Jeunesse debout, état comptable
Le discours royal du 10 octobre 2025 ouvre sans ambiguïté le chantier de l’effectivité. Il rappelle aux parlementaires l’exigence de mener à terme les réformes, d’évaluer les politiques publiques et d’enrayer les pratiques qui “gâchent le temps, l’effort et les ressources”. Le cadrage est double: d’une part, la justice sociale et la cohésion territoriale ne sont pas un slogan mais une “orientation stratégique”; d’autre part, la réussite passe par une “culture des résultats”, le recours à des “données de terrain” et l’usage “optimal du numérique”. Cette grammaire de l’exécution est exactement celle que porte la nouvelle vague juvénile: un appel à mesurer, prouver, corriger.
Depuis plusieurs semaines, la mouvance dite Gen Z 212 a multiplié les mobilisations, de Rabat à d’autres villes, sous des mots d’ordre récurrents: liberté, dignité, justice sociale, lutte contre la corruption, amélioration des services publics et perspectives d’emploi. Les reportages et analyses dressent un portrait convergent: une jeunesse connectée, pragmatique, qui refuse l’ornement rhétorique et réclame la traçabilité des politiques, dans un environnement socio-économique éprouvé par le chômage et les inégalités territoriales. Ces signaux publics ont précédé de peu un discours d’ouverture très attendu, précisément parce qu’il devait indiquer la manière de transformer la promesse en preuve
À la lumière de la Constitution de 2011, le propos Royal s’inscrit dans une continuité normative forte. Le Titre I consacre un État social; le Titre II garantit les libertés; l’article 31 dispose l’accès à l’éducation, à la santé, à la protection sociale; les articles 154 à 158 encadrent la bonne gouvernance, l’évaluation et la reddition de comptes. La régionalisation avancée (Titre IX) confère aux territoires un rôle essentiel dans la délivrance des politiques.
En recentrant l’effort sur les “générations nouvelles de programmes de développement territorial”, le discours réactive ce cœur constitutionnel: le développement local comme “miroir sincère” du pays, la cohésion entre urbain et rural, l’attention prioritaire aux zones “les plus vulnérables” (montagnes, oasis), l’économie bleue via la mise en œuvre des instruments juridiques de protection du littoral, et l’extension des centres ruraux comme amortisseur de l’urbanisation.
Pour la Génération Z, ces axes cochent plusieurs cases. D’abord, l’emploi et l’activité économique : le Souverain appelle à “encourager les initiatives locales et les activités économiques” et à garantir une “relation gagnant-gagnant entre les espaces urbains et ruraux”. Ensuite, les services publics: l’éducation et la santé sont explicitement nommées, avec un appel à l’efficacité de l’investissement public.
Enfin, la méthode: “changer les mentalités”, “culture du résultat”, “données de terrain”, “numérique”. Autant de leviers qui font écho aux demandes de transparence, de délais prévisibles et d’accès équitable à l’information que formulent les jeunes.
Reste le test de crédibilité : la traduction institutionnelle et budgétaire. L’appel à “ne tolérer aucun laxisme” dans la performance de l’investissement public suppose des mécanismes concrets. Juridiquement et politiquement, quatre conditions paraissent décisives.
Premièrement, la territorialisation réelle des moyens: conférer aux régions et aux collectivités des capacités exécutives et d’ingénierie renforcées, avec des indicateurs publics de résultat (délais de délivrance, taux d’exécution, coût par service rendu). Deuxièmement, l’évaluation indépendante: mobiliser le CESE et les institutions de contrôle pour publier des bilans lisibles par le grand public, particulièrement sur l’emploi des jeunes, l’accès aux soins et la qualité des écoles. Troisièmement, la simplification des chaînes administratives: réduire le “temps institutionnel” dans lequel se perdent souvent les projets, via des délais légaux contraignants et un suivi numérique des procédures. Quatrièmement, l’éthique de l’allocation: poursuivre la lutte contre les rentes et les conflits d’intérêts afin que l’investissement profite aux territoires et non à des circuits captifs.
