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Femmes dans les conseils : un impératif stratégique pour l’État actionnaire


le Mardi 15 Juillet 2025



Femmes dans les conseils : un impératif stratégique pour l’État actionnaire
Le Maroc place enfin la question de la parité au cœur de la gouvernance des entreprises publiques. Mais entre les intentions affichées et la réalité du terrain, le chemin est encore long.
C’est une révolution discrète, mais essentielle.

À l’ère où la diversité est devenue un marqueur de performance, l’État marocain a décidé de placer la parité femmes-hommes au cœur de sa stratégie de gouvernance des entreprises publiques. Cette volonté, formalisée dans la Politique Actionnariale de l’État adoptée en 2024, s’incarne par une série de mesures concrètes destinées à renforcer la présence des femmes dans les conseils d’administration des établissements et entreprises publics (EEP).

Il ne s’agit pas simplement d’un choix éthique ou cosmétique. L’inclusion des femmes dans les organes de gouvernance est désormais perçue comme un levier stratégique de transformation, de performance et de modernisation.

​Un constat de départ accablant

Malgré les engagements internationaux et les discours volontaristes, les femmes restent largement sous-représentées dans les sphères décisionnelles des entreprises publiques marocaines. Selon les données consolidées dans le rapport 2023-2024 de l’ Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l'Etat (ANGSPE), la part des femmes dans les conseils d’administration des EEP est inférieure à 20%, avec de fortes disparités selon les secteurs.

Ce déséquilibre est d’autant plus flagrant que de nombreuses femmes marocaines disposent de profils solides, d’expériences managériales riches, et de parcours académiques brillants. Le plafond de verre n’est donc pas une question de compétence, mais bien de verrouillage structurel.

​Un engagement politique assumé

Face à ce constat, l’État actionnaire adopte une posture nouvelle : celle de la contrainte bienveillante. Dans la nouvelle doctrine, chaque conseil d’administration devra intégrer au moins une femme, avec un objectif de convergence vers la parité à moyen terme. Cette règle concerne aussi bien les entités nouvellement créées que celles faisant l’objet de réformes de gouvernance.

L’ANGSPE met également en place un vivier national de compétences féminines, recensant des profils éligibles aux postes d’administrateurs, en partenariat avec les universités, les grandes écoles, les associations professionnelles et les anciens cadres du public et du privé.

Des programmes de formation ciblée pour femmes administratrices seront déployés, afin de renforcer leur préparation aux exigences stratégiques, financières, juridiques et éthiques des fonctions de gouvernance.

​Pourquoi la parité est une stratégie, pas une faveur

Les études internationales sont formelles : la diversité dans les conseils d’administration améliore la qualité des délibérations, réduit le risque de décisions biaisées, et favorise une meilleure prise en compte des enjeux sociaux, environnementaux et humains.

Dans les EEP marocains, qui gèrent des biens publics, des services essentiels et des ressources collectives, intégrer la voix des femmes, c’est enrichir la lecture des priorités nationales. C’est aussi envoyer un signal fort de modernité et de crédibilité aux partenaires internationaux, aux investisseurs et à la société civile.

Loin d’être une mesure symbolique, la féminisation des conseils est donc un pilier de performance globale et de légitimité.

​Un changement qui doit s’accompagner

Mais la parité ne peut pas être décrétée depuis Rabat. Pour que cette transformation soit durable, elle devra s’accompagner de changements profonds dans les mentalités, dans les modes de nomination, et dans les pratiques institutionnelles.

Il faudra que les ministères de tutelle jouent le jeu, que les PDG sortent des cercles habituels de recrutement, que les candidatures féminines soient systématiquement examinées à compétences égales, et que l’évaluation des conseils tienne compte de leur diversité effective.

L’ANGSPE prévoit, à cet effet, un suivi annuel des indicateurs de parité, publié de manière transparente, et intégré aux critères d’évaluation de la gouvernance.

​Vers une nouvelle génération d’administratrices

Cette dynamique ouvre une opportunité historique pour une nouvelle génération de femmes marocaines : juristes, économistes, ingénieures, entrepreneures, expertes en climat, en finances, en innovation… Leurs compétences sont là, prêtes à irriguer la gouvernance publique de leurs expériences et de leurs convictions.

L’État a lancé le mouvement. Il appartient désormais à tous les acteurs de la chaîne, qu’il s’agisse des institutions, des entreprises, des réseaux féminins ou des médias, de créer un écosystème propice à l’émergence de figures féminines fortes dans la gouvernance publique.

Car une chose est claire : sans femmes à la table, la réforme de l’État actionnaire restera incomplète.




Mardi 15 Juillet 2025