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Francophonie maroco-marocaine en question !


Dans le royaume des paradoxes linguistiques, la francophonie marocaine ne se contente pas de survivre : elle s’impose. Pas toujours comme un choix, mais souvent comme une nécessité déguisée. Et si cette présence n’était pas aussi innocente qu’elle en a l’air ?



A lire ou à écouter en podcast :


​Le français, un passeport culturel réservé ?

Francophonie maroco-marocaine en question !
La francophonie au Maroc dépasse la simple question de langue. Elle agit comme une structure sociale invisible. Dans les universités, les médias, les conférences et même les cercles militants, s’exprimer en français reste la voie royale pour être entendu. À tel point qu’on finit par confondre pensée critique et capacité à manier Molière avec aisance.

Cette domination n’est pas toujours volontaire, mais elle fonctionne comme une sorte de sélection implicite. Celui ou celle qui ne maîtrise pas le français se retrouve à la périphérie du débat, marginalisé, parfois même ridiculisé. Ce n’est plus du bilinguisme, c’est un filtre.

​Une hiérarchie linguistique qui ne dit pas son nom

Ce n’est pas l’usage du français qui est en cause, mais sa position symbolique. L’arabe classique – langue officielle, éducative et institutionnelle – peine à s’imposer dans les sphères culturelles influentes. Quant à l’amazighe, malgré sa reconnaissance constitutionnelle, elle reste largement absente des espaces de débat intellectuel.

Cette hiérarchie tacite des langues contribue à forger une élite linguistique, où le mérite est trop souvent confondu avec l’élocution. Une forme de “soft exclusion” où ne pas parler français équivaut à ne pas exister dans certains cercles.

​Un risque assumé d’exclusion... en le dénonçant

Dire cela, c’est s’exposer. On court le risque d’être discrédité, soupçonné d’arriérisme ou d’idéologie. Car contester cette forme de francophonie, c’est remettre en question les fondements de certaines légitimités intellectuelles construites sur le privilège linguistique.

Mais faut-il se taire pour rester “fréquentable” ? Ou assumer que ce débat est sain, nécessaire, et porteur d’un espoir : celui d’un pays qui accepte enfin que penser en arabe, en amazighe ou en français, c’est d’abord penser pour tous.

Vers une francophonie maroco-marocaine plurielle, non exclusive

Le véritable enjeu, ce n’est pas le français, mais la place que nous donnons aux autres langues. Le Maroc mérite une francophonie ouverte, inclusive, où chaque citoyen peut s’exprimer sans craindre d’être relégué. Une francophonie de complémentarité, et non d’hégémonie.

Faut-il vraiment dramatiser ? Après tout, n’est-ce pas un signe de modernité que de parler français dans un monde globalisé ? Ne risque-t-on pas, à force de dénoncer l’exclusion, de renforcer un discours identitaire fermé ? Et surtout, si le français ouvre des portes, pourquoi faudrait-il les refermer ?

La vraie question, peut-être, n’est pas de rejeter le français, mais de construire un écosystème où aucune langue ne ferme l’accès à la pensée.


Lundi 26 Mai 2025