Le passage visant “l’encadrement des citoyens” et la pédagogie des lois touchant aux droits et libertés appelle aussi une réponse calibrée. Les jeunes demandent de la lisibilité et de la protection dans l’espace numérique; la Constitution consacre la liberté d’expression et la vie privée. L’effort de clarification—parlement, partis, médias, société civile—est d’autant plus crucial que l’opinion se forge en ligne, où le déficit d’information officielle alimente la défiance. Une communication de politique publique fondée sur des données ouvertes, des tableaux de bord et des explications accessibles serait conforme à l’article 27 (accès à l’information) et à l’esprit participatif (articles 12 à 15).
Politiquement, la scène est contrastée. D’un côté, un cap d’État assumé, au-dessus des cycles gouvernementaux, qui rappelle la vocation d’un “Maroc ascendant, plus juste et plus solidaire”. De l’autre, une génération qui se méfie des promesses et veut des échéanciers, des responsabilités claires et des retours d’expérience publics. La convergence est possible si la temporalité s’ajuste: inscrire dans l’année parlementaire de fin de mandature des engagements vérifiables, assortis de rapports trimestriels aux commissions, pour que l’“année de l’exécution” ne soit pas rattrapée par le calendrier électoral.
Le respect dû à l’institution Royale n’interdit pas l’exigence de précision. Le ton du discours, ferme sur la finalité et vigilant sur la méthode, peut rencontrer l’attente sociale si la chaîne d’exécution—gouvernement, administrations, collectivités—se conforme à la culture du résultat invoquée. L’opinion juvénile, loin d’être anti-institutionnelle, paraît demander une fidélité radicale à la Constitution: égalité d’accès, qualité mesurée, justice territoriale vécue. Autrement dit, faire du texte un outil, et du principe une expérience.
Au terme, l’alignement est à portée : un État qui promet moins et prouve plus; une jeunesse qui proteste moins quand on lui montre, indicateur en main, que la promesse est devenue service. La parole Royale a fixé le cap; le pays jugera à l’aune des preuves. D’ici là, la plus moderne des fidélités aux institutions consiste à exiger ce qu’elles exigent elles-mêmes des résultats de toutes les institutions.
Depuis plusieurs semaines, la mouvance dite Gen Z 212 a multiplié les mobilisations, de Rabat à d’autres villes, sous des mots d’ordre récurrents: liberté, dignité, justice sociale, lutte contre la corruption, amélioration des services publics et perspectives d’emploi. Les reportages et analyses dressent un portrait convergent: une jeunesse connectée, pragmatique, qui refuse l’ornement rhétorique et réclame la traçabilité des politiques, dans un environnement socio-économique éprouvé par le chômage et les inégalités territoriales. Ces signaux publics ont précédé de peu un discours d’ouverture très attendu, précisément parce qu’il devait indiquer la manière de transformer la promesse en preuve
À la lumière de la Constitution de 2011, le propos Royal s’inscrit dans une continuité normative forte. Le Titre I consacre un État social; le Titre II garantit les libertés; l’article 31 dispose l’accès à l’éducation, à la santé, à la protection sociale; les articles 154 à 158 encadrent la bonne gouvernance, l’évaluation et la reddition de comptes. La régionalisation avancée (Titre IX) confère aux territoires un rôle essentiel dans la délivrance des politiques.
En recentrant l’effort sur les “générations nouvelles de programmes de développement territorial”, le discours réactive ce cœur constitutionnel: le développement local comme “miroir sincère” du pays, la cohésion entre urbain et rural, l’attention prioritaire aux zones “les plus vulnérables” (montagnes, oasis), l’économie bleue via la mise en œuvre des instruments juridiques de protection du littoral, et l’extension des centres ruraux comme amortisseur de l’urbanisation.
