’autres se replient, beaucoup observent. Et ce repli est un danger immense, car une société sans jeunesse engagée est une société sans avenir.
La responsabilité est collective. L’école, l’université, les politiques publiques, les entreprises… tous doivent participer à la reconstruction du lien de confiance entre la jeunesse et la société. Il ne suffit pas de leur parler d’ambition ou de croissance. Il faut leur offrir des preuves concrètes que leur place est reconnue, leur avenir pris en compte, leur voix entendue.
L’économie n’est pas qu’une affaire de courbes. C’est une affaire d’adhésion. Et si nous voulons éviter que cette génération ne devienne une génération suspendue, voire perdue, nous devons lui donner de vraies raisons d’y croire. Pas dans dix ans. Maintenant.
Monsieur Benchakroun, les résultats de l’enquête de conjoncture du HCP pour le T1 2025 sont particulièrement inquiétants. Tous les indicateurs sont dans le rouge : consommation, confiance, épargne, emploi. Peut-on encore considérer ces chiffres comme de simples données statistiques, ou devons-nous les lire comme un signal d’alerte majeur sur l’état social du pays ?
Adnane Benchakroun : Pour moi, cette enquête n’est pas un rapport technique. C’est un document politique, au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire un miroir fidèle de la santé morale et sociale du pays. Quand tous les indicateurs — absolument tous — sont orientés négativement, il ne s’agit plus d’un ralentissement ou d’une turbulence. Il s’agit d’un état de malaise systémique.
Le HCP nous donne ici un tableau clinique d’une société qui tient debout, mais à bout de souffle. Le niveau de vie est perçu comme dégradé par plus de 80 % des ménages. L’épargne a disparu. L’endettement explose. La consommation est suspendue. L’emploi est redouté. Et pourtant, il n’y a pas d’effondrement spectaculaire. Il y a une forme de résignation collective, un sentiment que rien ne change, que l’effort ne paie pas, que l’État regarde ailleurs ou agit trop lentement.
Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette banalisation du découragement. Nous avons normalisé l’idée que les Marocains doivent "tenir bon", "se débrouiller", "attendre". Mais un pays ne peut pas avancer durablement si la majorité de sa population vit dans l’autoprotection permanente. Quand le repli devient la norme, quand les projets disparaissent, quand l’aspiration est remplacée par la survie, alors ce ne sont plus des chiffres. Ce sont des signaux faibles d’une fracture sociale profonde.
Ce que révèle cette enquête, c’est que la croissance économique, seule, ne suffit plus. Les Marocains ne veulent pas seulement des chiffres rassurants, ils veulent du concret dans leur quotidien : du travail digne, une couverture sociale qui fonctionne, un panier qui ne se vide pas, une école publique qui ne désespère pas, une mobilité réelle.
Il est temps que ces enquêtes de conjoncture soient lues à la hauteur de ce qu’elles expriment. Elles ne sont pas des exercices statistiques destinés aux experts. Ce sont des baromètres de dignité sociale. Et à travers ces courbes, ce que nous voyons, c’est un peuple qui demande à être écouté, reconnu, accompagné.
Il faut que les décideurs relient ces chiffres à des actes. Il faut que le monde politique, économique et administratif prenne conscience que ces données ne sont pas neutres. Ce sont des signaux d’alarme, et tout signal d’alarme qu’on ignore finit tôt ou tard par devenir une crise ouverte.
Adnane Benchakroun : Pour moi, cette enquête n’est pas un rapport technique. C’est un document politique, au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire un miroir fidèle de la santé morale et sociale du pays. Quand tous les indicateurs — absolument tous — sont orientés négativement, il ne s’agit plus d’un ralentissement ou d’une turbulence. Il s’agit d’un état de malaise systémique.
Le HCP nous donne ici un tableau clinique d’une société qui tient debout, mais à bout de souffle. Le niveau de vie est perçu comme dégradé par plus de 80 % des ménages. L’épargne a disparu. L’endettement explose. La consommation est suspendue. L’emploi est redouté. Et pourtant, il n’y a pas d’effondrement spectaculaire. Il y a une forme de résignation collective, un sentiment que rien ne change, que l’effort ne paie pas, que l’État regarde ailleurs ou agit trop lentement.
Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette banalisation du découragement. Nous avons normalisé l’idée que les Marocains doivent "tenir bon", "se débrouiller", "attendre". Mais un pays ne peut pas avancer durablement si la majorité de sa population vit dans l’autoprotection permanente. Quand le repli devient la norme, quand les projets disparaissent, quand l’aspiration est remplacée par la survie, alors ce ne sont plus des chiffres. Ce sont des signaux faibles d’une fracture sociale profonde.
Ce que révèle cette enquête, c’est que la croissance économique, seule, ne suffit plus. Les Marocains ne veulent pas seulement des chiffres rassurants, ils veulent du concret dans leur quotidien : du travail digne, une couverture sociale qui fonctionne, un panier qui ne se vide pas, une école publique qui ne désespère pas, une mobilité réelle.
Il est temps que ces enquêtes de conjoncture soient lues à la hauteur de ce qu’elles expriment. Elles ne sont pas des exercices statistiques destinés aux experts. Ce sont des baromètres de dignité sociale. Et à travers ces courbes, ce que nous voyons, c’est un peuple qui demande à être écouté, reconnu, accompagné.
Il faut que les décideurs relient ces chiffres à des actes. Il faut que le monde politique, économique et administratif prenne conscience que ces données ne sont pas neutres. Ce sont des signaux d’alarme, et tout signal d’alarme qu’on ignore finit tôt ou tard par devenir une crise ouverte.
Merci à vous, Monsieur Benchakroun, pour cet échange d’une rare densité, où l’analyse économique s’est mêlée à une véritable écoute du terrain. Votre lecture nuancée, exigeante et profondément humaniste des chiffres du HCP nous rappelle que derrière les statistiques se cachent toujours des visages, des parcours, des espoirs suspendus.
À l’heure où la relance ne peut se penser sans confiance, vos mots résonnent comme un appel à réconcilier les politiques publiques avec le vécu quotidien des Marocains. Au nom de toute l’équipe de L’ODJ Média, nous vous remercions chaleureusement pour votre lucidité et votre engagement constant au service du débat national.
À l’heure où la relance ne peut se penser sans confiance, vos mots résonnent comme un appel à réconcilier les politiques publiques avec le vécu quotidien des Marocains. Au nom de toute l’équipe de L’ODJ Média, nous vous remercions chaleureusement pour votre lucidité et votre engagement constant au service du débat national.