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Il était une fois un communiste


C’est en mode combat que Mohamed Nabil Benabdellah (pour l’état civil) - Nabil Benabdellah (pour la politique et la chose publique) – s’est présenté mardi dernier au Forum de la MAP pour parler à son tour de son parti et des élections du 8 septembre.



Par Naïm Kamal

Il était une fois un communiste

Sa crinière sexagénaire est encore sel et poivre, quand sa moustache qui lui donne cet air un rien suranné a, elle, définitivement viré au gris argenté. Plus jeune, il aurait été parfait aux cotés de Omar Sharif dans Docteur Jivago roman de Boris Pasternak porté à l’écran par David Lean. Cousue de fil blanc en aiguille incertaine, cette approximation de Nabil Benabdellah avec le film, le roman puis son auteur est juste pour dire que si Boris Pasternak n’a  jamais été séduit par le régime soviétique de son propre pays, on ne peut pas dire autant du secrétaire général du PPS, Parti du Progrès et (aujourd’hui encore) du Socialisme.
 

Une vague nostalgie


C’était dans une autre vie qu’il n’oublie pas, mais dont il s’est émancipé il y a longtemps déjà. Lorsque, pas très loin de Nadir Yata qui ne verra pas son rêve d’alternance se réaliser de son vivant, Nabil Benabdellah s’était fait l’un des « douze apôtres » du participationisme inconditionnel dans le sillage d’Alternatives fondée au milieu des années quatre-vingt-dix par Abdelali Benamour pour forcer la main à « l’alternance consensuelle ».   
 

Auparavant, il faut le dire, le mur de Berlin s’était écroulé, l’URSS n’était plus qu’un empire éclaté et l’utopie socialiste portée au registre des bonnes intentions restées lettres mortes.  
 

Lui arrive-t-il d’avoir de la tendresse pour cette époque où les choses étaient simples ? Où le noir était noir et le blanc était blanc ? Au forum de la MAP personne n’a songé à le lui demander, mais de lui-même il confiera une vague nostalgie pour la Chambre des représentants de jadis, où claquaient des noms qui en faisaient trembler les murs. Pêle-mêle : Mhammed Boucetta, Abderrahim Bouabid, Ali Yata, Mohamed Louafa, Moualy Ismail Alaoui, Fathallah Oualalou, Ahmed Osman… Un Parlement qui avait de la gueule, quoi ! Il aura juste oublié Maati Bouabid, ténor des barreaux et animal politique sans jamais oublier d’être un bon vivant. Et Mohamed Bensaid Aït Idder, gauchiste impénitent, à l’accent inénarrable d’authenticité. 
 

Tout est proportionnel  


Le secrétaire général du PPS qui avant de l’être a coché tous les cases du militantisme dans une longue mais sûre ascension dans la chaine de commandement de son parti, avait l’intention au début de parler du programme de son parti qu’il avait présenté la veille. Pour y renoncer au dernier moment, invitant ceux que ça intéresserait à scanner son code QR. C’est plus smart et ça fait in en prime. Lui préfère s’adonner à cet exercice où il excelle, débiter sans frein, mais ce n’est qu’une vraisemblance, ce qui lui passe par la tête. Ou ce qu’il veut bien laisser glisser entre les mailles de l’autocensure, pour dire vrai. 
 

Dans la page ‘’passifs’’ du Maroc actuel, comme pour la régression des partis, Nabil Benabdellah assume sa part. Mais au’’ Tous pourris’’, il préfère le ‘’Tous responsables’’. A des degrés différents, chacun selon la position qu’il occupe dans le concert de ce qui s’est fait ou ne s’est pas fait. Une subtilité comme une autre pour laisser comprendre que la responsabilité du PPS est proportionnelle à sa taille électorale. Et s’il regrette cette anémie de la représentation du PPS, il se console par « la première ou seconde place en matière d'animation du paysage politique, de prises de positions et d'orientation des débats dans le pays ». 
 