Pour la Génération Z, ces axes cochent plusieurs cases. D’abord, l’emploi et l’activité économique : le Souverain appelle à “encourager les initiatives locales et les activités économiques” et à garantir une “relation gagnant-gagnant entre les espaces urbains et ruraux”. Ensuite, les services publics: l’éducation et la santé sont explicitement nommées, avec un appel à l’efficacité de l’investissement public.
Enfin, la méthode: “changer les mentalités”, “culture du résultat”, “données de terrain”, “numérique”. Autant de leviers qui font écho aux demandes de transparence, de délais prévisibles et d’accès équitable à l’information que formulent les jeunes.
Reste le test de crédibilité : la traduction institutionnelle et budgétaire. L’appel à “ne tolérer aucun laxisme” dans la performance de l’investissement public suppose des mécanismes concrets. Juridiquement et politiquement, quatre conditions paraissent décisives.
Premièrement, la territorialisation réelle des moyens: conférer aux régions et aux collectivités des capacités exécutives et d’ingénierie renforcées, avec des indicateurs publics de résultat (délais de délivrance, taux d’exécution, coût par service rendu). Deuxièmement, l’évaluation indépendante: mobiliser le CESE et les institutions de contrôle pour publier des bilans lisibles par le grand public, particulièrement sur l’emploi des jeunes, l’accès aux soins et la qualité des écoles. Troisièmement, la simplification des chaînes administratives: réduire le “temps institutionnel” dans lequel se perdent souvent les projets, via des délais légaux contraignants et un suivi numérique des procédures. Quatrièmement, l’éthique de l’allocation: poursuivre la lutte contre les rentes et les conflits d’intérêts afin que l’investissement profite aux territoires et non à des circuits captifs.
Le passage visant “l’encadrement des citoyens” et la pédagogie des lois touchant aux droits et libertés appelle aussi une réponse calibrée. Les jeunes demandent de la lisibilité et de la protection dans l’espace numérique; la Constitution consacre la liberté d’expression et la vie privée. L’effort de clarification—parlement, partis, médias, société civile—est d’autant plus crucial que l’opinion se forge en ligne, où le déficit d’information officielle alimente la défiance. Une communication de politique publique fondée sur des données ouvertes, des tableaux de bord et des explications accessibles serait conforme à l’article 27 (accès à l’information) et à l’esprit participatif (articles 12 à 15).
Politiquement, la scène est contrastée. D’un côté, un cap d’État assumé, au-dessus des cycles gouvernementaux, qui rappelle la vocation d’un “Maroc ascendant, plus juste et plus solidaire”. De l’autre, une génération qui se méfie des promesses et veut des échéanciers, des responsabilités claires et des retours d’expérience publics. La convergence est possible si la temporalité s’ajuste: inscrire dans l’année parlementaire de fin de mandature des engagements vérifiables, assortis de rapports trimestriels aux commissions, pour que l’“année de l’exécution” ne soit pas rattrapée par le calendrier électoral.
Le respect dû à l’institution Royale n’interdit pas l’exigence de précision. Le ton du discours, ferme sur la finalité et vigilant sur la méthode, peut rencontrer l’attente sociale si la chaîne d’exécution—gouvernement, administrations, collectivités—se conforme à la culture du résultat invoquée. L’opinion juvénile, loin d’être anti-institutionnelle, paraît demander une fidélité radicale à la Constitution: égalité d’accès, qualité mesurée, justice territoriale vécue. Autrement dit, faire du texte un outil, et du principe une expérience.
Au terme, l’alignement est à portée : un État qui promet moins et prouve plus; une jeunesse qui proteste moins quand on lui montre, indicateur en main, que la promesse est devenue service. La parole Royale a fixé le cap; le pays jugera à l’aune des preuves. D’ici là, la plus moderne des fidélités aux institutions consiste à exiger ce qu’elles exigent elles-mêmes des résultats de toutes les institutions.



