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L’art de rater une sacrée « Forsa »


Rédigé par le Dimanche 17 Avril 2022



L’art de rater une sacrée « Forsa »
Oyez touristes étrangers ! Venaient admirer le spectacle de jeunes entrepreneurs marocains à 100.000 dhs pour égayer votre séjour au royaume. C’est l’attraction actuellement proposée par le ministère de tutelle.

Car au Maroc, Mesdames et Messieurs, l’entreprenariat est une affaire touristique, un divertissement offert aux visiteurs étrangers. Sinon, pourquoi aurait-on confié le programme « Forsa » aux bons soins du département du tourisme ?

Ce ne sont quand même pas les opérateurs économiques déjà installés et exerçant dans tous les secteurs d’activités autres que touristique, mais qui n’ont jamais bénéficié des lumières du ministère du tourisme, qui peuvent prétendre en savoir plus à ce sujet.

La preuve ? Leurs affaires marchent !

Au « plus beau pays du monde », les jeunes se lancent dans l’aventure de l’entreprenariat non pas dans le but premier de créer de la valeur ajoutée et des emplois, cela se fait également mais à titre secondaire. Ce serait plutôt pour distraire le visiteur étranger.

Mesdames et Messieurs les touristes étrangers, venez voir de jeunes marocains inexpérimentés, peut être diplômés mais qui n’ont jamais vendu ne serait-ce qu’une boîte de mouchoirs (ceux aptes à le faire n’attendent rien de l’Etat si ce n’est de leur foutre la paix dans leur univers parallèle informel), exploser la croissance du Pib avec un capital de départ, par tête de pipe, de pas plus de 100.000 dhs !

N’est-ce pas un miracle, produit de la fameuse « spécificité » marocaine, à faire admirer par les touristes étrangers, qui vont débarquer par paquets pour joindre l’utile, passer de bonnes vacances au Maroc, à l’agréable, regarder les « Forsa games », ou de jeunes porteurs de projets doivent lancer, avec seulement 100.000 dhs, des activités génératrices de revenus, dans un contexte d’inflation qui part en orbite et de consommation en berne ?

Ce programme gouvernemental tant vanté sera d’ailleurs porté haut sur l’applaudimètre par des « experts », spécialement recrutés pour ce faire, qui n’ont toutefois jamais entrepris la moindre activité agricole, industrielle ou commerciale mais n’en vendent pas moins leur « expertise routinière » au prix du gramme de poivron vert, dont on dit qu’ils ont sauté sur l’enveloppe qui leur est consacré comme des jeûneurs sur un « ftour ministériel ».

Au diable les esprits chagrins qui mettraient en doute pertinence de la démarche adoptée pour mettre en œuvre une excellente initiative, d'ailleurs unanimement approuvée quand au principe, ils seront aussitôt taxés de pessimistes, défaitistes, nihilistes… (la liste des « istes » est si longue qu’il est laissé aux lecteurs le soin de deviner le reste des qualificatifs habituellement accolés aux esprits critiques).

En ces temps de montée en flèche du coût de la vie, de chute libre du pouvoir d’achat des classes moyennes et défavorisées et alors que l’éventail des solutions à mettre en œuvre s’avère des plus restreints, à moins de consentir des sacrifices auxquels répugnent les élites qui s’en sorties plus riches de la crise sanitaire, le spectacle compte plus que la (triste) réalité, le récit doit l’emporter sur les soucis du quotidien.

N’est-ce pas là le secret de vacances agréables ?

Puisque le Pib rechigne à croître pour financer le nouveau modèle de développement, des « halka » à Jamâa Lafna spécialement organisées pour les touristes étrangers, avec de jeunes entrepreneurs marocains en vedettes des spectacles, pourraient bien y pourvoir.

Si la représentation vous a plu, n’oubliez pas, svp, de donner quelques piécettes. 100.000 dhs, ça ira parfaitement. Le reste ira aux « experts ».




Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 17 Avril 2022