C’est un fait, qu’il faut reconnaitre à l’ancien parti communiste repris par Ali Yata des mains de Léon Sultan en 1945. Même s’il s’est toujours inscrit dans le mouvement ouvrier, et en dépit de ses successives mues qui l’ont fait passer de PCM à PLS à PPS, il a toujours été plutôt un parti de cadres dont la qualité, indéniable, a été handicapée par la doxa marxiste-léniniste et son alternative socialiste prêt-à-porter qui les a souvent dispensés de penser le Maroc par eux-mêmes.    
 

Mais y a-t-il vraiment quelque chose à regretter ? Dans les urnes, le PPS, mal loti, ne l’est pas de beaucoup plus qu’un autre. C’est désolant, déplore-t-il, mais l’ensemble des partis, au vu des résultats des législatives de 2016, ne représente que 6 millions d’électeurs sur un potentiel de 25 millions. Un cinquième. Un état de sous-représentativité du champ partisan, qui restreint ses marges de manœuvre et réduit d’autant son influence sur le processus de décision.  
 

Une page à tourner 

 

Comment y remédier ? Par un retour aux principes. En élevant l’éthique au rang de valeur absolue. En croyant fermement et sincèrement que la démocratie est une condition sine qua non. En présentant des candidats susceptibles de produire des élus de qualité. En acculant à la régression les comportements frauduleux qui ne sont pas l’apanage comme on a tendance de le croire du grand capital, mais des pratiques autrement plus courantes et à des échelles autrement plus larges et plus basses. En faisant encore en sorte que de ces élections puisse sortir un gouvernement fort, seul moyen de porter l’horizon décliné par le nouveau modèle de développement. Dans cette dynamique de la vertu contre le vice, l’Etat, dans son acception moderne, doit être par son impartialité l’outil exemplaire et le garant de sa propre crédibilité et de celle de tous les autres. 
 

Des lieux communs. Sans doute. Mais qui sont malheureusement toujours d’actualité. Et des prises de position dont lui-même n’a pas manqué d’en relever les limites borderline. 
 

En tout soixante minutes d’une dialectique bien huilé de celui qui a été rodé dans les cellules du parti, au sein de l’UNEM, plus tard en tant que premier secrétaire de la jeunesse du PPS avant d’accéder au Bureau politique, de succéder à Moulay Ismail Alaoui à la tête du parti et d’en prendre aussi la direction des journaux. Toute une vie d’emplissage des forums de sa faconde forcément emphatique sur les bords. On se laisse aller et on a envie de le croire à ne plus se rappeler ses yeux de Chimène pour les islamistes et à en oublier qu’il a été deux fois ministre, entre les deux furtivement ambassadeur et que son parti a donné par moments l’impression de faire de la participation une finalité et une condition de survie.
 

Mais qui n’a pas droit à la rédemption et à l’absolution ? Si Dieu pardonne tout, à l’exception de la médisance dont le rachat est subordonné à celui qui en est victime, si aucun parti n’est exempt d’erreurs et d’égarements, si chaque marocain a son grain de sable dans le grincement des rouages de la mécanique nationale, pourquoi ne pas effacer l’ardoise du PPS en la personne de Nabil Benabdellah ?
 

Le pardon – dans sa forme amnistie ou grâce - c’est précisément lui qui est aux yeux de secrétaire général du PPS l’entrée à une réconciliation des électeurs avec les urnes. Histoire de tourner la page sécuritaire induite par les mouvements sociaux et d’en finir avec le grand malentendu avec la presse. Une démarche qui aidera assurément beaucoup à la décrispation de l’ambiance générale. Pour la suite et pour le reste, il faudra absolument, dit-il, que les abstentionnistes se convainquent que c’est leur abstention qui permet la perpétuation de ce qu’ils refusent et rejettent. 

Rédigé par Naïm Kamal sur https://quid.ma



Vendredi 23 Juillet 2021