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Il était une fois, le PJD...




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Il était une fois, le PJD...

Ce qui devait arriver arriva… le PJD, parti jadis porté par les certitudes et les valeurs, s’est aujourd’hui tout à fait normalisé, connaissant à son tour l’usure du pouvoir. Neuf ans après sa 1ère victoire électorale et son 1er gouvernement, quatre ans après son 2nd triomphe et son 2nd gouvernement, il commence à douter de lui-même, voire à rudement se diviser, avec une idée qui infuse doucement, celle d’un congrès extraordinaire…
 

Quand une formation politique relativement récente goûte aux délices des fastes de l’Etat, ses dirigeants se divisent en deux catégories : ceux qui sont ou furent, et ceux qui veulent y être et trépignent. Entre les actuels responsables et ceux qui estiment devoir le devenir, c’est la lutte finale. Nous sommes à quelques mois d’élections désormais plus que probables, leur éventuel report étant définitivement rejeté par ce qui semble être une majorité d’observateurs avisés et de politiques rusés.
 

Et comme d’habitude dans ce domaine, ce sont les jeunes qui dégainent, appelant gentiment à la tenue d’un congrès extraordinaire. Pourquoi faire ? Pour déboulonner le chef du gouvernement et du parti Saâdeddine Elotmani. Ils en ont parfaitement le droit et la légitimité, tant que les statuts de leur parti le permettent, et ils le permettent. Le secrétaire général a été élu lors d’un congrès houleux en décembre 2017, ce qui laisse encore un an aux instances du parti avant leur renouvellement. Mais les jeunes, c’est bien, connu, c’est impatient et ça n’aime pas attendre.
 

Il ne faut pas tomber dans le piège du « qui est derrière quoi ? », mais on constatera que l’idée d’un congrès extraordinaire a été émise plus tôt cet été par l’un des ténors du PJD, Abdelali Hamieddine en l’occurrence. C’était fin août, et la chose fut dite à une rencontre de la Jeunesse PJD… et c’est certainement par un heureux hasard du calendrier que quelqu’un au secrétariat général du même PJD a eu cette puissante idée de réfléchir à une autolimitation des candidatures aux législatives. « Décidément, on est trop forts, on va laisser leurs chances aux autres, pardi ! ». Le funeste objectif est de fragiliser le secrétaire général…
 

Et tout cela survient alors que M. Elotmani ne sait plus où donner de la tête. Un Covid persistant par-ci, une crise insistante par-là, une reprise vaporeuse et une relance encore plus problématique… puis l’esclandre des jeunes de son parti, la gestion de la question du quotient électoral que son parti estime être une agression contre lui, une majorité qui s’effrite, des ministres parfaitement autonomes de toute autorité (gouvernementale du moins). C’en est trop pour un seul homme, fût-il aussi aguerri que l’est Saâddedine Elotmani, qui, rudement ballotté par les bourrasques virales, peine encore à maîtriser sa monture partisane…
 

Et, en embuscade, celui qui faisait mine de se faire oublier, mais qu’on ne peut oublier : Abdelilah Benkirane. L’ancien chef du PJD et du gouvernement a raconté à un journal qatari (??) en reprenant une citation très poétique d’Allal el Fassi : « Je ne veux pas être tenu pour mort avant ma mort ». Il n’est pas besoin d’être diplômé d’al Qaraouiyyine pour comprendre le sens très explicite de cette phrase. En fait, M. Benkirane n’a jamais vraiment quitté son leadership, et M. Elotmani ne l’a jamais vraiment conquis. Et le fait qu’il ait aimablement dit un jour de M. Hamieddine, inquiété par la justice que « nous ne vous livrerons pas notre frère », éclaire un peu sur les manoeuvres en cours pour ce congrès extraordinaire.
 

Bien. Que fut la réponse des chefs aux jeunes ? Une réaction très alambiquée, où il est question de droits et de libertés, de statuts et de légalité… une componction si onctueuse qu’elle en devient douteuse. Et qui entraînera une réaction rageuse des jeunes, déjà malmenés par la « récupération » gouvernementale de leur chef Mohamed Amekraz, lequel a eu l’indélicatesse d’oublier de déclarer les salariés de son cabinet d’avocats à la CNSS, et n’a même pas eu la finesse de démissionner.
 

Tout cela montre une chose, une seule chose : la normalisation galopante du PJD certes, mais aussi la manifestation d’humeur de ses jeunes qui semblent vouloir remettre M. Benkirane en selle. Ils n’y réussiront très certainement pas, ce qui augure de grands pugilats au sein du PJD.
 


Publié par Aziz Boucetta le 6 octobre 2020 sur www.panorapost.com  



Vendredi 11 Décembre 2020