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Hydrogène vert et carburants bas carbone : comment les ports marocains, de Tanger Med à Jorf Lasfar, se positionnent face à la pression européenne


Rédigé par Lycha Jaimssy MBELE le Lundi 29 Décembre 2025

Sous l’effet conjugué des nouvelles régulations européennes et de la montée en puissance des stratégies climatiques des grands transporteurs, le maritime et l’aérien accélèrent leur virage vers les carburants bas carbone. Dans ce contexte exigeant, un rapport récent de la Banque mondiale identifie le Maroc comme un acteur crédible de l’hydrogène vert, à condition de transformer ses avantages naturels en projets structurés, industrialisés et compétitifs.



Hydrogène vert et carburants bas carbone : comment les ports marocains, de Tanger Med à Jorf Lasfar, se positionnent face à la pression européenne

La décarbonation des transports maritimes et aériens n’est plus une hypothèse de travail. Elle est devenue une contrainte réglementaire, presque une urgence industrielle. En Europe, les normes se durcissent, les échéances se rapprochent, et les opérateurs cherchent des solutions concrètes pour réduire l’empreinte carbone de secteurs difficilement électrifiables. Dans cette recomposition géoéconomique, les carburants issus de l’hydrogène vert ammoniac vert, méthanol vert et SAF aviation s’imposent comme des options désormais incontournables.
 

C’est dans cette séquence que s’inscrit le rapport de la Banque mondiale, Gateway to Green Energy: Moroccan Ports as Hubs for Hydrogen Fuel Development and Trade. Le diagnostic est clair : le Maroc dispose d’atouts rares pour devenir un fournisseur structurant de carburants bas carbone vers l’Europe. Ressources solaires et éoliennes parmi les plus compétitives au monde, coûts potentiellement attractifs de l’électricité renouvelable, et surtout proximité immédiate avec le principal bassin de demande à court et moyen terme.
 

Cette proximité géographique n’est pas un détail technique. Elle réduit les distances logistiques, limite les coûts de transport des molécules énergétiques et renforce l’intérêt des ports marocains comme plateformes d’exportation. La Banque mondiale insiste toutefois sur un point souvent sous-estimé : l’avantage naturel ne suffit pas. Sans infrastructures adaptées et cadre réglementaire clair, l’opportunité pourrait se refermer aussi vite qu’elle s’est ouverte.
 

Quatre plateformes portuaires ont ainsi fait l’objet d’études de préfaisabilité approfondies : Tanger Med, Mohammedia, Jorf Lasfar et un site portuaire potentiel à proximité de Tan-Tan. L’ambition est double. D’une part, positionner ces ports comme points de soutage pour les carburants marins bas carbone. D’autre part, en faire des hubs intégrés de production, de stockage et d’exportation vers les marchés européens. La mutualisation des infrastructures apparaît, selon la Banque mondiale, comme une condition clé pour réduire les coûts et sécuriser la viabilité économique.
 

Parmi ces sites, Tanger Med se détache nettement à court et moyen terme. Sa localisation sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, combinée à un écosystème logistique et industriel déjà mature, en fait un candidat naturel au rôle de hub régional pour l’hydrogène vert. La concurrence existe ports européens et africains affûtent leurs stratégies mais l’avance opérationnelle de Tanger Med reste un avantage tangible.
 

La demande, elle, est largement tirée par la régulation. Dans le maritime, FuelEU Maritime et l’extension du système européen d’échange de quotas d’émission poussent les armateurs vers l’ammoniac vert et le méthanol vert. Dans l’aérien, ReFuelEU Aviation impose une incorporation progressive de SAF aviation. Selon les estimations reprises par la Banque mondiale, l’Union européenne pourrait nécessiter environ 14,8 millions de tonnes de SAF d’ici 2040 et 28,6 millions de tonnes à l’horizon 2050, alors même que les capacités de production européennes demeurent insuffisantes.
 

Les contraintes restent réelles. Les carburants bas carbone issus de l’hydrogène vert demeurent plus coûteux que les carburants fossiles sans mécanismes correcteurs robustes. À cela s’ajoutent la question de la disponibilité du carbone et celle de l’eau. Le rapport estime que les sources industrielles de CO₂ pourraient couvrir les besoins jusqu’en 2040, avant un recours plus massif à la capture directe dans l’air, encore onéreuse. La production par électrolyse exigera aussi des volumes importants d’eau, rendant le dessalement incontournable.
 

Pour le Maroc, l’enjeu dépasse la seule exportation énergétique. Il s’agit de s’inscrire durablement dans les nouvelles chaînes de valeur de la transition énergétique mondiale, en conciliant compétitivité, souveraineté industrielle et durabilité. La fenêtre est ouverte, mais elle ne restera pas indéfiniment.





Lundi 29 Décembre 2025