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Gouverner l’IA en France et au Maroc : la valeur ajoutée de l’expertise académique dédoublée de l’expérience professionnelle


Et si l’une des racines de nos fragilités numériques, dont celles liées à l’intelligence artificielle, résidait dans notre défiance envers l’expertise académique, dédoublée d’une expertise professionnelle significative et d’une connaissance de l’environnement économique et social ?



Par Dr Az-Eddine Bennani

Gouverner l’IA en France et au Maroc : la valeur ajoutée de l’expertise académique dédoublée de l’expérience professionnelle
À l’heure où l’intelligence artificielle bouleverse nos sociétés, cette question mérite plus que jamais d’être posée.
La leçon de l’histoire en France
En France, Michel Debré, docteur en droit, a été l’architecte de la Constitution de 1958. Raymond Barre, docteur en économie, reste associé à l’image de la rigueur et de la compétence. Mais ces exemples sont des exceptions. Contrairement à d’autres pays où les docteurs occupent des fonctions de premier plan (Angela Merkel en Allemagne, Mario Draghi en Italie, Woodrow Wilson aux États-Unis), la France a préféré confier ses élites politiques aux grandes écoles plutôt qu’au monde de la recherche.

Cette mise à l’écart de l’expertise académique a des conséquences :

- une vision court-termiste, souvent guidée par la communication ;
- une dépendance accrue aux solutions étrangères, notamment en IA ;
- un décalage entre discours et mise en œuvre des grandes réformes.

Le Maroc : un signal fort à amplifier

Gouverner l’IA en France et au Maroc : la valeur ajoutée de l’expertise académique dédoublée de l’expérience professionnelle
Au Maroc, un signe encourageant a été donné : la ministre en charge de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration est une chercheuse issue du monde académique, habilitée à diriger des recherches en intelligence artificielle.

C’est un signe clair que l’on peut gouverner le numérique et l’IA en s’appuyant sur une expertise académique solide, mais aussi sur ce qui doit l’accompagner impérativement : une expérience professionnelle significative et une connaissance de l’environnement économique et social. Le défi est désormais de multiplier de tels exemples et de faire de cette combinaison un pilier de la gouvernance publique.

Pourquoi le doctorat doit être pluridisciplinaire et connecté à l’économie

À l’ère de l’IA, un doctorat spécialisé ne suffit pas. La gouvernance exige une formation pluridisciplinaire :

- Comprendre les dimensions juridiques et éthiques ;
- Maîtriser les impacts économiques et sociaux ;
- Anticiper les transformations culturelles et éducatives.

Mais elle exige aussi une immersion dans l’entreprise et dans l’économie réelle. Car gouverner l’IA, ce n’est pas seulement comprendre des algorithmes : c’est saisir les chaînes de valeur, les modèles économiques et les dynamiques d’innovation.

Ainsi, la vraie valeur ajoutée réside dans l’expertise académique dédoublée d’une expertise professionnelle significative et d’une connaissance fine de l’environnement économique et social.

Vers une alliance France–Maroc autour de l’expertise académique

En France comme au Maroc, l’IA met en lumière la même fracture : une gouvernance trop éloignée de la recherche. Pour y répondre, trois leviers s’imposent :

1. Valoriser le doctorat pluridisciplinaire comme un atout stratégique pour la haute fonction publique.
2. Créer des passerelles institutionnelles entre universités, entreprises et gouvernements.
3. Encourager les profils hybrides, capables de relier science, économie et décision publique.

​Conclusion

Gouverner à l’ère de l’intelligence artificielle exige plus que du management : cela exige une pensée éclairée par la recherche et une compréhension fine des réalités économiques et sociales.

- La France doit réhabiliter ses docteurs pour éviter un décrochage technologique et stratégique.
- Le Maroc, en mettant en avant l’exemple d’une ministre issue de la recherche, peut montrer la voie d’une gouvernance numérique enracinée dans l’expertise scientifique et connectée à l’économie réelle.

Car au fond, l’IA n’est pas seulement une technologie : c’est un choix de société et un choix économique. Et ce choix doit être guidé par celles et ceux qui en connaissent les fondements, les limites et les potentialités.

Il est temps de faire de l’expertise académique, dédoublée d’une expertise professionnelle significative et d’une connaissance de l’environnement économique 

Gouvernance de l’IA Expertise académique et professionnelle Défiance envers la recherche France : Michel Debré, Raymond Barre, grandes écoles Conséquences : vision court-termiste, dépendance étrangère, décalage discours/action Maroc : ministre chercheuse, Transition numérique Doctorat pluridisciplinaire Compétences : juridiques, éthiques, économiques, sociales, culturelles Immersion dans l’économie réelle Alliance France–Maroc Profils hybrides Décrochage technologique Choix de société et économique



Jeudi 11 Septembre 2025