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Gouvernance par la performance : le big bang des EEP en 2024


le Vendredi 18 Juillet 2025



Gouvernance par la performance : le big bang des EEP en 2024
L’heure n’est plus à l’incantation. Les entreprises publiques devront désormais rendre des comptes, dans un cadre normé et stratégique.
L’année 2024 marque une étape décisive dans la réforme du secteur public marocain. Loin des promesses répétées de rationalisation, une transformation structurelle de la gouvernance des établissements et entreprises publics (EEP) est désormais à l’œuvre. Soutenue par la feuille de route de l’ANGSPE, cette évolution place la performance économique, financière, sociale et territoriale au cœur des critères de survie et de légitimité des entreprises publiques.

Cette réforme s’inscrit dans une volonté plus large : celle de professionnaliser les organes de gouvernance, de clarifier les rôles, de renforcer l’évaluation et de faire émerger une culture d’impact et de résultat au sein du portefeuille public.

​Une gouvernance refondée

La gouvernance des EEP souffrait depuis des années d’un mal bien connu : inflation des conseils d’administration, absence de profils qualifiés, réunions purement formelles, absence de suivi des résolutions. Ce dysfonctionnement n’était pas qu’une question de forme : il traduisait une carence stratégique dans la gestion de ressources publiques critiques.

Dès son opérationnalisation, l’ANGSPE s’est attelée à corriger ces dérives. Les mesures adoptées sont significatives : réduction de la taille des organes délibérants, désignation d’administrateurs indépendants compétents, parité hommes-femmes, comités spécialisés, formation continue des membres, et bientôt digitalisation complète du fonctionnement des instances.

Plus encore, l’agence veille à ce que les représentants de l’État dans les conseils soient désormais des acteurs actifs, porteurs d’une vision stratégique, et non de simples spectateurs ou figurants.

​La performance, nouvelle boussole

Mais la vraie révolution est ailleurs : dans l’introduction d’une culture de la performance, désormais érigée en norme de pilotage. Le Maroc veut aligner les pratiques de ses EEP sur les standards internationaux, en adoptant des outils concrets : contrats de performance, objectifs quantifiés, tableaux de bord consolidés, bilans périodiques et, à terme, évaluation publique des résultats.

Pour cela, l’ANGSPE met en place un cadre de reporting en normes IFRS, qui permettra pour la première fois de consolider la santé financière du portefeuille public, de comparer objectivement les performances, et d’identifier les entités défaillantes ou exemplaires.

Cette logique dépasse la seule rentabilité financière : elle inclut la qualité du service public rendu, l’impact territorial, la contribution à l’emploi, le respect de l’environnement, ou encore le niveau d’innovation.

​Des dirigeants sous évaluation

Dans cette nouvelle architecture, les dirigeants d’EEP ne seront plus seulement jugés sur leur loyauté ou leur ancienneté, mais bien sur leur capacité à atteindre les objectifs définis contractuellement. L’ère du pilotage à vue et du confort statutaire est révolue.

Le recrutement, la rémunération, et la reconduction des dirigeants devront, progressivement, répondre à des critères de résultats, dans une optique de méritocratie et de responsabilisation.

Les administrateurs indépendants, cooptés dans cette dynamique, auront pour rôle d’apporter un regard externe, de challenger les plans stratégiques, et de garantir l’alignement entre la mission publique et les choix de gestion.

​Une dynamique à renforcer

Bien sûr, le changement ne se fera pas sans heurts. Transformer en profondeur la gouvernance de dizaines d’entités aux cultures disparates est un chantier complexe. Il faudra du temps, des moyens humains et technologiques, et surtout une volonté politique constante pour résister aux tentations de retour en arrière.

Le risque majeur serait que cette réforme reste théorique, ou qu’elle soit contournée par une résurgence du pilotage informel, des nominations partisanes ou des passe-droits. Il faudra donc veiller à l’application rigoureuse des principes énoncés, et à la publication régulière de bilans clairs, lisibles, et comparables.

​Une exigence citoyenne

Au fond, cette bascule vers une gouvernance par la performance répond à une attente forte : celle des citoyens qui financent, souvent sans le savoir, ces entreprises publiques, et qui attendent en retour des services de qualité, accessibles, efficaces.

Le nouveau modèle porté par l’ANGSPE n’est donc pas seulement un projet institutionnel, c’est une exigence démocratique : rendre compte de l’usage des deniers publics, restaurer la confiance dans l’appareil d’État, et aligner l’intérêt général avec la rigueur de gestion.

Dès 2024, le message aurait été clair : une entreprise publique qui n’est ni performante, ni stratégique, ni transparente, n’a plus vocation à survivre dans le portefeuille de l’État marocain.
 




Vendredi 18 Juillet 2025