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Ingérence européenne ou l’histoire d’une incompétence universelle


Pour se rendre compte de l’absurdité de la situation actuelle entre le Maroc et l’Europe, il faut l’imaginer à une échelle réduite et plus humaine. Celle d’une résidence par exemple où les habitants d’un immeuble se croient investis d’un droit de regard et de jugement sur les agissements des résidents des immeubles avoisinants, en dehors de toute instance collégiale comme le conseil syndical, et en l’absence donc de toute base légale. Autoproclamés prescripteurs de mœurs et de consciences, lesdits résidents se mettent alors à émettre des avis qu’ils placardent à l’entrée de la résidence, concernant la vie et les habitudes des autres copropriétaires: éducation des enfants, qualité des invités, ameublement des maisons, marques de voitures, choix de carburants, code vestimentaire, goûts musicaux, régime alimentaire, etc



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Par Majd Elatouabi

Ingérence européenne ou l’histoire d’une incompétence universelle
C’est à ce genre de diktat que nos voisins européens essaient depuis des décennies de nous soumettre, nous autres résidents des pays africains, arabes, asiatiques, émergents ou tiers-mondistes, en se prévalant d’un étrange droit d’ingérence qu’ils se sont auto-octroyés du seul fait qu’ils sont nos anciens colonisateurs et qu’ils sont donc censés être plus riches, plus forts, plus intelligents, plus gentils et plus beaux.

Les ressorts de cette supériorité réelle ou perçue trouvent leur fondement dans un magma de faits historiques et de considérations politiques, économiques, anthropologiques, philosophiques et religieuses qu’il serait difficile de résumer. Mais le cheminement de leur évolution, des origines à nos jours, pourrait être grossièrement retracé à travers certaines étapes marquantes de l’Histoire ancienne et récente.
 
Le fil conducteur de ce cheminement commencerait alors par les premières croisades, auxquelles succéderont, plusieurs siècles plus tard, les grandes missions évangéliques et leurs légions de missionnaires parcourant les quatre coins du globe pour y prêcher la bonne parole et préparer, par la même, les futures expéditions coloniales, jusqu’aux premiers balbutiements du droit international d’ingérence au lendemain de la deuxième Guerre mondiale avec le procès de Nuremberg qui sera suivi par l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Convention Européenne des Droits de l’Homme et enfin le Statut de Rome qui instituera en 1998 la Cour Pénale Internationale.

A la noble ambition de combattre l’impunité des crimes contre l’humanité qui prévalait après la guerre succédera, à compter des années 1970, celle tout aussi noble de vaincre la pauvreté et la détresse humaine par le droit d’ingérence humanitaire via une armada d’instances et d’instruments à la légalité douteuse, dont les fameuses ONG internationales, les médias influents et les instances juridiques ou représentatives supposément dotées de compétence universelle.
 
Concept large et aux contours aussi élastiques qu’indéfinis, cette ingérence sera malheureusement maintes fois instrumentalisée et travestie pour asseoir la prédominance de l’Occident sur le reste du monde et atteindre des visées géostratégiques. Parfois de manière brutale, comme lors des croisades de triste mémoire menées par les néo-conservateurs américains en Irak et en Afghanistan, mais le plus souvent de manière insidieuse, sous couvert de démocratie et de protection des droits humains, comme nous venons de le voir avec le Parlement européen.


Rédigé par Majd Atouabi sur L'opinion 


Mercredi 25 Janvier 2023