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Journée du migrant : L’inachevé…


Voici une vingtaine d’années, SM le Roi avait décidé de faire du 10 août de chaque année la " Journée nationale du migrant ". Depuis, sa célébration donne lieu à de multiples manifestations. A Agadir, depuis une semaine, se tient la "Foire aux savoirs : engagement de la diaspora et territoire ". A Fès, le CRI et la Wilaya ont organisé une rencontre sur : "Le rôle des marocains résidents à l’étranger dans le développement local", avec la participation du président du CESE, Ahmed Réda CHAMI et du président du CCME, Driss EL YASAMI. D’autres rendez-vous ont eu lieu dans plusieurs villes du Royaume.



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Par Mustapha Sehimi

Journée du migrant : L’inachevé…
Le souci dominant qui prévaut est d’ouvrir une espace de dialogue avec les MRE- leurs situation, leurs besoins et leurs attentes. Dans cette même ligne, il faut citer une nouvelle version, en août dernier, de la plateforme virtuelle dédiée aux compétences du monde : MAGHRIBCOM (www.maghribcom.gov.ma ).

Profils et redéploiement
Sur cette communauté nationale, il y a évidemment beaucoup à dire. Elle compte, selon le HCP, plus de 5 millions de personnes dont les 4/5 en Europe, répartis globalement comme suit : France (1.300.000), Espagne (900.000), Belgique (700.000), Allemagne (180.000), etc. Historiquement, pour les cinq décennies écoulées, trois phases sont à relever : l’une, d’une migration de travail, temporaire ; une autre de regroupement familial ; enfin, une migration permanente avec une féminisation autonome.

De plus, le niveau d’éducation et de formation s’est sensiblement élevé. Enfin, elle s’est redéployée au-delà des pays traditionnels d’immigration (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne) vers d’autres latitudes, de nouveaux pays d’immigration (Italie, Espagne, pays du Golfe, Canada, Etats-Unis). Au total, les migrants marocains sont présents dans près d’une centaine de pays.

La CGEM, de son côté, va lancer prochainement une plateforme de monitoring " Mentor to Mentors " pour mobiliser les compétences des Marocains du Monde (MDM). Elle fait suite à celle des Marocains entrepreneurs du monde (MeM) de 2017, baptisée "Treizième région" de la confédération patronale.

Pour ce qui est de la place économique des MRE, bien des chiffres sont significatifs. Le réseau bancaire marocain gère plus de 60% des transferts de la diaspora ; les dépôts des migrants sont de l’ordre de 24% de l’ensemble. Les transferts des MRE ont atteint un chiffre historique en 2021 avec 92,7 milliards de DH, un bond de 37% par rapport à 2020 (68 MMDH) et plus encore avec 2019 (65 MMDH).

Pour l’année en cours, les prévisions de BAM et de l’office des changes retiennent 87 MMDH. Pour ce premier semestre, ils ont dépassé les 47 MMDH (+6%). De tels chiffres ont été précieux pour réduire le déficit courant de l’ordre de 2,3% du PIB.

Il a fallu bien des années pour que des politiques publiques conséquentes arrivent à mettre en œuvre des dispositifs attractifs. Ce processus a été passablement laborieux durant les années 80 du siècle passé, la migration n’étant appréhendée alors que comme un segment de la politique nationale de l’emploi. Puis ont suivi deux mesures : un département dédié et la création de la Fondation Hassan II.

Durant les deux dernières décennies, ce processus s’est accéléré avec plusieurs mesures : amélioration de l’accueil ("opération Marhaba ", Journée nationale du migrant, programme FINCOME du forum international (2003-2009), réseau marocain de l’investissement (Moroccan Invest Network) etc. Trois axes ont été priorisés : la promotion des transferts financiers, la mobilisation des compétences et le codéveloppement dans le sens d’une simulation des IDE des MRE dans les TPE/PME.

Partis : la rente politique
Cela dit, manque encore tout un pan : celui de la place de la diaspora marocaine dans le domaine de la participation politique. Les textes méritent d’être rappelés : tel l’article 16 de la Constitution sur " la protection des droits et des intérêts légitimes" de tous les citoyens ; tel aussi l’article 17 sur les MRE comme électeurs et éligibles ; ou encore " leur participation aussi étendue que possible… aux institutions consultatives et de bonne gouvernance créée par la Constitution ou par la loi". Potentiellement, le champ de leur participation est important et pratiquement sans limite- comme tous les citoyens marocains. De fait, la concrétisation de tous ces droits reste bien formelle.

Pour ce qui est de l’élection des membres de la Chambre des représentants, rien n’a encore été entrepris à ce jour : ni des circonscriptions électorales à l’étranger ni le droit de voter et de se porter candidat, ni des élus MRE au sein de cette institution. L’idée d’une refonte du CCME – pourtant consacré dans la nouvelle Constitution de 2011- en faveur d’un Conseil supérieur n’avance pas aujourd’hui.

Une étude a été lancée par le CCME pour un benchmark de participation politique dans quinze pays retenus. Et après ? Manque, il faut bien le dire, une forte dose de volontarisme : du côté du département de l’Intérieur qui invoque des questions d’organisation logistique de la communauté MRE ; de celui aussi des partis politiques malgré un discours récurrent en la matière.

Une représentation parlementaire des MRE – une bonne cinquantaine sur une base minimale de trois millions d’électeurs potentiels en âge de voter – réduirait d’autant le périmètre des partis… Aucun d’entre eux n’y souscrirait. Cela porte un nom : la rente… politique ! Et donc le statu quo. Le conservatisme…

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid


Lundi 15 Août 2022