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« Journée des Maladies Rares : l’urgence d’une meilleure prise en charge au Maroc »




Par Sanaa Eddiry docteur en physiopathologie et génétique

« Journée des Maladies Rares : l’urgence d’une meilleure prise en charge au Maroc »
Ce 28 février 2025 marque la 18ᵉ Journée Internationale des Maladies Rares, une date clé pour sensibiliser le grand public et les décideurs à ces pathologies souvent invisibles mais aux conséquences bien réelles. Tu as raison, la formulation actuelle peut prêter à confusion. Voici une version plus claire : Si environ 5 % de la population mondiale est concernée, on peut estimer qu’entre 1,5 et 2 millions de Marocains vivent avec une maladie rare. Toutefois, en l’absence de données épidémiologiques précises au Maroc, leur reconnaissance et leur prise en charge restent limitées. 

Le Maroc, en plein essor économique et infrastructurel, a multiplié les initiatives pour renforcer son système de santé. Toutefois, les maladies rares restent en marge des priorités nationales, et les patients doivent faire face à un parcours du combattant pour obtenir un diagnostic et un traitement adaptés. Le manque de centres spécialisés et de protocoles de dépistage accroit l’errance diagnostique, souvent de plusieurs années, avec des conséquences graves sur la santé des patients.

Dans des pays comme la France, l’Allemagne ou le Canada, des progrès notables ont été réalisés grâce à des plans nationaux pour les maladies rares. Ces programmes incluent des centres de référence, des bases de données accessibles aux professionnels de santé et un accompagnement adapté aux familles. Le Maroc pourrait s’inspirer de ces modèles en adaptant les solutions à son propre contexte.

Sous l’impulsion du roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, des progrès ont été réalisés, notamment avec l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) qui vise à renforcer l’accès aux soins pour les populations vulnérables. Cependant, pour répondre efficacement aux besoins des personnes atteintes de maladies rares, il est essentiel d’aller plus loin en développant des infrastructures spécialisées, en mettant en place des programmes de dépistage et de prise en charge précoce, et en renforçant la formation des professionnels de santé pour améliorer la détection et l’accompagnement des patients.

La mise en place d’un plan national pour les maladies rares, avec des partenariats entre l’État, les associations et les professionnels de santé, est une nécessité. Une meilleure reconnaissance institutionnelle, l’intégration des maladies rares dans les politiques de santé publique et un accompagnement adapté pour les familles sont autant de leviers essentiels pour garantir à chaque citoyen un accès à des soins dignes et efficaces.

Par ailleurs, un engagement collectif de la société civile est nécessaire. Les associations de patients jouent un rôle crucial en sensibilisant l’opinion publique et en apportant un soutien précieux aux familles. Le renforcement des collaborations entre les pouvoirs publics, les chercheurs et les professionnels de santé pourrait accélérer le développement de solutions, notamment par la mise en place de registres nationaux pour mieux comprendre la prévalence et l’évolution de ces maladies.

Sans oublier l’accès aux traitements qui reste un enjeu majeur. En effet, il est nécessaire que le Maroc s’inscrive dans une dynamique de coopération internationale pour favoriser l’introduction de thérapies innovantes et de médicaments orphelins à des coûts abordables.

Le Maroc dispose des ressources et des compétences pour relever ce défi. Il est temps d’agir afin que ces maladies, bien que rares, ne soient plus ignorées. En unissant nos efforts, nous pouvons améliorer le quotidien de milliers de familles et offrir à ces patients un avenir porteur d’espoir.

Des témoignages pour éclairer ce que vivent ces familles :

« Je voyais bien que mon enfant souffrait, il n’avait pas un comportement normal, je me suis battue pour identifier sa pathologie. J’ai consulté de nombreux spécialistes, associations et hôpitaux, mais personne n’a pu poser un diagnostic correct. On m’a conseillé différentes prises en charges, très lourdes et onéreuses, mais pas du tout adaptées. Ce n’est qu’après avoir effectué un test d’exome* à l’étranger que j’ai enfin compris ce qu’il avait (il avait 10 ans). Malheureusement, le temps passé avec une prise en charge inappropriée a réduit les chances de mon enfant pour mener une vie normale. Même après le diagnostic, certains m’ont dit que cela ne servait à rien de connaître le nom du syndrome, car il n’y avait pas de traitement. Et pire encore, certains médecins m’ont insinué que chercher une réponse allait à l’encontre de la volonté de Dieu, alors que mon seul but était de comprendre la souffrance de mon enfant pour mieux l’accompagner. »

* Un examen d’exome est un test génétique qui permet d’analyser les gènes responsables de la production de protéines pour détecter des mutations génétiques liées à certaines maladies.

« Le plus dur, ce n’était pas seulement l’incertitude, mais l’isolement. Quand personne ne sait ce qui se passe, on se sent seul, perdu. Les médecins n’avaient pas de certitudes, ils se contentaient de faire des hypothèses, parfois même des erreurs. Nous avons fini par être rejetés, comme si notre fille était juste un cas trop complexe pour être résolu. »

« Chaque visite à l’hôpital devenait un parcours du combattant. Nous avons passé des mois, puis des années, à enchaîner les tests, les examens, les consultations, mais sans jamais de réponse claire. L’errance diagnostique est un véritable cauchemar. Vous avez l’impression que tout ce que vous vivez est invisible aux yeux des autres. La peur grandit avec chaque passage chez un nouveau spécialiste, mais aucune solution n’apparaît. »

« Je me sens tellement seule dans cette épreuve. Personne ne comprend la souffrance de ma fille, ni la mienne, ni celle de toute notre famille. J’ai mis ma vie de côté pour elle, mais malgré tous les médecins, aucune réponse. J’ai frappé à toutes les portes, mais on nous ignore. C’est épuisant de lutter dans l’incompréhension. Je voudrais juste qu’on nous aide, qu’on nous écoute enfin. »

Ces témoignages de parents d’enfants malades illustrent l’isolement et la souffrance de ces familles. Ils rappellent l’urgence d’une action concertée pour améliorer la reconnaissance, le diagnostic et la prise en charge. Chaque voix compte, chaque histoire mérite d’être entendue. Il est temps de rendre l’invisible visible.

Vendredi 28 Février 2025



Rédigé par La Rédaction le Vendredi 28 Février 2025