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J’ai lu le dernier roman de Tahar Benjelloun…


Rédigé par Salma Chaoui le Lundi 8 Mai 2023

Je viens de lire la dernière saillie de Tahar Benjelloun. Depuis le livre pour lequel il a eu le Goncourt à la fin des années 80, je n’ai plus lu Tahar. Il faut dire que son style ne me plaisait pas beaucoup et ses histoires n’avaient pas de profondeur. Je me suis dit que 30 ans plus tard, cela allait évoluer ou changer. Sur Instagram je vois Gallimard faire la promotion de son dernier ouvrage « Les Amants de Casablanca ». Comme je viens d’acquérir une liseuse basique Kindle, je veux la tester sur un ouvrage marocain.



J’ai lu le dernier roman de Tahar Benjelloun…
La liseuse est vraiment top, très bon rétro éclairage, ne fait pas souffrir les yeux, facilité de manipulation, accès à une large bibliothèque et possibilité de télécharger des fichiers dessus.

Je passe sur la couverture du livre qui fait penser à un film se déroulant à Cuba du temps de Batista. 

Le roman parle d’un couple de Médecins, fassis de surcroît, installé à Casablanca, qui connaît des problèmes de couples de médecins fassis installés à Casablanca... Benjelloun force le trait sur l’ascendance fassie de ses héros. C’est son monde, son ethnie et l’appuie à chaque chapitre ou presque. 

La nana est pharmacienne et le mec est pédiatre. Bourgeoisie Fassie aisée pour la nana, petite bourjoisie fassie pour le mec. Différence de revenus. Le couple s’ennuie après son installation au Maroc, la routine finit par pousser la nana à prendre un amant, juif et pharmacien.

Elle finit par l’avouer à son mec une fois que l’amant juif l’a délaissée. Ils divorcent, le mec se remarie avec sa secrétaire divorcée. La nana, jalouse, cherche à redevenir l’amante de son mari, alors que sa nouvelle femme est partie à la Omra. Fin du roman. 

Le roman reste banal, si ce n’est la sempiternelle charge de Benjelloun contre la société marocaine dans toutes ses composantes. Pour lui, le Maroc et les marocains n’ont pas évolué, et sont toujours pleins de tares. On ne change pas une formule littéraire gagnante, car ça fait vendre de dénigrer son pays ou ses anciens concitoyens.

Tahar a quitté le Maroc à fin des années 60, même s’il y revient régulièrement, il ne connaît plus son pays d’origine. Et pour paraître sérieux aux yeux de ses lecteurs européens principalement, il découpe ci et là des coupures de journaux sur des faits divers arrivés au bled il y’a très longtemps et les insère dans son roman, comme s’ils faisaient partie du corps du livre. Des clichés, des idées révolues et beaucoup de poncifs…

 

Du réchauffé toujours avec un retour incessant vers le point Godwin de beaucoup d’écrivains marocains en quête de sens : Hassan II. Comme Tahar n’a jamais pu critiquer le défunt Roi de son vivant, quand les droits de l’homme étaient un sujet au Maroc, il le fait timidement, post-mortem. Comme s’il avait peur que le souverain, du fond de son mausolée, ne sorte pour le tancer. 

Je n’ai pas aimé ses passages sur la « société fassie », sur sa supposée civilisation unique qui serait au dessus des autres civilisations marocaines. 

Cela fait longtemps que le Maroc a évolué, que les fassis, les berbères, les aroubis ou les rifains se marient entre eux, jouent au foot ou aux cartes, font des enfants et des affaires ensemble. Mais Benjelloun ne semble pas être au courant de cette formidable évolution de notre société. 

Il est resté attaché à des idées d’avant la marche verte, quand la société marocaine était encore fermée, fortement stratifiée et segmentée. Ce n’est plus le cas à présent et tout le monde vit dans un monde apaisé, sauf Tahar qui veut encore croire à la primauté du fassi sur le reste de ses congénères. 

Le roman de Benjelloun sent la naphtaline à forte dose. Et comme l’histoire est tristement banale, il l’asperge de litres de sperme à toutes les pages, pour recréer des scènes d’amour qui sont pourtant improbables, malgré un usage immodéré de Viagra. Ça sent les problèmes de bandaison d’un vieux septuagénaire qui cherche à démontrer qu’il est toujours capable de baiser. Il faut tester d’autres aphrodisiaques, peut-être qu’on aurait envie de croire à cette histoire tirée par les poils pubiens…

A l’heure où des écrivains marocains, très talentueux, manquent cruellement de moyens et de reconnaissance littéraire pour se faire éditer par les grandes maisons européennes, le roman de Tahar Benjelloun aura certainement de beaux jours sur les étals des gares et des aéroports français, porté par une grosse locomotive comme Gallimard.

Tant mieux pour les lecteurs européens de Tahar Benjelloun, qui aiment son style, mais qui ignorent tout sur la société marocaine actuelle et sur sa formidable évolution depuis une trentaine d’années. Ses écrits restent empreints de ressentiment et de clichés à destination de consommateurs externes et ne décrivent plus les vrais problèmes du Maroc actuel. Dommage…


Rédigé par Rachid Boufous




Lundi 8 Mai 2023