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Intoxications à l’ansérine ou mkhinza, prouvées chez les bébés


le Lundi 1 Février 2021

La toxicovigilance : vers une régionalisation avancée

Le dernier numéro de la Revue « Toxicologie Maroc », du Centre Antipoison et de Pharmacovigilance de Rabat (CAPM), se « régionalise ». Pour ce troisième trimestre de 2020, la revue traite des intoxications aiguës dans la région de Fès-Meknès.



A lire ou à écouter en podcast :

Intoxications à l’ansérine ou mkhinza, prouvées chez les bébés
Dans cette dernière publication, le CAPM a encore relevé les effets néfastes de l’ansérine, autrement appelée Mkhinza au Maroc, surtout quand elle est prise en surdosage ou quand elle est donnée aux nourrissons et aux enfants.

 L’ansérine, de son nom scientifique Chenopodium Ambrosioides, est une plante connue au niveau des maisons marocaines. Elle est certes bénéfique à bien des niveaux, prouvée dans les recherches scientifiques, mais elle induit, à forte dose, des troubles sanitaires conséquents, voire la mort.

Présente dans les foyers marocains,  elle est connue pour son utilisation, dans le cadre des grandes fièvres. On la met comme du henné au niveau de la tête ou sur le front pour son atout à faire baisser la haute température du corps. D’ailleurs, on en a entendu beaucoup parler en cette période de contamination au covid 19, comme recette de grand-mère efficace contre la fièvre.  Il est à noter aussi que plusieurs foyers marocains la cultivent dans leurs jardins, tellement sa renommée est ancrée dans nos traditions.


Intoxications relevées au CHU de Fès

Il s’avère, d’après le CAPM, que cette plante est toxique. A cet égard, des cas d’intoxications ont été relevées chez des nourrissons par le centre, au niveau de la région Fès-Meknès. Elle constitue un danger d’autant plus important  sachant qu’au Maroc, elle est aussi utilisée chez l’enfant, comme antipyrétique, vermifuge et antispasmodique.

Le CHU Hassan II de Fès a enregistré deux cas de nourrissons. Le premier qui a 16 mois,  a été admis aux urgences après avoir bu des infusions de Mkhinza, comme traitement de la gastroentérite, donné par la mère. Pour l’autre, âgé de 7 mois, il l’a eu comme cataplasme sur le front, en plus d’une infusion pour faire baisser la fièvre. Le premier a été sauvé et l’autre a succombé et en est mort.

Une  fille de 10 ans a été aussi sujette à des perturbations sanitaires à l’intoxication par une infusion en quantité importante et répétée à M’khinza. Elle en est décédée une heure après son admission au service de réanimation.

La symptomatologie digestive est fréquemment rapportée lors de l’intoxication par M’khinza et constitue le principal symptôme chez les cas déclarés au CHU.
 
Bienfaits et effets toxiques prouvés

Il est vrai que l’ansérine est reconnue, scientifiquement parlant, pour avoir de grandes  vertus médicinales.

Elle est antipyrétique (combat la fièvre), antalgique (contre la douleur), hémostatique (arrête les hémorragies) et antispasmodique (contre les spasmes musculaires).

Pour revenir aux deux cas d’intoxication graves liées à l’usage thérapeutique de M’khinza, l’évolution a été favorable chez un et fatale pour l’autre.

 « Les effets indésirables rapportés chez les cas notifiés étaient digestifs (vomissement, douleurs épigastriques), cardio-vasculaires (tachycardie), neurologiques (céphalées, convulsions voire coma), rénaux (insuffisance rénale aiguë), hémorragiques et cutanés (prurit, purpura) ».

Explications du CAPM

Intoxications à l’ansérine ou mkhinza, prouvées chez les bébés
Selon le CAPM, « la plante entière est employée en médecine traditionnelle (racine, feuilles, fleurs, écorce, graines), fraîche ou desséchée, sous forme d’infusion ou de jus frais dans les affections gastro-intestinales, la typhoïde, la dysenterie de l’enfant et de l’adulte, contre les abcès buccaux, les ulcérations et les plaies purulentes.  En applications locales, la plante fraiche est utilisée comme antipyrétique.

Seulement,  l’usage thérapeutique de cette plante peut être responsable de nombreuses intoxications liées principalement au surdosage et à un stockage inadéquat.

Elle contient principalement 60 à 80 % d’un peroxyde terpénique : l’ascaridole, et de 20 à 30 % de carbures terpéniques. On y a trouvé, en plus, de l’acide butyrique et du salicylate de méthyle.

Si l’ascaridole a un effet bénéfique, à travers son activité vermifuge, mais il est responsable aussi de la toxicité par l’inhibition du complexe I de la chaine respiratoire avec une inhibition des réactions d’oxydo-réduction au niveau mitochondrial.

La toxicité de la plante commence par des troubles digestifs (vomissements, diarrhées), atteint le système neurologique (dépression du SNC, céphalées, convulsions, coma), produit des troubles neurosensorielles (surdité, trouble visuel) et peut se compliquer par des signes cardiovasculaires, hépatiques et rénaux.

Il est donc temps d’arrêter de boire ces infusions ou d’en  faire des cataplasmes, à tout bout de champ, sans en connaitre les conséquences, surtout pour ce qui est des enfants.

Le CAPM tire la sonnette d’alarme, surtout au niveau de la région Fès-Meknès où le recours à la phytothérapie par les habitants est fréquent. Outre une sensibilisation sur ces toxicités neurologiques au profit des parents, les médecins sont sommés de penser à ce genre de plantes dans leur diagnostic.

Bouteina BENNANI




Lundi 1 Février 2021