L'ODJ Média

Interview : L'essor des friperies avec Imane Ouhaddi


le Jeudi 10 Novembre 2022

Plus eco-friendly, moins chère et plus stylée, la seconde main attire un nombre important de consommateurs. Avec l’essor de cette mode écoresponsable, plusieurs boutiques ont vu le jour dans différents pays, y compris le Maroc. Lancé par Imane Ouhaddin Thrift with love est l’une des premières boutiques en ligne créées au Royaume.



Interview : L'essor des friperies avec Imane Ouhaddi
L’empreinte carbone du secteur de la mode est estimée à 1,2 milliard de tonnes de CO2, soit environ 2% des émissions de gaz à effet de serre mondiales.  La production et la surconsommation de masse sont à l’origine de ce chiffre étonnant qui impacte non seulement l’environnement, mais aussi l’humain. Abus de ressources naturelles, pollution chimique, esclavagisme moderne et plein d’autres problèmes majeurs figurent dans la liste des conséquences de cette industrie nuisible. Pour apporter un changement et sensibiliser les consommateurs, certains jeunes engagés ont lancé des boutiques qui proposent les vêtements de seconde main. Un pas pour limiter la consommation de la fast fashion. Imane Ouhaddi fait partie des jeunes passionnés par la seconde main et la protection de l’environnement. En 2018, elle a lancé Thrift with love, une boutique en ligne dédiée aux vêtements de seconde main. Interview.

C’est quoi le thrifting et pourquoi avez-vous lancé thrift with love ?

Le thrifting consiste simplement à acheter des vêtements et des meubles d'occasion, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas neuf. La seconde main a toujours été mon premier choix. Si je ne trouvais pas ce que je cherchais, je me tournais vers le neuf. J'ai toujours eu un faible pour les pièces d'occasion car, par expérience, elles durent plus longtemps. Ils sont de meilleure qualité et uniques. Comme j'en achetais beaucoup, j'ai fini par me retrouver avec une garde-robe pleine de vêtements que je ne portais pas toujours. En tant qu'étudiante, j'ai pensé à créer mon propre small business et à mettre en vente les articles que je ne portais pas. Je me suis dit que d'autres personnes pourraient les trouver intéressants et les acheter. C'est en gros comme ça que ça a commencé. J'ai pris des photos et je les ai mises sur Instagram. Après cela, les gens ont commencé à me contacter pour les obtenir. Comme beaucoup de gens aimaient mes articles, j'ai commencé à sortir et à friper davantage, mais cette fois pas pour moi, mais pour mon entreprise.
 

Avez-vous rencontré des difficultés pour commercialiser vos articles ?

Quand j'ai commencé, il y avait 3 autres pages qui vendaient des vêtements d'occasion, donc ce n'était pas aussi connu. J'ai dû faire beaucoup d'efforts pour expliquer que la vente de vêtements d'occasion n'est pas forcément synonyme de mauvaise qualité et qu'elle n'est pas réservée aux personnes à faible budget. En effet, elle s'adresse à tout le monde.
Pour transmettre mon message, j'ai commencé à travailler avec des créateurs de contenu. Je leur ai envoyé des vêtements qu'ils mettaient sur leurs stories et postes et ça a marché. Cela m'a permis de toucher plusieurs personnes et de les faire changer d'avis. Voilà, le principal problème était de changer les préjugés liés à la seconde main car les gens étaient un peu réticent vis-à-vis de la seconde main, pour des raisons d’hygiènes ou parce qu’ils n’étaient pas habitués.

Comment choisissez-vous les vêtements que vous proposez ?

La sélection que je proposais ne ressemble pas à ce que je propose aujourd’hui. J'ai évolué avec le temps et en fonction de plusieurs choses, à savoir la concurrence. JE voulais me concentrer sur les choses qui allaient distinguer Thrift with love et qui me ressemblais.
En tant qu'entrepreneure, je veux que mes articles me ressemblent. Par exemple, je n'achète pas quelque chose que je ne porterais pas personnellement. Je choisis toutes les pièces très soigneusement, pour que je puisse transmettre mon sens de mode aux gens. Ce qui fait que thrift with love fonctionne bien, c'est la sélection des vêtements. En effet, je mets tellement d'énergie et de temps à choisir chaque pièce. Je fais très attention à la qualité, aux tissus, au style et à la pièce choisie. Je privilégie souvent les matières durables et confortables. Cependant, ces derniers temps, je recherche plus des pièces vintage de haut de gamme. 
 

Interview : L'essor des friperies avec Imane Ouhaddi
En tant que collectionneuse, comment faites-vous pour maintenir un catalogue varié de styles et de tailles pour garantir l'inclusivité ?

