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Et si la Russie gagnait la guerre ?


Rédigé par le Dimanche 24 Avril 2022

L’opération militaire russe en Ukraine est entrée dans une nouvelle phase. C’est l’assaut final pour le contrôle total du Donbass. Les sanctions décrétées par les pays occidentaux contre Moscou se portent, par contre, moins bien. L’UE vient d’autoriser le paiement du gaz russe en roubles.



Et si la Russie gagnait la guerre ?
A quoi va ressembler le monde si la Russie venait à remporter le conflit qui l’oppose aux Etats-Unis et à l’Otan, par Ukraine interposée ?

C’est une question à laquelle tous les gouvernements des pays non-occidentaux devraient sérieusement songer, puisque, de toute évidence, c’est ce qui va finir par se produire.

Bien sûr, les médias occidentaux persévèrent dans leurs propagande antirusse jusqu’à la nausée, sans se rendre compte que leurs « psyops » (opérations psychologiques) sont devenues sans grands effets sur les opinions publiques des pays non-occidentaux.

Inquiétant antécédent

Les élites de ces derniers commencent surtout à se demander ce qu’il adviendra de leurs avoirs en dans les pays occidentaux, si ces derniers venaient à déclarer leur état paria.

Quant même une puissance comme la Russie peut voir ses fonds gelés et empêchée de rembourser les échéances de ces dettes, c’est que le système financier occidental n’est sûrement plus le dépositaire de confiance qu’il a longtemps été.

C’est d’ailleurs là le sujet de toutes les inquiétudes. Qu’adviendra-t-il quand l’UE va se retrouver au pied du mur, avec des coûts de l’énergie qui réduisent à néant la compétitivité de son appareil productif et une pénurie des matières premières importées de Russie pour l’alimenter ?

Pire encore, qu’en sera-t-il des économies liées à celle de l’UE quand l’euro n’aura pas plus de valeur qu’un bout de papier avec de jolis motifs imprimés dessus ?

Monopsone imaginaire

Impossible ? C’est, malheureusement, ce qu’on cru la majorité des décideurs des pays de la zone euro, à l’exception de la Hongrie.

Le tort de ces derniers est de s’être imaginé que l’UE est un monopsone (le contraire d’un monopole), capable de dicter ses règles à ses fournisseurs.

C’était vite oublier que les très dynamiques économies asiatiques sont des consommateurs tellement avides de matières premières, pour alimenter leurs industries, qu’ils seraient même prêts à les payer plus chères que les pays occidentaux.

Le facteur asiatique

Et si la Russie gagnait la guerre ?
Ce seul facteur asiatique implique déjà deux enchaînements décisifs. D’une part, la Russie ne s’est pas retrouvée à cours de débouchés, suite aux sanctions occidentales, une réorientation des flux des échanges vers les marchés asiatiques, même si elle va prendre quelques temps, est d’ores et déjà entamée.

Les russophobes ont toujours soutenu que les Russes ne sont pas des européens, en raison du sang asiatique qui coule dans leurs veines.

Après avoir longtemps cherché à séduire l’Occident, les efforts d’européanisation des Russes par le tsar Pierre le grand étant même caricaturaux à ce sujet, les voilà donc effectivement convaincus que leur avenir se trouve en effet à l’Est et tournent le dos à l’Occident.

Ce virage à l’Est est une véritable révolution culturelle, de dimension historique, théorisé depuis quelques années par le géopoliticien russe Alexandre Douguine, dont on dit qu’il a l’oreille du maître du Kremlin.


Une balle dans le pied

Toujours est-il que les Occidentaux voient ainsi tomber à l’eau leur plan consistant à créer une grave crise économique en Russie, qui devait entraîner des troubles sociaux et déboucher, au bout du compte, sur un changement de régime à Moscou.

La décision des deux géants asiatiques, la Chine et l’Inde, de commercer avec la Russie dans leurs propres monnaies, plutôt qu’en dollar ou en euro, est un autre coup sévère porté à au système financier international, tel que structuré par les puissances occidentales.

La portée de cette démarche a été encore plus élargie par la décision de la Russie de vendre son gaz naturel uniquement en roubles.

Sachant que le dollar et l’euro sont des monnaies fiduciaires, dont la force repose sur toutes les transactions commerciales internationales effectuées dans ces monnaies, moins de contrats seront libellés dans lesdites monnaies, moins bien elles vont se porter.

Pour une poignée de roubles

D’ores et déjà, les importateurs européens de gaz russe se demandent ou est-ce qu’ils vont trouver des roubles. Qui veut acheter mes euros contre des roubles ? Personne en Russie ! Que vont faire des opérateurs économiques russes d’euros ou de dollars, du fait des sanctions occidentales ?

