Les clubs et la Fédération ne sont aucunement responsables dans cette situation alarmante, mais leur silence est lourd et peut engendrer des conséquences fâcheuses pour l'ensemble du pays, hors football.
Malgré les condamnations officielles des violences, une relation parfois tacite et passive persiste entre certains groupes radicaux de supporters et les clubs souvent impuissants, peut être inconscient de la profondeur de la problématique. Ils en deviennent souvent victimes. Leur rôle d'encadrement des fans étant loin de ce qu'il est supposé être.
La ferveur spectaculaire qui remplit les stades et captive les médias certes, nourrit hélas également un engrenage de violence difficilement contrôlable. Des études montrent que les supporters violents sont souvent des jeunes issus de milieux socio-économiques modestes, principalement âgés de 18 à 34 ans. Beaucoup n'ont d'exutoire que le stade et d'identité que celle du club qu'ils supportent. Ils créent à chaque occasion une atmosphère où la passion se mêle dangereusement à la transgression.
Pour une lutte crédible contre ce type de violence, une rupture claire est nécessaire : le football marocain doit se désolidariser totalement des groupes violents, en refusant tout chant symbolique ou organisationnel. La persistance d'une complicité indirecte compromet les efforts déployés et retarde la mise en place d'une véritable politique contre Achaghab.
Force est de relever aussi le rôle ambivalent des médias en particulier quand ils, jouent un rôle ambivalent. Ils couvrent abondamment les manifestations "spectaculaires" dans les tribunes :
Une couverture responsable devrait privilégier la valorisation du jeu, des initiatives éducatives, citoyennes, et des efforts des joueurs et entraîneurs plutôt que la mise en avant d'une spirale de violence. Ce changement d'angle médiatique est indispensable pour déconstruire le mythe selon lequel la violence appartient intrinsèquement au football, Ce n'est point vrai. Les exemples ne manquent pas. Il s'agit donc de déconstruire le mythe de la passion violente.
Nombreux sont ceux qui justifient la violence dans les stades comme étant le revers inévitable de la ferveur populaire. Ce fatalisme est trompeur et dangereux. De grands championnats, à travers des politiques strictes et des investissements dans la sécurité et l'éducation sportive, ont réussi à encadrer et réduire drastiquement ces comportements.
Le Maroc n'y échappea pas. Tôt ou tard il va falloir changer de cap. Mieux vaut tôt que tard. La violence est un problème social qu'il faut combattre avec détermination et non l'accepter comme une fatalité. Il ne s'agit pas de promulguer des lois, mais de les mettre en application, mais surtout de les accompagner de politiques et de programmes éducatifs et de dissuasion dans le cadre d'une responsabilité collective à assumer.
La lutte contre la violence dans les stades ne peut être réduite à la seule action des forces de l'ordre.
- Les clubs et la FRMF doivent clairement rompre avec les groupes violents et s'en désolidariser, mettant en place des sanctions strictes et des mesures pour protéger les stades.
- Les médias doivent cesser la valorisation esthétique des actes violents et adopter un traitement plus sensible et éducatif du football.
- L'État et les collectivités territoriales doivent investir dans l'éducation civique par le sport et offrir aux jeunes des espaces d'expression et de loisirs hors des tribunes, notamment dans les quartiers défavorisés où la frustration sociale est un facteur aggravant.
- Les supporters responsables doivent être encouragés et protégés pour rééquilibrer l'image du public footballistique marocain, souvent déformée par une minorité violente.
C'est là un choix sociétal déterminant. La problématique dépasse largement le cadre sportif pour toucher à la vision même de la société marocaine. Si le football est un miroir de la nation, il appartient à tous, institutions et citoyens, de décider si ce miroir doit refléter la passion, la créativité et l'unité, ou la haine, la destruction et la division.
PAR AZIZ DAOUDA/BLUWR.COM