Je cherche toutes les tailles et j'essaie d'apporter des styles différents. Parfois, je propose des articles de classe (blazers, chemisiers...), et d'autres fois, je propose des articles sportifs (sweats à capuche, baskets...) . J'essaie au maximum de satisfaire toutes les préférences et toutes les tailles.

Quel est le lien entre la fast fashion et l’environnement ? Et pourquoi est-il devenu important d’opter pour le thrifting ?

Le lien entre la fast fashion et l’environnement est le processus de production des vêtements de la fast fashion qui n’est pas vraiment éthique. Ce processus engendre des déchets et une pollution importante. Les gens ne savent généralement pas que les objets qui ne sont pas vendus finissent brûlés dans des décharges. Cela provoque beaucoup de pollution. A ajouter que les employés travaillent dans des conditions précaires. Les problèmes sont d'ordre social et environnemental. Le Thrifting est la meilleure alternative. En l'adoptant, vous ne ferez pas partie de ce processus de production qui est très nuisible à l'environnement.
 

Comment arrivez-vous à attirer des clients habitués aux produits du fast fashion ?

Il faut savoir que la mode est cyclique. Si vous cherchez dans le passé, vous trouverez, d'une manière ou d'une autre, les tendances que nous avons maintenant. Les pantalons flair par exemple, ils étaient à la mode dans les années 80 et sont de retour aujourd'hui. En gros, j'essaie de suivre les tendances et de proposer des articles similaires à ceux de la fast fashion mais de meilleures qualités. Je propose aux clients ce qu'ils souhaitent acheter. 

Quels sont les défis que les clients ne voient pas dans les coulisses de la collecte et de la commercialisation de vos articles ?

Les gens ne savent pas combien il est difficile de dénicher des pièces régulièrement et de rester régulier. Surtout, pendant le covid, c'était si difficile de trouver de bons articles parce que les revendeurs ne pouvaient pas apporter de nouveaux articles. En général, on ne sait pas à quoi s'attendre quand on thrift. C'est en fait très difficile pour moi de continuer à proposer au moins 20 bonnes pièces chaque semaine. Dernièrement, j'ai commencé à travailler directement avec des gens qui importent des vêtements, donc je peux choisir parmi un stock de superbes objets vintage. Quand on parle du thrift, la principale difficulté est le long processus de trouver une pièce, décider si elle est bonne, puis la nettoyer à sec, voir si elle a besoin d'être alternée. Chaque pièce est unique, il s'agit donc d'un processus compliqué.
 

Interview : L'essor des friperies avec Imane Ouhaddi
Avec l’existence d'autres friperies en ligne, comment différenciez-vous votre commerce des autres ?

Les gens se souviennent de Thrift with love comme l'un des premiers magasins de thrift qu'ils ont découvert en ligne. J'ai commencé il y a 4 ans et j'ai continué à grandir et à m'améliorer, chose qui rend les clients confiants. Vous pouvez trouver dans mon profil beaucoup de photos d'eux portant les vêtements qu'ils ont achetés de chez moi, ce qui prouve qu'il y a une histoire. Les gens font donc confiance au business. Les collections que j'affiche montrent, également, aux consommateurs que je choisis mes pièces avec soin. Je propose également l'échange et le retour, ce qui est très rare. 

Comment peut-on encourager les consommateurs à privilégier les articles de seconde main ?

C'est viral et très populaire en ce moment. C'est le nouveau truc cool, donc les gens sont fiers de dire qu'ils achètent des articles d'occasion. Désormais, les jeunes sont déjà ouverts à cette idée. La mode est l'industrie qui cause le plus de dommages à l'environnement, donc en parler pourrait encourager plus les personnes hésitantes. 

Avez-vous des conseils pour les jeunes entrepreneurs qui souhaitent se lancer dans ce business ?

Ces derniers temps, il y a beaucoup de friperies en ligne parce que plusieurs personnes pensent que c'est le modèle de business le plus facile. Il suffit de prendre des vêtements, de doubler leur prix et de les vendre, mais ils s'arrêtent généralement au bout de peu de temps. Donc je dirais, commencez si vous êtes passionnés, car c'est ce qui vous fera continuer. Vous devez être unique, car il y a beaucoup de gens qui proposent la même chose que vous. Il est conseillé de se spécialiser dans un domaine, par exemple les vêtements actifs, pour que les gens vous remarquent et viennent vers vous. En gros, foncez. Comme tout autre projet, vous devrez consacrer des efforts, du temps et de l'énergie. N'oubliez surtout pas l'éthique du travail et l'honnêteté avec vos clients. 




Rokia Dhibat




Jeudi 10 Novembre 2022