La question désormais posée par les Russes, inattendue de la part des Européens, est : qu’est-ce que vous avez à échanger contre nos roubles, si vous voulez acheter notre gaz ? Pas votre monnaie, en tout cas, puisqu’elle ne nous est d’aucune utilité. Vous avez de l’or ? Physique, bien sûr. Ou alors des technologies…

Le pari des décideurs européens sur la chute du régime de Poutine, qui mettrait au pouvoir à Moscou un Eltsine-bis prêt à ouvrir grandes les vannes du gaz et même accorder des remises, dans l’ambition de se faire délivrer un certificat occidental de bonne conduite, ne peut toutefois durer au-delà de la prochaine saison froide.

Ça ne gaze plus pour l’Ue

Et si la Russie gagnait la guerre ?
Car, faute de remplir les réserves de gaz, se seront les décideurs européens qui auront à affronter des foules en colère, incapables de payer les factures brûlantes d’énergie pour se réchauffer en hiver et terrassées par une courbe de l’inflation qui perce le plafond.

Poutine n’aurait même pas à envoyer ses Tchétchènes conquérir les villes européennes rues après rues. Ce sont les Européens qui iront le supplier de leur fournir du gaz, que les Etats-Unis, le Qatar et la Norvège réunis ne produisent pas en quantité suffisante pour couvrir, à court terme, les besoins des pays de l’UE.

Azovstal, l’antichambre de l’enfer

Les dernières nouvelles du front font état de la prise de la ville de Marioupol, à l’exception du complexe industriel d’Azovstal, ou sont assiégés quelques 4.000 combattants, ukrainiens, volontaires bandéristes du régiment Azov et mercenaires étrangers.

Décision a été prise par l’état-major russe de les laisser mourir de faim et de soif, tout en continuant à les marteler à l’artillerie et aux bombes gravitationnelles jusqu’à ce qu’ils craquent et se rendent.

Kiev semblent ne point se soucier de leur sort, puisqu’ordre leur a été donné de se battre jusqu’au bout. C'est-à-dire, jusqu’à la mort, même si un tel sacrifice n’a aucune justification tactique ou stratégique.

De toute évidence, les informations diffusées par les médias occidentaux sur une armée russe mise en déroute par les courageux résistants ukrainiens, sur les soldats russes fatigués, démoralisés et des pénuries de nourriture, de carburant et de munitions sont totalement erronées.

Le chaudron du Donbass

La phase 2 de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine vise à enfermer dans un chaudron le gros des forces ukrainiennes, leurs meilleures troupes, quelques 80.000 hommes dans le Donbass ou ils sont bien enterrées, mais coupés de leurs lignes d’approvisionnement et incapables de mouvement.

Ils sont toujours capables de mener quelques actions tactiques mais sont privés de capacités opérationnelles.

Ce que les experts militaires occidentaux ont qualifié de retard pris par l’armée russe dans ses opérations en Ukraine est, en fait, une décision mûrement réfléchie d’attendre la fin des pluies, puisqu’il est difficile aux bataillons groupements tactiques russes de se déplacer en terrains boueux.

Les blindés chenillés peuvent s’en sortir, mais pas les véhicules à roues, qui assurent le soutien logistique.

Il était une fois… l’Occident

Et si la Russie gagnait la guerre ?
Les stocks d’armes envoyés par les pays de l’Otan à l’armée ukrainienne sont, d’autre part, souvent bombardés par l’aviation russe, alors que leurs industries ne semblent pas en capacité de soutenir la cadence.

Les soldats ukrainiens ont bien fait preuve de courage et de combativité, mais ne peuvent faire face à la puissance militaire russe.

Quand aux décideurs occidentaux, c’est leur stupidité qui va non seulement entraîner l’échec de leur stratégie envers la Russie, mais aussi l’effondrement de tout le système financier, militaire et politique sur lequel l’Occident fondait son hégémonie.

L’aboutissement de ce conflit, considéré comme une existentiel par les deux camps opposés, ne saurait être que très douloureux pour l’ensemble de l’humanité.

Un tournant historique

Être le témoin privilégié de la fin d’une époque, celle de l’Occident dominant, et le début de la nouvelle ère multipolaire est intellectuellement saisissant, mais en subir les conséquences en termes d’hyperinflation et de pénuries est sûrement beaucoup moins agréable.

D’ailleurs, pour vos dons de soutien à l’auteur, c’est uniquement en roubles ou en yuans, svp. Les dollars et euros, c’est niet !




Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 24 Avril 2022