L'ODJ Média

L'Open Market, nouveau modus operandi de relance du financement du Trésor


Rédigé par le Dimanche 22 Janvier 2023

La problématique de liquidité reprend les devants de la scène de l’actualité économique nationale quoiqu’elle soit différemment déclinée cette fois. Tant par le contexte inflationniste dans lequel elle évolue que par le modus operandi dont les autorités monétaires du Royaume usent pour y remédier. Une sorte de relance via l’Open Market.
Lire ci-contre les tenants et les aboutissants d’un tel procédé tel qu’explicités par des cadres redevant de l’Institut d’émission.



Bank Al Maghrib à la rescousse du marché des adjudications
Bank Al Maghrib à la rescousse du marché des adjudications
Cette fois, Bank Al Maghrib, en tant qu’autorité monétaire, ressort un "vieil " instrument de politique accommodante dont la première utilisation par cette institution remonte au début des années 2000 et qui consiste à intervenir sur le marché secondaire dans le cadre d’opérations "Open Market ".

Au fait, il s’agit d’une injection de liquidités par le biais d’opérations de rachat des bons de Trésor auprès des banques.

Pour cela, Bank Al Maghrib avait procédé à deux opérations d’achats de titres obligataires portant sur un montant global de 16,3 milliards de dirhams et s’apprête, incessamment, à lancer une troisième.

Bank Al Maghrib à la rescousse du marché des adjudications

Le lundi 9 janvier 2023, cette institution avait organisé un appel d’offres relatif à une opération structurelle d’achat de bons du Trésor sur le marché secondaire auprès des banques qui, finalement, s’est soldé par une demande globale de près de 15 milliards de dirhams, totalement satisfaite par Bank Al Maghrib. D’une maturité moyenne de 6,5 mois, ces bons sont assortis d’un taux de rendement moyen de 3,34 %.

La même opération fut renouvelée, une semaine plus tard, le lundi 16 janvier et s’est soldée, cette fois, par une demande globale de 1,3 milliard de dirhams, elle aussi, totalement satisfaite par Bank Al Maghrib avec une maturité moyenne de près de 3 mois, et un taux de rendement moyen de 3,16 %.

Le prochain appel d’offres est programmé pour le lundi 23 janvier 2023.

L’argumentaire de la Banque centrale

Pour rendre compte des tenants et aboutissants d’un tel processus, Bank Al-Maghrib représentée par Younes Issami, directeur des opérations monétaires et des changes, accompagné de son adjoint, Mohamed Souhail, viennent d’animer une conférence de presse.

Un exercice de communication de 55 minutes qui, justement, tombe à point nommé pour clarifier les raisons, voire la portée d’une telle initiative qui, rappelons le pour toute fin utile, intervenant dans un contexte de resserrement monétaire, à moins d’un mois de la décision prise de relever le taux directeur de 50 points de base à 2,50 % dans le but annoncé de prévenir tout désancrage des anticipations d’inflation et favoriser le retour de l’inflation à des taux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix.

Le pourquoi de l’initiative

A en juger par l’argumentaire développé par ces deux responsables, l’initiative de Bank Al Maghrib, se justifie par un certain nombre de considérations.

D’ abord, trouver une réponse à "la forte baisse de la demande constatée lors des séances adjudications organisées par le Trésor, tous les mardis, pour financer son déficit budgétaire ".

Ce peu d’engouement, tel qu’expliqué par M. Issami, émane, principalement, du fait que " les banques ont atteint la limite de ce qu’elles peuvent détenir en bons du Trésor, en raison de la hausse des taux qui a impacté négativement la performance des portefeuilles détenus ". Ce qui fait que la marge pour que les banques en détiennent davantage a été amoindrie de manière significative.

La seconde raison se rapporte aux appréhensions des investisseurs vis à vis des anticipations de l’évolution du taux directeur au cours des prochains mois, dans un contexte d’inflation persistante et qui, partant de là et à défaut de visibilité, préfèrent attendre plutôt qu’investir.

Partant de ce double constat "nous avons donc réfléchi à la manière d’améliorer la liquidité sur le marché des bons du Trésor, en utilisant les instruments dont dispose Bank Al Maghrib sans compromettre pour autant ni son indépendance, ni la conduite de sa politique monétaire ", a souligné M. Issami en ajoutant que Bank Al Maghrib a donc opté pour les opérations d’Open Market qui consistent à racheter des bons du Trésor sur le marché secondaire pour "injecter de manière structurelle de la liquidité  ".



Y a-t- eu retour sur « investissement" ?

Apparemment oui, dans la mesure où, comme l’avait souligné M. Souhail, ces opérations d’Open market ont relancé le marché des adjudications sur le marché primaire avec une demande de 35 milliards lors de la première séance et 24 milliards lors de la seconde. Des "volumes qui n’ont pas été observés depuis pas mal de temps ".

Est ce normal ?

Quelque part, oui dans la mesure où ce programme de 25 milliards de rachat auprès des banques est, en principe, conditionné par le fait que ces dernières s’engagent à réinjecter les montants équivalents au niveau du marché des bons du Trésor.

Est-ce de la planche à billets ?

Aucunement, s’accordent à dire les deux responsables dans la mesure où la taille du bilan de la Banque centrale n’a pas changé vu que les 16 Milliards injectés au niveau du rachat des bons de Trésor ont été, en fin de compte « compensés » par la baisse de 13 Milliards de dirhams observée au niveau des autres instruments de la Banque centrale dont essentiellement la demande des banques sur le plan des avances à sept jours, à un mois et à trois mois.
Aussi, expliquent-ils que le décalage de 3 milliards est lié à d’autres facteurs, dont la circulation fiduciaire.

 

Est-ce de l’assouplissement quantitatif ?

Aucunement, tiennent à préciser les deux cadres de Bank Al Maghrib.

Et ce, pour plusieurs raisons :

L’objectif de cet Open Market n’est pas d’influencer les taux, ni de soutenir l’économie ou de financer la dette, mais de bien rétablir la demande sur les bons du Trésor ;

Le montant fixé par Bank Al Maghrib pour ce programme ne dépasse pas les 25 milliards de dirhams et concerne les maturités courtes alors que les programmes d’assouplissement quantitatif déjà adoptés par plusieurs pays visent à injecter de manière "massive" des liquidités sur le marché, s’intéressent à des maturités relativement longues et finissent par influencer la courbe des taux.

Qu’en est-il après ?

Bank Al Maghrib continuera de relancer les appels d’offres jusqu’à épuisement des 8,7 milliards restants dudit programme. Quitte à envisager un nouveau programme si les conditions motivantes sa mise en place sont toujours présents.

Nous y reviendrons.




Noureddine Batije
Noureddine BATIJE est un journaliste spécialiste en investigation journalistique et traitement de... En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 22 Janvier 2023