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Hamza Boulaiz, invité de l'émission "Entre nous, on se dit tout"




Hamza Boulaiz, invité de l'émission "Entre nous, on se dit tout"
Sujets :  
Le théâtre serait-il le symptôme d’un mal être qui nous confie à  une autre réalité ?
Nous renseigne-t-il sur le dérèglement de nos sens ?
Pourquoi faire du théâtre ? Pourquoi s’y rendre ?
Le théâtre est-il l’expression du vide ?
Ou d’un trop-plein-de-vie ?
Le spectateur s’y perd-t-il plutôt qu’il ne s’y  trouve ?
Le théâtre est-il utile ?
Un art majeur ?
Un art mineur ? 
Et si le théâtre était une grande chose, trouve-t-il sa place dans un monde en perte de grandeurs ?
A-t-il un « présent » chez nous pour qu’il y ait un avenir ? Quand on dit théâtre, que nous répondent les nôtres ?
Et les métiers du théâtre ?
N’avons-nous que notre légèreté pour en parler ? 

Nous recevons dans le cadre de notre émission "Entre nous" Hamza Boulaiz, professeur de théâtre, directeur artistique , metteur en scène, fondateur de " Spectacle pour tous".

Pour écouter l'émission, Fichier MP3 en bas de page 

Pour regarder l'émission, Lien en bas de page 

Édito: 

Quoiqu’il en puisse dire Aristote et toute la philosophie, le théâtre est une affaire des honnêtes gens et celui qui ne joue pas n’est pas digne de vivre, passez-moi cette falsification historico-littéraire, une défiguration, à quelques mots près, d’une prose moliéresque, dans la bouche de Sganarelle.

Je conjure les puritains de la langue  d’absoudre mon péché travaillé dans l’urgence d’une situation qui mit en pièce cette pièce de Donjuan en substituant le mot « Théâtre » à « Tabac » et celui de « fumer » à jouer.

La sacralité du théâtre se pose. Aussi sa vénalité. Voyez comme les contraires nous donnent matière à penser…Le théâtre est aussi le marqueur de ce qui ne tourne pas rond chez nous humains, car dit-on, que cette vie que nous prenons tant au sérieux ne serait qu’un théâtre grand format où se diluent les êtres et les choses, mais peut-être bien que le théâtre est une affaire sérieuse.

Mais bon sang ! Pourquoi se plait-on à jouer ou à sur-jouer une situation alors qu’elle existe déjà, à foison, dans la vie de tous les jours ? Dans ce réel qui nous harcèle, qui s’impose à nous dans toute sa dimension esthétique ou morale.  Peut-être que le théâtre a pour vocation de purifier ce bas monde des façons inesthétiques.

Je ne parle pas ici de «  catharsis », ce n’est pas de morale qu’il s’agit, mais de l’art. ne voyez-vous pas comment le théâtre défigure, auréole ce réel plutôt cru et sans efforts, d’une résonnance esthétique à vous chasser la laideur d’une scène usuelle, la purifier des ringardises, des bassesses, des grossièretés quotidiennes, une scène bâclée, faite sans façons, fâchée d’avec les convenances de l’agréable, de ce qui réchauffe une âme plutôt qu’il ne la rebiffe. 


Lien vers la vidéo : https://www.facebook.com/717067299/videos/10159264913087300/
 



En cela le  théâtre n’est en rien le prolongement du réel, encore moins son reflet, car le théâtre est une sélection non-naturelle qui passe au tamis les êtres et les façons. C’est une altération constante du réel. N’est-ce pas qu’on sur-joue, qu’on surfait les choses pour biaiser notre perception, trancher d’avec l’ordinaire, ses travers et ses laideurs esthétiques.

Oui, on garde la morale, et ses attributs humains, peut-être trop humains qu’on transpose avec soin dans cette machine absurde qui s’émerveille à maquiller nos êtres ébauchés, mal dégrossis.

Oui le théâtre est un euphémisme du réel. On garde la morale dis-je ! mais vous-êtes-vous demandé pourquoi les pires infamies sont bien moins outrageantes dans le théâtre que dans la vie ? non pas que cette dernière soit réelle, car le théâtre est réel, mais que le théâtre a su se ranger dans la formule : «  oui on fait ce qu’on peut, mais il y a la façon ».

Le théâtre est façon. Le théâtre nous dit aussi que l’homme ne se suffit pas à lui-même, que le réel lui est peut-être de peu de choses, car, en définitive, ne met-il pas une façon en tout ce qu’il entreprend ?

Le théâtre serait-il le symptôme d’un homme qui va mal jusqu’à se créer une autre réalité ?   à sa façon ?  

Y croire à sa façon ? Le théâtre nous renseigne-t-il sur le  dérèglement de cette machine humaine,  ennuyée par la platitude d’un réel morne et tragique ?

Sinon pourquoi faire du théâtre ? Pire, pourquoi s’y rendre ?

Un acteur participe-t-il, sans le vouloir, à une transfiguration du réel, à compliquer davantage cette nature humaine prise dans les filets d’un besoin créé ?

De quoi le théâtre est-il l’expression ?  Du vide , d’un trop-plein de vie ? Et le spectateur ? Que cherche-t-il dans cette construction de l’esprit qui se saisit des êtres et des choses pour se jouer d’eux à sa guise ? S’y cherche-t-il ? S’y perd-t-il ?

Ou faisons-nous du théâtre pour du théâtre ? Est-ce possible que l’homme ne cherche l’utilité d’une chose qu’en elle-même ? En ce cas pourquoi n’existerait-il pas pour lui-même, et oublier définitivement ce théâtre, qualifié d’hérésie par certains ?

Et si tant est que le théâtre soit utile, en quoi peut-il l’être ? Si le théâtre était un art ? serait-ce un art majeur ou mineur ?

Pourquoi l’expression «  faire du théâtre » dans une bouche populaire renvoie-t-elle au mensonge ? Le théâtre est-il mensonge ?

Et supposez que le théâtre soit une grande chose ? a-t-il aujourd’hui sa place dans un monde en perte de grandeur ? Un monde qui a désappris à goûter aux choses raffinées ?

Et chez nous ? Quand on dit théâtre, que nous répondent-ils, les nôtres ?

Y a-t-il un présent chez nous pour qu’il y ait un avenir ? Pourquoi avons-nous du mal à qualifier le fameux «  faire du théâtre » de métier ? Pourquoi cette légèreté face au théâtre ? 
 
​Hicham Aboumerrouane 
Samedi 24 Avril 2021